les Jing ou les Classiques chinois
Ensemble de textes assez hétéroclites rédigés du xie au iiie s. av J–C et qui forment la base du confucianisme.
L'enseignement de Confucius
Bien que revêtus d'un prestige quasi religieux, les jing ne doivent pas être considérés comme les livres sacrés d'une religion révélée. Leur caractère très humain et la relative liberté de leurs enseignements ont permis et permettent encore de nombreuses interprétations de ces textes. L'orthodoxie, si l'on admet qu'il y en ait une, a varié suivant les dynasties. Promu philosophie officielle par les Han, le confucianisme devint la référence privilégiée des examens impériaux ; au cours de ces examens, les épreuves consistaient en général à commenter certain passage obscur des textes classiques. On considérait en effet que le lettré devait trouver dans les textes classiques les éléments d'une culture nécessaire et être capable, grâce à ces éléments traditionnels, de résoudre les problèmes épineux de la politique et de la morale de son temps. Il y trouvait aussi d'inégalables modèles de prose et de poésie.
Selon l'acception la plus courante, en vigueur depuis les empereurs Song, on compte treize jing. Les Quatre Livres, qui constituent la base écrite du confucianisme, sont les plus récents des classiques (ve–iiie s.) : le premier livre, les Entretiens, est le recueil des propos de Confucius, rassemblés par ses disciples (contrairement à une idée répandue, le maître lui-même n'a jamais écrit). La Grande Étude et l'Invariable Milieu sont deux ouvrages courts, où les idées de base du confucianisme sont clairement exprimées. Le Mengzi, enfin, est un vaste recueil d'anecdotes qui illustrent de façon vivante la pensée du maître. Il est à noter que les trois derniers ouvrages sont postérieurs à Confucius.
Les livres de la tradition
Les autres jing remontent à une période plus ancienne, et Confucius en recommandait vivement l'étude à ses disciples. Nous trouvons d'abord deux rituels, le Yi-li et, le Liji, où « l'honnête homme » peut trouver la conduite à suivre dans chacune des circonstances de sa vie. Viennent ensuite deux ouvrages historiques, la Chronique des printemps et des automnes (Chunqiu), qui présente des anecdotes historiques à caractère moral, destinées au politicien, et le Classique des documents (Shujing), qui contient sans doute les pièces les plus anciennes : discours, serments ou harangues prononcés par les premiers dynastes Zhou. Les Tributs de Yu constituent, dans l'histoire, le premier ouvrage connu de géographie économique. Le Classique des odes (Shijing), vaste recueil de poésies populaires, dont Confucius appréciait la valeur morale, nous révèle la poésie des temps anciens, destinée à être chantée : c'est une poésie fraîche mais exempte de naïveté. Le Classique des mutations, le célèbre Yijing, transmet les croyances magiques et cosmologiques des temps les plus anciens (on y trouve la théorie du Yin et du Yang, ainsi que celle des cinq éléments). Le Yijing a donné lieu à de nombreuses et hasardeuses spéculations de la part des théosophes occidentaux : le livre se présente en effet comme un document codé, dont l'ésotérisme demeure impénétrable. Font aussi partie des jing deux ouvrages de l'époque des Han : le Classique de la piété filiale et le Eul-ya, le premier dictionnaire étymologique connu.
Le classique des odes
« Les chemins sont tout humides de rosée. Pourquoi refusé-je de sortir au point du jour ? C'est que sur les chemins la rosée est abondante. » Cette strophe illustre la tournure morale des chants populaires que Confucius appréciait. Encore faut-il saisir certain aspect du message. C'est une jeune fille qui parle : elle refuse d'épouser un jeune homme qui la presse. Sortir au matin, c'est aussi se marier prématurément, avant que les rites des fiançailles aient été célébrés. La rosée est abondante : il est encore trop tôt.
La Grande Étude
« Les souverains de l'Antiquité désireux de faire briller la paix dans l'empire commençaient par bien gouverner leur principauté, et pour cela, entretenaient l'harmonie dans leur famille. Cette harmonie, ils l'obtenaient par l'édification de leur individu. »
Ce passage, attribué à Confucius, constitue le cœur même de la « Grande Étude », qui ne fait que développer ce thème dans le détail. C'est l'expression même de l'idéal de Confucius, selon lequel le souverain doit non pas gouverner par les lois, mais imposer la vertu par la vertu.
La destinée des jing
Les Classiques constituent un vaste brassage de la culture chinoise dans des domaines très divers. Le tableau idyllique que rapportent ces textes à propos de « l'âge d'or » des souverains mythiques confère à ces textes certains des caractères de l'utopie. L'idée fondamentale est qu'un souverain sage rend ses sujets bons par la seule vertu rayonnante du modèle qu'il leur offre. Cette conception philosophique a pu gêner certains souverains autoritaires, et les jing furent bien près de disparaître à jamais, avant même d'être consacrés, quand un empereur de la dynastie des Qin ordonna la destruction des livres dans tout l'empire. Certains lettrés avaient cependant caché les textes, ou appris par cœur des passages entiers, et ils purent reconstituer la majeure partie des Classiques quand l'interdit fut levé sous les Han.
Par la suite, les jing ne furent guère remis en question, et il fallut attendre le xviiie s. pour que les philologues chinois rejettent certains passages, reconnus depuis comme apocryphes.