querelle des Bouffons
C'est en août 1752 qu'éclata la querelle opposant partisans de l'opéra français à ceux de l'opéra italien et qui devait rester dans l'histoire sous le nom de « querelle des Bouffons ».
C'est lors des représentations de la Servante maîtresse de Pergolèse (1710-1736) par la troupe des Bouffons présentée à Paris par l'impresario Eustacchio Bambini que débuta l'affaire. Jean-Jacques Rousseau, fervent admirateur de l'ouvrage italien, prit fait et cause pour cette musique charmante et légère qui lui apparut profondément nouvelle. Il saisit l'occasion pour critiquer dans sa Lettre sur la musique française, publiée en 1753, l'opéra français alors illustré par Jean-Philippe Rameau. Le philosophe et compositeur genevois, auteur des articles sur la musique de l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot, reprochait au musicien français de ne point donner à ses récitatifs le naturel de ceux de l'Italien, d'écrire des chœurs manquant de simplicité avec leur écriture contrapuntique, avec une harmonie et un orchestre qu'il jugeait trop riches. Plus rédhibitoire à ses yeux, la langue française, « peu propre à la poésie », n'était décidément pas faite pour être mise en musique, avec laquelle elle se révèle incompatible. Rousseau allait tirer les conséquences de sa thèse en écrivant en 1770 la « scène lyrique » Pygmalion, où « les paroles et la musique, au lieu de marcher ensemble, se font entendre successivement ».
À ces assertions, Rameau rétorqua par un libelle relevant les Erreurs sur la musique dans l'Encyclopédie (1755). L'opinion se divisa alors en deux groupes. Aux assauts du coin de la reine dirigé par Rousseau, à qui s'étaient joints Diderot et Grimm, le coin du roi, qui comptait dans ses rangs le philosophe-mathématicien d'Alembert, ne tarda pas à riposter. La « guerre » devint aussi bien littéraire que musicale : on ridiculisait le merveilleux dans l'opéra français, alors que l'on appréciait le réalisme des personnages de modeste condition que les intermèdes italiens mettaient en scène. Alors que Grimm se moquait de l'opéra français dans le Petit Prophète de Boemischbroda, le parti français, placé sous la protection de Mme de Pompadour, contre-attaqua avec Titon et l'Aurore, pastorale de Mondonville, et en soutenant la reprise du Castor et Pollux de Rameau.
Cette querelle marque le déclin de la tragédie en musique française et l'éclosion de l'opéra-comique. Ainsi, la « querelle des Bouffons » s'inscrit dans ce mouvement naturaliste de défense et d'attaque contre l'hégémonie de l'art français, qui a dominé la pensée européenne à l'époque des Lumières.