Abraham Mapou

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain russe d'expression hébraïque (Kovno 1808 – Königsberg 1867).

Après un intérêt passager pour le hassidisme et la Kabbale, il apprend les langues européennes  (français, allemand, russe), et étudie la littérature hébraïque moderne, malgré l'hostilité du milieu juif traditionaliste. À partir de 1832, il gagne sa vie comme précepteur dans diverses villes de Lituanie et adhère aux idées de la Haskalah. C'est en 1853 qu'il publie son grand roman biblique, en chantier depuis vingt ans, l'Amour de Sion, qui, malgré les défauts de son intrigue compliquée et naïve connaît un grand succès, consacré par 16 éditions et des traductions en diverses langues. Par l'évocation des charmes de la vie rurale dans la Judée du temps d'Isaïe, par le récit de la pure idylle qui se noue entre les deux héros, ce roman constitue une véritable révolution dans les lettres hébraïques : dans un milieu austèrement puritain, il fait une place aux élans du cœur ; au sein de la détresse de l'exil, il apporte à des milliers de Juifs misérables le rêve d'un glorieux passé sur la terre ancestrale. De plus, Mapou démontre dans ce roman que la langue hébraïque, parée de toute sa splendeur biblique, peut redevenir un outil littéraire. Il s'essaie ensuite au genre réaliste avec l'Hypocrite, paru en cinq parties de 1858 à 1869, qui dépeint la vie juive en Lituanie : on y décèle l'influence des Mystères de Paris et un effort original pour adapter le style à la réalité moderne – Mapou ne recourt pas seulement à l'hébreu biblique mais intègre des éléments linguistiques plus tardifs, méthode qui servira de modèle aux écrivains réalistes de la fin du siècle. Les difficultés rencontrées par son roman les Visionnaires consacré à la période du faux messie Sabbataï Zevi l'inclinent à revenir à un sujet biblique avec le Péché de Samarie (1865-1866). Parallèlement, il publie des ouvrages éducatifs destinés à l'enseignement de l'hébreu (1859 et 1867) et un manuel en allemand et en caractères hébraïques mais destiné à l'enseignement du français. Les dernières années de Mapou sont assombries par ses démêlés avec les adversaires traditionalistes et une maladie des doigts qui l'empêche d'écrire.