Trois Camarades

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Mélodrame de Frank Borzage, avec Robert Taylor (Erich Lohkamp), Margaret Sullavan (Patricia Hollmann), Franchot Tone (Otto Koster), Robert Young (Gottfried Lenz), Guy Kibbee (Alfons), Lionel Atwill (Franz Breuer).

  • Scénario : Francis Scott Fitzgerald, Edward Paramore, Joseph L. Mankiewicz, d'après le roman d'Erich Maria Remarque
  • Photographie : Joseph Ruttenberg
  • Décor : Cedric Gibbons
  • Musique : Franz Waxman
  • Montage : Frank Sullivan
  • Production : J. L. Mankiewicz (M.G.M.)
  • Pays : États-Unis
  • Date de sortie : 1938
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 40

Résumé

Erich, Otto et Gottfried sont trois camarades, meurtris par la guerre, qui essaient ensemble de survivre dans l'Allemagne troublée de Weimar. Ils rencontrent Patricia, une jeune femme belle et mystérieuse, et son protecteur, le riche parvenu Breuer. Erich et Patricia sont immédiatement attirés l'un vers l'autre et, encouragés par Otto et Gottfried, ils se marient malgré leurs scrupules : Patricia se sait gravement malade, Erich n'a pas le sou. Patricia est envoyée en sanatorium. Gottfried, qui milite à l'extrême gauche, est tué par un fasciste. Patricia subit une opération coûteuse. Ayant le sentiment qu'elle sera toujours à la charge d'Erich et d'Otto (qui ont vendu pour payer l'opération le taxi qui était leur gagne-pain), elle décide de mourir.

Commentaire

Les merveilleux nuages

Volet central de la « trilogie allemande » de Borzage (entre Et demain ? [Little Man, What Now ?] et The Mortal Storm), Trois Camarades pourrait n'être qu'un témoignage – d'ailleurs précieux – sur la République de Weimar, montrant l'équivalent germanique de la « génération perdue » s'adonner à l'alcool et rêver de l'Amérique du Sud sur fond de chômage, de musique de jazz et de combats de rue. Mais cette œuvre est aussi l'une des plus profondément personnelles de Borzage, le chantre des humbles, des marginaux et des errants, dont les héros semblent ici flotter, indécis, entre l'éveil et l'oubli, entre la vie et la mort, pareils aux « merveilleux nuages » dont l'image sert de ponctuation au récit. Témoignage de la communion mystérieuse qui unit les hommes et les choses, « Baby », avion réincarné en automobile, passe – dans l'ordre inverse – par les mêmes épreuves que Patricia : la mort, la souffrance et la chirurgie, la prostitution. Malgré la solidité d'un décor folklorique et convivial – la brasserie Alfons, avec ses nourritures terrestres et ses chœurs célestes, qui sert de cadre au mariage mystique des protagonistes –, la fascination morbide de Borzage pour son sujet est évidente dans la manière rêveuse dont il photographie ses interprètes, Margaret Sullavan, Ophélie à la voix rauque, et Robert Taylor, dont le regard de velours noir anime le profil de marbre antique. Il est puissamment aidé par F. Scott Fitzgerald et Joseph L. Mankiewicz, qui collaborèrent – conflictuellement – à un dialogue d'une rare, d'une déchirante poésie : « Notre amour se situe maintenant au-delà du temps et de l'espace ».