art cinétique

Forme d'art contemporain issue de l'abstraction et fondée sur le caractère changeant de l'œuvre, son mouvement apparent ou réel.

ART CONTEMPORAIN

Les précurseurs

Naum Gabo et son frère Antoine Pevsner furent les premiers à employer le vocable art cinétique (dans le Manifeste réaliste de 1920), et la première œuvre exposée sous le titre de « sculpture cinétique » fut une création de Gabo : une tige d'acier animée. Néanmoins, l'art cinétique ne prit un réel essor qu'entre 1950 et 1960 et le grand public ne commença à s'en préoccuper qu'à partir de cette date. La naissance de ce nouveau mode d'expression artistique est une conséquence directe de l'accélération du développement technologique et scientifique. Il dérive des recherches de divers groupes d'avant-garde depuis son début : maints artistes, essentiellement parmi les tenants de l'art informel, orientèrent une part de leurs recherches vers l'expression du mouvement, notamment les futuristes en Italie, autour de Balla, certains éléments du groupe Blaue Reiter, les rayonnistes, etc. Marcel Duchamp, avec ses roto-reliefs, fut en ce domaine parmi les précurseurs qui introduisirent le mouvement réel dans des œuvres à trois dimensions.

L'épanouissement

Man Ray, Moholy-Nagy, Naum Gabo, Archipenko ont été, avant 1950, les promoteurs de cet art, qui s'attache à définir l'espace en fonction du temps et du mouvement, en empruntant aux acquisitions scientifiques de la physique un nouveau moyen d'expression : l'énergie. En effet, l'épanouissement se produit à partir de 1950, avec la multiplication des possibilités techniques. Les œuvres cinétiques sont animées d'un mouvement réel, mécanique – ce qui les distingue des mobiles à mouvements aléatoires, dus à Alexander Calder et à ses émules – qui sont obtenus par des sources énergétiques variées : énergie manuelle des premiers plans mobiles de Pol Bury, énergie magnétique des signaux du Grec Takis et de ponctuations molles de Bury, énergie électrique du théâtre de l'Allemand Harry Kramer, complexité des métamécanismes de Jean Tinguely, sculptures hydrauliques de Kosice. Il revient à Nicolas Schöffer d'avoir introduit, avec ses sculptures-robots, les ressources de la cybernétique : la création du Cysp, robot muni d'un « cerveau » électronique, marque une date dans l'évolution de l'histoire de l'art (1956).

Le cinétisme optique

Le cinétisme optique fut consacré officiellement en 1955, à la galerie Denise-René lors de l'exposition « Mouvements », qui s'est accompagnée de la publication du Manifeste jaune, rédigé par Victor Vasarely et Pontus Hulten. Le nouveau mode d'expression préconisé entre dans la catégorie du cinétisme plastique, lequel enrichit notablement le champ des possibilités de l'art cinétique, en accordant une place majeure à l'emploi des phénomènes optiques et lumineux, et en revenant puiser aux sources de l'illusionnisme propre à la peinture. Ses plus éminents pionniers furent, avec Vasarely, Jesús Rafael Soto, Yaacov Agam, Cruz-Diez, Vardanega. Son principal foyer demeure Paris, où l'exposition « Lumière et mouvement » au musée d'Art moderne le vulgarisait officiellement en 1967. Ce courant évolutif est devenu si général que très rapidement il a été partout qualifié de nouvelle tendance.

Le GRAV

Le Groupe de recherches de l'art visuel, qui réunit, entre 1960 et 1968, Sobrino, Garcia Rossi, Morellet, Le Parc, Yvaral et Stein, s'attache à créer des œuvres ayant pour fonction, « par l'agression visuelle, par la modification des conditions d'environnement, par un appel direct à la participation active (…), d'influer directement sur le comportement du public et de substituer à l'œuvre d'art une situation évolutive faisant appel à la participation du spectateur ».

Tel est le propos des surfaces-séquences, des continuels-lumière et des continuels-mobiles de Julio Le Parc, comme des reliefs à lumière instable de Garcia Rossi, des kaléidoscopes de Stein, des superpositions de Sobrino et d'Yvaral, etc. Le cinétisme optique a totalement renouvelé les techniques du langage plastique au cours des deux décennies qui suivirent la guerre de 1939-1945, en utilisant les mouvements virtuels, tout autant que le mouvement réel, les flashes, les tubes au néon, les transparences, les « effets moirés », les éclairages intermittents, les ondes lumineuses, les ondes sonores, etc.

Au-delà des catégories artistiques

L'originalité de l'art cinétique ne consiste pas seulement en l'introduction de la technologie scientifique dans l'art. Il procède à une mutation de l'œuvre d'art. La complexité qui la caractérise lorsqu'elle est cinétique déborde les catégories traditionnelles de la peinture et de la sculpture. Elle a acquis des dimensions nouvelles : spatiales, temporelles, dynamiques, résultant des procédés énergétiques mis en œuvre par l'artiste. Son élaboration s'effectue par une modification animée de l'environnement (sonore, lumineux, chromatique). Pour la réaliser, l'artiste doit requérir, par une savante agression psychique, la collaboration active du spectateur, qui participe désormais au processus de création. Né des tendances les plus constructives du courant abstrait, l'art cinétique a rencontré plus de succès auprès du grand public que d'autres tendances de l'art contemporain. En témoigne, tout près du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, le ballet des touristes autour de la joyeuse fontaine Stravinsky, due à Jean Tinguely et à Niki de Saint Phalle.