la Belle Équipe

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Julien Duvivier, avec Jean Gabin (Jean dit Jeannot), Charles Vanel (Charles dit Charlot), Aimos (Raymond dit Tintin), Viviane Romance (Gina), Micheline Cheirel (Huguette), Raphaël Medina (Mario), Charles Dorat (Jacques).

  • Scénario : Charles Spaak, Julien Duvivier
  • Photographie : Jules Krüger, Marc Fossard
  • Décor : Jacques Krauss
  • Musique : Maurice Yvain
  • Montage : Marthe Poncin
  • Production : Arys, Ciné Arts
  • Pays : France
  • Date de sortie : 1936
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 34

Résumé

Cinq copains au chômage Jean, Charles, Mario, Jacques et Tintin gagnent ensemble à la Loterie nationale. Jean suggère qu'ils restent unis pour retaper une guinguette au bord de l'eau ; ainsi, ils seront tous présidents de leur petite République, « Chez nous ». Le travail commence dans l'enthousiasme et se poursuit malgré les obstacles : Gina, l'ex-femme de Charles, réclame « sa part » ; Jacques, secrètement amoureux de la fiancée de Mario, s'exile au Canada. Mario lui-même est sous le coup d'un arrêté d'expulsion. Tintin glisse du toit et se tue. De la « Belle Équipe » seuls subsistent Jean et Charles, que Gina, coquette et vénale, dresse l'un contre l'autre ; l'amitié l'emporte pourtant, les deux hommes renoncent d'un commun accord à Gina, et la guinguette est inaugurée, le jour de Pâques, dans l'allégresse générale. (Dans la fin originale, Gina, repoussée par Jean, se venge en suscitant la jalousie de Charles ; exaspéré par les accusations injustes de son ami, Jean tue Charles).

Commentaire

Le reflet des aspirations d'une équipe

La Belle Équipe est dans doute – avec le Crime de M. Lange, de Jean Renoir – l'ouvrage qui traduit de la façon la plus fidèle et la plus émouvante les aspirations du Front populaire. La réalisation des rêves individuels est subordonnée à celle du projet collectif. Réconciliant le travail et le plaisir, la guinguette « Chez nous » fonde la liberté, car elle permet d'échapper à un double enfermement : celui de Paris, celui de l'exploitation capitaliste. Ne s'agit-il que d'une « belle idée » illusoire ? La fin originale semble le suggérer, et l'aspect utopique du film est renforcé par la double exclusion de la femme, qu'il s'agisse de la virginale Huguette ou de la garce incarnée avec piquant par Viviane Romance. Pourtant, le style de la Belle Équipe est en parfait accord avec son thème, à la fois pastoral et unanimiste. Dès le générique, la mélodie populaire de l'accordéon se marie aux arbres du bord de l'eau, sensuellement filmés en contre-plongée. L'inauguration de la guinguette a lieu le jour de Pâques, avec toutes les implications symboliques de renaissance que cela suppose. À plusieurs reprises, la fête dilue les barrières sociales, le vin délie les langues et dégourdit les jambes. Une œuvre tout à fait réaliste, qui préfigure le cinéma de Claude Sautet, prend alors des accents mythologiques. D'insignifiants pochards se muent en Puck du Songe d'une nuit d'été ou en Bacchus appariant les danseurs. Au sentiment poignant de vérité concourt l'identification des interprètes à leurs personnages, qui portent les mêmes noms qu'eux (Gabin est « Jeannot » comme Vanel est « Charlot »).