société secrète

Organisation clandestine, structurée, dont les membres sont étroitement liés par des règles impératives.

À toutes les époques, des associations, des groupements ont été assimilés à des « sociétés secrètes ». Ainsi, certaines populations, par exemple les Juifs, ou certains ordres religieux comme les Jésuites, étaient accusés d'agir mystérieusement, dans l'ombre, et de s'adonner à toutes sortes de menées souterraines. Durant les persécutions, les organisations persécutées se sont comportées, à certains moments de leur histoire, comme des sociétés secrètes : l'Église catholique dans l'Empire romain, les protestants après la révocation de l'édit de Nantes. En fait, on peut distinguer deux sortes de sociétés secrètes : les sociétés secrètes politiques, c'est-à-dire des associations subversives, « justicières », dont l'action vise des organismes officiels ou le plus souvent le pouvoir en place (les carbonari ou le Ku Klux Klan), et les sociétés secrètes « initiatiques », qui dissimulent moins leur existence, leurs lois, leur histoire que leurs cérémonies et les signes qui permettent aux affiliés de se reconnaître, comme les rose-croix, les francs-maçons ou les Templiers.

Les sociétés secrètes « initiatiques »

Par une série d'actes symboliques ou initiatiques, d'épreuves morales et physiques, l'individu devenait un « initié ». L'initiation, incommunicable au profane, était permanente et acquise une fois pour toutes. La voie initiatique, longue et laborieuse, nécessitait une hiérarchie : divers grades en marquaient les étapes successives. Toute une organisation présidait au choix des adeptes et au respect des traditions.

La religion égyptienne – ésotérique par excellence – avait un rituel extrêmement complexe, et les sanctuaires des temples égyptiens étaient fermés aux profanes. Seuls les prêtres y avaient accès : les collèges sacerdotaux étaient seuls dépositaires des symboles, des rites et des doctrines de la religion. C'est autour d'un mythe central – celui d'Osiris – qu'étaient articulés la plupart des rites d'initiation. La légende se propageait par les sanctuaires, au cours de cérémonies secrètes, où les membres de la hiérarchie sacerdotale étaient acteurs, dans une série de spectacles symboliques, destinés à donner à l'initié la sensation qu'il mourait et renaissait ensuite à une existence ineffable.

La Grèce et l'esprit dionysiaque

En Grèce, les religions à mystères étaient nombreuses, et, selon l'expression de Nietzsche, à côté de l'esprit « apollinien » a fleuri l'esprit « dionysiaque », sous ses multiples formes. Outre les mystères d'Éleusis, l'orphisme et le pythagorisme, le culte de Dionysos est à l'origine d'un grand nombre de collèges, d'associations secrètes, célébrant Dionysos par un culte exalté qui s'exprime à travers des danses à caractère sexuel, des sacrifices sanglants, l'ivresse collective, des pratiques magiques diverses.

Le Moyen Âge

Un grand nombre d'organisations initiatiques naissent au Moyen Âge : les unes se mettent à l'écart des contraintes théologiques, comme le compagnonnage ; les autres, essentiellement théosophiques, puisent aux sources les plus diverses : la kabbale ou tradition hébraïque, les doctrines illuministes, où reparaissent les anciennes traditions gnostiques, l'alchimie, la sorcellerie.

Cependant, parmi les multiples groupements médiévaux, les plus célèbres sont les guildes ou corporations de métiers. La plus célèbre était celle des maçons, bâtisseurs des cathédrales et des palais, dépositaires d'antiques secrets.

Matila Ghika, dans le Nombre d'or, écrit : « C'est à bon droit qu'il est permis d'affirmer que la géométrie ésotérique pythagoricienne s'est transmise depuis l'Antiquité jusqu'au xviiie s., d'un côté par les confréries de bâtisseurs (…) et de l'autre par la magie, par les rosaces des cathédrales et les pentacles des magiciens. » De cette maçonnerie opérative naîtra la franc-maçonnerie spéculative.

Universalité des sociétés secrètes

Mais il existe également, chez les primitifs, d'authentiques sociétés secrètes. Les ethnologues ont décrit en Afrique centrale de nombreuses associations de sorciers et de féticheurs. Chacune possède non seulement un système de signes secrets de reconnaissance, mais aussi une mythologie propre et des cérémonies distinctes. L'Orient, en particulier la Chine, les Indes et le Tibet, possède un grand nombre de rites ésotériques, de cultes à mystères.

Sociétés secrètes politiques

La différence entre sociétés secrètes initiatiques et sociétés secrètes politiques se manifeste moins dans les formes extérieures que dans les buts poursuivis par les diverses fraternités. Ces buts sont « supra temporels » dans le cas des sociétés initiatiques, « temporels » dans le cas des sociétés politiques : il y a toujours un serment et une cérémonie d'admission. Mais les sociétés purement politiques ont une durée limitée, qui est fonction des buts à atteindre. L'existence d'une autorité politique forte les oblige souvent à entrer dans la clandestinité. Alors que les sociétés « justicières » se substituent à la justice légale (lorsque celle-ci est considérée comme défaillante), les sociétés secrètes à visées politiques combattent ou bien une domination étrangère, ou bien un régime oppressif. Quant aux sociétés secrètes criminelles, loin de vouloir modifier l'état social, elles l'exploitent et en vivent. Parmi les plus célèbres, il faut citer : les Illuminés, le Ku Klux Klan, et la Mafia.

Les mystères

On appelle mystères des cérémonies plus ou moins secrètes auxquelles n'assistaient que des initiés. Les plus importantes sont celles des sociétés orphiques et du sanctuaire d'Éleusis, près d'Athènes. Un mystère constitue une communauté non plus sociale comme dans la religion officielle, mais spirituelle, à laquelle chacun participe de son plein gré, par la vertu de sa libre adhésion et indépendamment de son statut civique. Le mystère procure à l'individu un privilège exceptionnel : une élection qui, l'arrachant au sort commun, comporte l'assurance d'une vie meilleure dans l'au-delà. La communion avec le dieu se réfère, non à un échange d'amour entre deux sujets, à une intimité spirituelle, mais à des relations de caractère social ou familial faisant de l'initié le fils du dieu. Les initiations ne semblent cependant pas avoir comporté d'exercices d'ascèse visant à transformer l'homme du dedans. Le culte des mystères n'est pas orienté vers une religion de « l'âme », dont d'ailleurs il ne se préoccupe de définir ni la nature ni les pouvoirs. Un des épisodes les plus importants de l'initiation était une représentation mimée de certaines parties du drame divin à laquelle assistait le « myste », c'est-à-dire le nouvel initié, et par laquelle il se sentait personnellement engagé.

Les illuminés

Depuis les premiers temps du christianisme jusqu'au xviie s., le titre d'illuminés a été pris par diverses sectes qui prétendaient posséder des vérités supérieures à celles que possédaient les autres chrétiens, ou être animées d'inspiration divine spéciale. Aujourd'hui, toutes ces sectes, ainsi que les doctrines plus ou moins singulières qu'elles professaient, sont tombées dans l'oubli.

La plus connue fut une société secrète née au xviiie s. et à laquelle certains auteurs ont attribué une influence fort exagérée sur l'avènement de la Révolution. Cette société fut fondée en 1771, par Adam Weishaupt, professeur de droit canon à Ingolstadt, en Bavière. Celui-ci se proposait de réformer l'Europe entière en termes de politique et de religion. Il constitua sa société sous le nom d'ordre des perfectibilistes, qu'il changea bientôt en ordre des illuminés, et imita, dans son organisation, la hiérarchie des sociétés maçonniques. Ainsi, la hiérarchie des illuminés se composait de huit grades : le novice, le minerval, l'illuminé mineur, l'illuminé majeur, le chevalier écossais, l'épopte ou le prêtre, le régent ou prince illuminé, le mage ou l'homme-roi. Des épreuves sévères étaient imposées aux initiés qui aspiraient à un grade supérieur. Le nombre des adeptes de l'illuminisme semble n'avoir jamais dépassé 2 000. La société fut dissoute en 1784 par le gouvernement bavarois.

On a également donné ce nom aux disciples de Claude de Saint-Martin, le « philosophe inconnu », et à ceux de Swedenborg.