icône

(russe ikona, du grec byzantin eikona, du grec classique eikôn, -onos, image)

Présentation de Marie au temple
Présentation de Marie au temple

Image sacrée, portative ou fixe, qui orne les églises de rite chrétien oriental. (Synonyme : image.)

Les icônes, du grec eikôn (« image »), sont des images sacrées des pays orthodoxes (orthodoxie). Elles sont exécutées à partir de matériaux divers (bois, métal, ivoire) et font appel à des techniques variées : détrempe, mosaïque, orfèvrerie et même broderie.

Groupées à l'intérieur de l'église orthodoxe sur l'iconostase (cloison de bois séparant les fidèles du lieu où le prêtre officie), disposées selon un ordre établi, les icônes trouvent leur place non seulement au sein des édifices religieux de l'Empire byzantin, mais aussi dans ceux de tous les pays de religion orthodoxe, jusqu'en Russie. Souvent, elles se trouvent également à l'intérieur des habitations privées.

Un art orthodoxe

Les plus anciennes icônes remontent aux ve et vie s. Découvertes au monastère Sainte-Catherine, sur le mont Sinaï, elles ont été peintes à la cire et s'apparentent aux portraits funéraires romano-égyptiens du Fayoum, tant par la manière que par le type et l'expression intense du regard des personnages : l'Apôtre Pierre tenant les clefs du royaume de Dieu (vie s., monastère Sainte-Catherine) ; Saint Jean- Baptiste (musée de Kiev).

Après le concile de Nicée II (787), quand prend fin la première « querelle des images » – au cours de laquelle la doctrine de l'iconoclasme s’est brutalement opposée à la représentation des êtres divins –, le rôle et la signification théologique de l'icône sont clairement définis. Ils sont de nouveau précisés en 843, au terme de la seconde crise iconoclaste.

Bien que toutes soient reconnues comme objets du culte, les icônes à scènes ont une fonction et une origine fort différentes des icônes à portraits. Les premières, dont le rôle est didactique, transposent en images des épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testament et de la vie des saints. Les secondes, qui dérivent des peintures du Fayoum, sont considérées comme sacrées, voire miraculeuses ; certaines d'entre ces dernières, qualifiées d'acheiropoïètes – non exécutées par la main de l'homme –, ont alors pu être jugées d'essence divine. Dans les deux cas, les icônes sont des représentations qui, selon saint Jean Damascène, « renferment un mystère et, comme un sacrement, sont porteuses d'énergie divine et de grâces ».

Les icônes byzantines

Les icônes ont longtemps été peintes par des prêtres qui, en ne signant pas leurs œuvres, ont renforcé la puissance spirituelle de l'image. Au cours des âges, l’art byzantin va reproduire les mêmes figures sacrées, avec des normes édictées ; ainsi, au cours du xie s., les moines du mont Athos réunissent, dans un traité, les instructions concernant aussi bien la technique du dessin et de l'emploi des couleurs, que la représentation des personnages et le choix du sujet.

Bien que ces règles strictes aient interdit toute interprétation personnelle, vers la fin du xie s. une certaine évolution s'accompagne de la formation d'écoles régionales ou étrangères. L'Hospitalité d'Abraham (xive s., musée Benaki, Athènes) ou la Crucifixion (musée de Berlin) comptent parmi les œuvres les plus représentatives d'un art qui connaît, en Russie, un prodigieux développement au moment où le prince Vladimir, régnant à Kiev et converti à l'orthodoxie en 988, invite dans sa ville plusieurs artistes de l'éminente Constantinople.

Les icônes russes

On ne connaît que peu d'icônes russes assurément exécutées à Kiev, au temps où la ville hérite de l’art byzantin. La célèbre Vierge de Vladimir (galerie Tretiakov, Moscou), en provenance de Constantinople, semble être parvenue dans la ville ukrainienne vers 1155. Les peintres russes, tout en s'inspirant de leurs modèles byzantins, témoignent bientôt d'une manière quelque peu différente ; mais ceux qui les premiers travaillent anonymement à Kiev ne parviennent pas, du moins pour la postérité, à faire école : en 1240, la dévastation de la ville par les Mongols entraîne la destruction d'un grand nombre d'images pieuses.

Si de brillantes écoles se développent dans les villes de Souzdal et Vladimir du xiie au xve s., à Laroslav du xiiie au xviie s., la production des icônes les plus dépouillées, les plus puissantes, émane de Novgorod. Dès le xie s. et jusqu'à ce que la cité soit rattachée à Moscou en 1475, des œuvres comme l'Ange aux cheveux d'or (fin xiie s.), Saint Georges (début xiie s., galerie Tretiakov) ou l'Entrée à Jérusalem (début xve s., galerie Tretiakov) témoignent de la maîtrise à laquelle parviennent ses artistes. L'influence byzantine a disparu pour faire place à un art qui, à quelques exceptions près (le Prophète Élie, fin xive s., galerie Tretiakov), se révèle de moins en moins hiératique et s'inspire, à travers les hommes et le sol, de son propre fonds régional.

Après la chute de Constantinople (prise par les Turcs ottomans en 1453), Moscou seule peut prétendre à une suprématie artistique dans le domaine de l'icône. La cité possède des maîtres qui dirigent le travail en atelier et le marquent de leur personnalité. Trois d'entre eux ont attaché leur nom à des œuvres dont la beauté n'a plus rien d'anecdotique. La manière de Théophane le Grec (vers 1335-1410) fait songer aux primitifs italiens : la Vierge du Don (fin xive s., galerie Tretiakov). Le style d'Andreï Roublev (vers 1360-1430) s'apparente à celui de son contemporain Fra Angelico. La Trinité (début xve s., galerie Tretiakov), l'une des œuvres maîtresses de Roublev, par sa composition savante et simple à la fois, son jeu de lignes subtil et discret, ses rapports de tons, offre les caractéristiques essentielles d'un chef-d'œuvre. La Crucifixion (fin xve s., galerie Tretiakov) compte parmi les plus belles icônes de maître Denis (vers 1440-1508).

Après l'incendie de Moscou en 1547, les peintres de toute la Russie sont appelés dans la capitale pour exécuter de nouvelles icônes. À compter de l'année 1551, les laïcs signataires de leurs œuvres se substituent peu à peu aux moines orthodoxes. Vers la fin du xvie s., les Stroganov, puissante famille de marchands, passent commande d'icônes réalisées dans un style charmant, plein de joliesse, dont l'esprit s'attache déjà à des effets décoratifs gratuits. La perspective et des aspects de plus en plus réalistes témoignent de l'influence de l'Occident catholique. Désormais, les icônes n'ont plus qu'un très lointain rapport avec le sentiment mystique et la poésie que dégageaient celles de la tradition.

Les icônes des Balkans

On doit les nombreuses icônes retrouvées dans les Balkans à des peintres grecs, qui les ont importées ou exécutées sur place. Parmi les plus remarquables, mais relevant directement du style byzantin, les icônes d'Okhrid, en Macédoine, se sont échelonnées du xie s. à la fin du xive s.

Jusqu'à ce que la domination turque s'impose à la Serbie, ce pays connaît, sans interruption du xiie au xve s., un grand développement de l'art de l'icône. Celui-ci, par l'emploi de couleurs vives, de formes plus libres, est moins assujetti aux modèles byzantins (Vierge de Pelagonitissa, Skopje). Les icônes de Dalmatie, d'origine locale ou provenant d'Italie, sont fortement empreintes d'influences occidentales, et leur style, quand il n'est pas italo-byzantin, est toscan ou vénitien. Aux icônes d'influences byzantines, yougoslaves et grecques s'ajoutent les productions italiennes et crétoises, remarquables, qui allient la manière byzantine à la facture italienne.

L'art de l'icône s'est répandu en Bulgarie dès le xe s. Peintes dans un style d'abord très apparenté à celui de l’art byzantin, les icônes bulgares, vers la fin du xve s., sont exécutées dans la tradition d'un art populaire maladroit mais non dépourvu de charme. À compter de 1396, l'ensemble de la culture bulgare succombe à la domination ottomane, et l'art de l'icône avec elle.

Les icônes de Roumanie sont pour leur part assimilables à un art qui relève le plus souvent d'une fabrication artisanale.