Manhattan
Manhattan
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Comédie de Woody Allen, avec Woody Allen (Isaac Davis), Diane Keaton (Mary Wilke), Michael Murphy (Yale), Mariel Hemingway (Tracy), Meryl Streep (Jill), Anne Byrne (Emily), Karen Ludwig (Connie), Michael O'Donoghue (Dennis).
- Scénario : Woody Allen, Marshall Brickman
- Photographie : Gordon Willis
- Décor : Mel Bourne
- Musique : George Gershwin
- Montage : Susan E. Morse
- Production : Jack Rollins, Charles H. Joffe (United Artists)
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1979
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 36
Résumé
Le scénariste Isaac Davis a deux amours : New York, qu'il idolâtre sur tous les tons, et Tracy, une adolescente dont la candeur et la spontanéité cachent une précoce maturité. Échaudé par ses échecs matrimoniaux (sa deuxième femme, Jill, l'a récemment quitté pour… une autre), Isaac hésite à s'engager avec Tracy, et s'efforce de la persuader qu'elle est trop jeune pour faire sa vie avec lui.
Yale, le meilleur ami d'Isaac, entretient une liaison discrète et mouvementée avec une journaliste, Mary. Isaac s'irrite de l'élitisme et des prétentions intellectuelles de cette jeune provinciale, mais ne tarde pas à lui découvrir un charme et une fantaisie irrésistibles. Lorsque Mary rompt avec Yale, Isaac prend la relève de son ami, avec la bénédiction de ce dernier. Une idylle prometteuse s'amorce, mais Mary tombe à nouveau amoureuse de Yale. Après quelques semaines de solitude, Isaac comprend enfin ce que lui a apporté Tracy, et décide de la reconquérir.
Commentaire
Une chronique lyrique
New York est la ville fétiche de Woody Allen, sa source constante d'inspiration. Bien davantage qu'un décor, elle définit un cadre social, des personnages et un folklore spécifiques. Sa diversité, ses richesses inépuisables se prêtent idéalement à la forme de la chronique, dont Manhattan constitue un des exemples modernes les plus achevés.
Manhattan est d'abord une célébration lyrique de la vie new-yorkaise, une gerbe d'images montées sur les rythmes euphorisants de Gershwin. C'est, avec Radio Days, le plus grand film « musical » de Woody Allen, et le premier où s'épanouissent en toute liberté les multiples composantes de son cinéma : l'humour – revers d'une incurable et féconde angoisse –, le goût de l'aphorisme, la satire de l'intelligentsia, la passion de l'introspection, la tendresse, la nostalgie, la perplexité devant les choses de l'amour et une disposition inattendue, mais fort réelle, au bonheur.
Tout cela s'équilibre en une construction harmonieuse où alternent avec aisance face-à-face, séquences de montage, vignettes et scènes de groupe. Après chaque épisode, Allen ménage une « respiration » qui donne l'occasion à ses héros d'évoluer, de se remettre en question, de s'éloigner les uns des autres, de découvrir leurs dépendances mutuelles. L'écran large (une première pour le cinéaste) permet de subtils cloisonnements du champ visuel, enfermant les protagonistes dans leur propre espace, leur propre subjectivité. La course finale d'Isaac vers Tracy fait exploser ces barrières en une triomphale coda : filmée en plan général, en longs travellings latéraux, elle est comme un immense appel d'air – après bien des atermoiements, un homme accourt vers celle qui lui a appris la confiance…