géohistoire

Étude de l’interaction de l’espace et du temps des sociétés.

Le mot et l’idée de « géohistoire » sont de l’historien Fernand Braudel, dans son célèbre ouvrage, La Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II (1949). Pour lui, il s’agit « d’une véritable géographie humaine rétrospective ». La géohistoire a été poursuivie par des historiens, avant de devenir un terme de géographe. Tout ce qui implique la distance entre les hommes est considéré comme un paramètre central de la dynamique des sociétés : leurs proximités ou leurs éloignements, les barrières qui les séparent ou les axes qui les relient, les processus de diffusion, etc. Par dynamique, il faut entendre tout autant les mécanismes de reproduction que ceux de transformation des sociétés. La géographie des langues, par exemple, correspond à un état de diffusion d’un fait social éminemment plastique, le langage, élément clef de la construction du lien entre les membres d’une société et de sa reproduction d’une génération à la suivante. Cette répartition correspond à des fractionnements de langues mères dues à l’éloignement progressif des locuteurs et, simultanément, à la diffusion d’autres langages qui peuvent se combiner à d’autres.

Le développement depuis une vingtaine d’années de « l’histoire connectée », l’histoire globale, peut être considéré comme un développement de la géohistoire. Braudel lui-même avait réalisé en 1979 une grande synthèse à l’échelle du monde, Civilisation matérielle, Économie et Capitalisme, xve-xviiie s.

L’apport des géographes a permis de rééquilibrer les analyses du temps et de l’espace des sociétés. Alors que pour Braudel l’espace est largement assimilé au temps long, à la reproduction des rythmes sociaux liés aux cycles de la nature, une plus grande prise en compte de la diversité des formes spatiales permet de croiser plus systématiquement les temporalités et les configurations géographiques. Par exemple, on peut mieux analyser les logiques d’apparition d’innovations décisives (agriculture, État, écriture, mise en place de réseaux commerciaux et coloniaux, industrialisation…), en situant les sociétés qui les produisirent par rapport à d’autres. L’importance des connexions ou, inversement, de l’isolement des sociétés, est la logique centrale des combinaisons dynamiques / inerties. Il ne s’agit donc pas simplement de mettre les faits historiques sur des cartes, mais de considérer comme une même question, la chronologie, la périodisation et la géographie, les découpages régionaux.

La conscience de la mondialisation, depuis le début des années 1980, la fin d’une vision essentiellement occidentale de l’histoire, a nécessité de prendre en compte l’ensemble des civilisations et leurs interrelations. Alors que l’historiographie occidentale avait eu tendance à classer les sociétés selon un modèle évolutionniste, c’est une vision plus polyphonique de l’ensemble de l’humanité et de son histoire qui anime au début du xxie s. les sciences de la société, en suivant et dépassant la vision large de Braudel.