les Forbans de la nuit

Night and the City

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Film policier de Jules Dassin, avec Richard Widmark (Harry Fabian), Gene Tierney (Mary Bristol), Googie Withers (Helen Nosseross), Francis L. Sullivan (Phil Nosseross), Herbert Lom (Kristo), Stanislaus Zbyszko (Gregorius), Mike Mazurki (l'Étrangleur).

  • Scénario : Jo Eisinger, d'après le roman de Gerald Kersh
  • Photographie : Max Greene
  • Décor : C.P. Norman
  • Musique : Franz Waxman
  • Montage : Nick De Maggio, Sidney Stone
  • Production : Fox
  • Pays : Grande-Bretagne
  • Date de sortie : 1950
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 35

Résumé

Harry Fabian est rabatteur pour Phil Nosseross, patron du cabaret londonien le Silver Fox, où chante sa compagne, Mary. Débordant d'idées et d'aplomb, ce frimeur échafaude sans relâche des projets grandioses dont aucun n'aboutit jamais. Cette fois-ci, cependant, Harry est sûr de son affaire : fort de l'amitié de l'illustre catcheur Gregorius, il s'apprête à organiser la première rencontre de lutte gréco-romaine à Londres contournant le monopole qu'exerce en ce domaine le fils de Gregorius, Kristo. Helen Nosseross, l'épouse frustrée et cupide de Phil, subtilise à celui-ci une partie des fonds nécessaires. Harry s'engage en échange à lui fournir une licence pour ouvrir son propre cabaret. Phil découvre la combine. Il piège Harry en le forçant à opposer au jeune protégé de Gregorius le redoutable Étrangleur. Une bagarre éclate entre ce dernier et Gregorius, se soldant par la mort du vieux lutteur. Kristo offre alors 1 000 livres pour la capture de Fabian. La pègre londonienne tout entière se mobilise contre lui…

Commentaire

Portrait d'un artiste à la recherche de son art

Les Forbans de la nuit, premier film de Jules Dassin après son départ forcé des États-Unis, est le portrait d'un homme qui refuse de grandir, d'« un artiste à la recherche de son art », d'un mythomane obsédé par le désir de se faire un nom, d'un incorrigible bonimenteur, hanté par la crainte d'être trahi et vendu. Ce film, qui conclut la veine néoréaliste du cinéaste des Démons de la Liberté et de la Cité sans voiles, explore avec un œil quasi documentaire les bas-fonds de Londres et leurs multiples figures : vendeurs à la criée, musiciens des rues, trafiquants et brocanteurs, gogos, entremetteurs, propriétaires de boîtes, mendiants et receleurs. C'est le récit d'une longue poursuite nocturne, qui s'achève à l'aube sur un constat d'échec étrangement serein. Au bout de ses rêves, Harry Fabian découvre un semblant de lucidité et se réhabilite par un ultime, mais dérisoire, sacrifice. Au-delà de la cupidité et de l'ambition, l'amour (impossible) se dévoile ainsi comme la principale motivation des personnages. Jules Dassin signe, en plein maccarthysme, un beau film sur la paranoïa, la peur et la dignité.