les Écritures apocryphes

Les livres retenus par l'Église ne représentent qu'une infime partie de la littérature née dès la fin du Ier s. après J.-C., époque où, selon l'expression d'Irénée, évêque de Lyon de 178 à 202, « les hérésies sortaient de terre comme des taupes ».

Très tôt, dans l'histoire de l'Église, la piété populaire, qui ne s'est pas satisfaite de la sobriété des Évangiles et était désireuse d'en savoir plus sur l'entourage de Jésus, tout particulièrement sur ses parents, a produit des histoires merveilleuses dans les marges des récits évangéliques. Parmi ces textes, on trouve des évangiles (évangiles des Nazaréens, des Ébonites, des Hébreux, des Égyptiens, de Thomas, de Pierre, de Barthélemy, de Marie, protévangile de Jacques, évangile du pseudo-Matthieu, évangile de l'Enfance du pseudo-Thomas, etc.), des actes (Actes de Pierre, de Paul, d'André, de Jean, de Thomas, de Barnabé, de Barthélemy, de Matthias, de Philippe, de Thaddée, de Pilate, etc.), des épîtres (correspondance de Jésus et d'Abgar, la troisième épître de Paul aux Corinthiens, l'épître de Paul aux Laodiciens et aux Alexandrins, la correspondance entre Sénèque et Paul, l'épître des Apôtres, appelée aussi Dialogue du Seigneur avec les disciples, etc.)et des apocalypses (apocalypse chrétienne insérée dans l'Ascension d'Ésaïe, apocalypses de Pierre, de Paul, de Thomas, d'Étienne, de Zacharie, de la Vierge, apocalypse apocryphe de Jean, oracles sibyllins, etc.). Certains de ces textes sont restés fameux.

Le Protévangile de Jacques raconte les premiers événements de la vie de Jésus, et même de Joseph et de Marie. Attribué à Jacques le Mineur, « frère » de Jésus, et rédigé probablement au iie s. apr. J.–C., en Égypte ou en Asie Mineure, il défend l'origine divine de Jésus. Son succès fut grand au Moyen Âge et beaucoup d'artistes se sont inspirés des scènes de l'histoire de Marie (représentée avec ses parents Anne et Joachim, connus grâce à ce texte).

L'Évangile du pseudo-Thomas, nom derrière lequel pourrait se cacher un philosophe d'origine païenne écrivant vers le ive s. apr. J.–C., voulait souligner la perfection de Jésus enfant.

Les Actes de Pilate, écrits au ive s., sont présentés comme un rapport qu'aurait fait le procurateur de Judée à la suite du procès de Jésus.

L'Évangile de Thomas est l'écrit le plus prestigieux des treize volumes d'origine gnostique trouvés à Nag Hamadi, en haute Égypte, en 1945. Cet ouvrage, écrit en copte, a dû naître en Syrie orientale où l'apôtre Thomas était l'objet d'un culte particulier. La copie dont nous disposons remonte au ive s., mais l'original doit avoir été rédigé vers 150, donc notablement après les Évangiles canoniques. Il est constitué de 114 paroles, la plupart introduites par les mots « Jésus a dit », et pratiquement dépourvues d'éléments narratifs. La moitié seulement sont originales, les autres affichant des correspondances avec les Évangiles synoptiques. Le livre se présente comme une révélation cachée, accessible aux seuls gnostiques, qui possèdent la « connaissance ». Les premiers mots en sont explicites : « Voici les paroles secrètes que Jésus le vivant a dites et qu'à écrites Jude Thomas, le jumeau. Et il a dit celui qui trouvera l'interprétation de ces paroles ne goûtera pas la mort. » Ainsi, Jésus est présenté comme un révélateur qui permet à quelques-uns de se détacher d'un monde mauvais et d'accéder à la connaissance des réalités secrètes. De tous les apôtres, Thomas est le privilégié à qui Jésus affirme : « Je ne suis pas ton maître puisque tu as bu, tu t'es enivré à la source bouillonnante que moi j'ai fait jaillir. Et il le prit et il lui dit trois paroles. » (peut-être les noms cachés de Dieu, une connaissance interdite).

La diffusion restreinte de cet évangile fut le fait de la communauté gnostique, soucieuse de protéger ses secrets. À la suite de l'extinction de la secte, ces écrits disparurent.

Même si certains de ces textes ont eu une influence importante (le Protévangile de Jacques est ainsi à l'origine de nombreuses fêtes, telles la célébration d'Anne et de Joachim, de la Conception et de la Nativité de Marie, ou de la Présentation de la Vierge), l'Église a fermé sa porte à ce genre de littérature, qu'elle juge de nature à affaiblir la foi et son mystère.