la Vie de O'Haru femme galante

Saikaku ichidai onna

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Kenji Mizoguchi, d'après le roman d'Ihara Saikaku Kôshoku ichidai onna, avec Kinuyo Tanaka (O'Haru), Ichiro Sugai (son père), Masao Schimizu (Kikuoji), Toshiro Mifune (Katsunosuke).

  • Scénario : Yoshikata Yoda
  • Photographie : Yoshimi Hirano
  • Décor : Hiroshi Mizutani
  • Musique : Ichiro Saito
  • Montage : Toshio Goto
  • Production : Shintoho (Tokyo)
  • Pays : Japon
  • Date de sortie : 1952
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 2 h 23 (version intégrale), 1 h 58 (version française)
  • Prix : Lion d'argent, Venise 1952

Résumé

La première séquence dans la pénombre nous révèle une femme vieillie prématurément, vue le plus souvent de dos. Puis vient un long retour en arrière, vingt ans auparavant, qui retrace les étapes de sa dégradation. Fille d'une famille aristocratique, elle a vécu une histoire d'amour avec un jeune homme d'une classe inférieure. Après l'exécution de son amant, elle sera mariée à un riche marchand qui la répudiera après qu'elle lui aura donné un héritier. Puis elle sera vendue comme prostituée par son père avant d'entrer au couvent.

Commentaire

Un classicisme serein

La Vie de O'Haru est une œuvre clé dans la carrière de Kenji Mizoguchi et le film qu'il chérissait le plus. Après huit films réalisés pendant l'occupation américaine (qui s'achève en 1950) et qui le laissent insatisfait, il marque le début d'une longue suite de chefs-d'œuvre et de sa reconnaissance internationale. Déclarant qu'aucun artiste n'atteint la grandeur avant l'âge de cinquante ans (il en a cinquante-trois au moment du tournage de O'Haru), il s'arrête de boire et s'attaque à l'adaptation d'un roman picaresque classique de la littérature japonaise du xviie siècle, la Vie d'une amie de la volupté (Kôshoku ichidai onna) d'Ihara Saikaku. Dans les quelques années qui précèdent sa mort en 1956, il signe d'autres chefs-d'œuvre dont l'Intendant Sanshō (Sanshō dayū, 1954) et les Contes de la lune vague (Ugetsu Monogatari, 1953) adapté lui aussi de deux contes publiés au xviiie siècle par Ueda Akinari.

L'ampleur du récit (143 minutes dans la version intégrale japonaise) fait de O'Haru une œuvre foisonnante et néanmoins épurée, où le cinéaste nous introduit dans toutes les strates de la société japonaise médiévale tout en dégageant avec clarté la destinée intellectuelle de son héroïne. Mizoguchi se confirme dans O'Haru comme le peintre de la femme dont il chante avec lyrisme les souffrances et les humiliations au sein d'une société patriarcale. Le nombre réduit des plans (197 au total) se double d'une virtuosité de la caméra qui, en longs mouvements sinueux, suit l'odyssée douloureuse de O'Haru.

Les plans d'ensemble que privilégie le cinéaste maintiennent une distance à l'égard de l'action, répriment toute émotion facile et ne rendent que plus forte la catharsis finale. Selon Saikaku, O'Haru est détruite de l'intérieur par son goût immodéré du sexe. Mizoguchi abandonne le ton ironique de l'original et montre davantage les contraintes extérieures, adoptant le ton élégiaque, le classicisme serein qui sera désormais sa marque et qui contraste avec ses recherches formelles plus radicales et la critique politique plus acerbe de certaines de ses œuvres antérieures.

Le film fut un désastre commercial, mais attira de nouveau les faveurs de la critique japonaise à son égard, ce qui lui permit de signer un contrat avec la compagnie Daiei et de réaliser huit films en toute liberté dans les quatre dernières années de sa vie.