les Chevaux de feu

Teni Zabytyh Predkov

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Film fantastique de Sergueï Paradjanov, avec Ivan Mikolaïtchouk (Ivan), Larissa Kadotchnikova (Marichka), Tatiana Besteva (Palagna), Spartak Bagachvili (Jura, le sorcier), Nikolai Grinko (le berger), Leonid Engibarov (Miko, le muet).

  • Scénario : Sergueï Paradjanov, Ivan Tchendei, d'après une nouvelle de Mikhaïl Kotsoubinski les Ombres des ancêtres oubliés (d'où le titre russe)
  • Photographie : Youri Ilienko
  • Décor : G. Yakoutovitch, M. Rokovski, L. Baïkova, V. Chikina
  • Musique : Miroslav Skorik
  • Montage : M. Ponomarenko
  • Production : Studio Aleksandr Dovjenko
  • Pays : U.R.S.S.
  • Date de sortie : 1966
  • Son : couleurs
  • Durée : 1 h 30

Résumé

Dans les Carpates « oubliées des dieux et des hommes », au xixe siècle, deux enfants Ivan et Marichka s'aiment malgré la rivalité de clans qui oppose leurs deux familles. Devenu adolescent, le jeune homme doit partir sur les alpages voisins comme journalier pour gagner son pain. Saisi d'un sombre pressentiment, il revient précipitamment au village où il retrouve Marichka noyée dans la rivière. Dès lors, le malheur le poursuit : longtemps fidèle à sa bien-aimée, il erre dans la nature en s'écartant de tous, puis essaie de retrouver le bonheur en vivant avec Palagna. Mais elle le trompe avec le sorcier qui, jaloux, tue Ivan d'un coup de hache. Il ne retrouvera le bonheur que dans la mort.

Commentaire

Rites et symboles : génie lyrique de l'Ukraine

S'appuyant sur l'héritage de Dovjenko, Paradjanov est le premier à montrer, en 1965, que le folklore et les traditions artistiques locales peuvent redevenir une source de richesse visuelle pour le cinéma soviétique. Assisté de son chef-opérateur Youri Ilienko, surnommé le « surréaliste de Zaporož'é », il ressuscite le génie lyrique de l'Ukraine en mettant en scène ce peuple légendaire des Goutzouls à travers ses rites : fêtes, danses, processions nuptiales et mortuaires, défilés masqués… Ces cérémonies sont rythmées par les instruments folkloriques qui ne s'arrêtent guère et jouent le rôle de récitant. Le beuglement du long cor des Carpates, par exemple, annonce le malheur.

Car la nature, omniprésente et qui commande tous les éléments de la vie quotidienne – travaux des champs, fabrication des tonneaux, affûtage des longues serpes –, est elle-même étroitement associée à la religion, aux rites païens et à la sorcellerie. Palagna sort nue dans la nuit pour accomplir un rite magique dans l'espoir d'attendre un enfant. Le sorcier Jura, qui la convoite en secret et auquel elle se refuse, va déchaîner les forces malignes de la nature sur son rival. Les héros, en proie à des pressentiments funestes et broyés par les éléments naturels, sont écrasés par le mauvais sort.

L'intérêt ethnographique des Chevaux de feu est servi par des images somptueuses et une caméra très mobile qui fait défiler tantôt des images rapides, figurant un bonheur fugitif, tantôt au contraire des images très lentes, annonciatrices de mort, et toujours chargées de symbole. Au printemps ou en été, la nature symbolise l'innocence, les jeux dans la rivière, la pureté, la biche près de la tombe de Marichka. L'hiver, par contre, la neige est porteuse de malheur, comme les chevaux, les arbres rougis de sang. Les scènes superbes se succèdent, pour ne citer que celle de la recherche aux flambeaux du corps de Marichka dans la rivière. De nombreux flash-back nouent l'intrigue et confèrent au film son lyrisme fantastique.

  • 1965 Les Chevaux de feu, film de S. Paradjanov.