adhésion cellulaire

Propriété de certaines cellules, plaquettes et phagocytes notamment, de s'accoler à des substances qui leur sont étrangères.

LES MOLÉCULES D'ADHÉSION CELLULAIRE

Les mécanismes d'adhésion et de reconnaissance cellulaires sont les bases nécessaires au développement des organismes pluricellulaires. Au cours de l'embryogenèse, les molécules d'adhésion transmettent des informations spécifiques aux tissus et aux organes, permettant la cohésion des organismes. De plus, ces molécules interviennent dans la régulation des interactions intercellulaires et exercent ainsi un contrôle des phénomènes physiologiques.

Expression et reconnaissance des molécules d'adhésion

Les molécules d'adhésion, pour être fonctionnelles, doivent être présentes à la surface des cellules. Dans certains cas, ces molécules font partie intégrante de la membrane cellulaire : on dit qu'elles sont constitutives. Il existe aussi des molécules d'adhésion inductibles, ce qui signifie que leur expression à la surface cellulaire requiert l'activation préalable de la cellule : celle-ci induit soit une synthèse de ces molécules, soit un déplacement translocation du compartiment intracellulaire vers la surface. L'existence de certaines formes solubles (ou circulantes) de molécules d'adhésion a également été mise en évidence, mais leur fonction reste à élucider.

Une molécule d'adhésion permet d'établir la liaison entre deux cellules de même type ou de type différent en se liant à un ligand, qui peut être une molécule semblable ou distincte.

Une des fonctions importantes des molécules d'adhésion consiste en leur capacité de transmettre du milieu extérieur à la cellule des signaux qui peuvent engendrer une modification du comportement cellulaire. Ainsi, l'on sait aujourd'hui que l'expression de certaines molécules d'adhésion provoque l'induction des gènes codant pour des produits impliqués dans différentes fonctions cellulaires.

Classification

Les molécules d'adhésion ont été regroupées, en fonction de leur structure, en quatre grandes familles : ce sont la superfamille des immunoglobulines, les sélectines, les intégrines et les cadhérines.

La superfamille des immunoglobulines

Ces molécules d'adhésion présentent une forte homologie de séquence avec les immunoglobulines, ce qui conforte l'hypothèse d'une évolution proche entre ces deux groupes de molécules. De ce fait, ces CAM Cell Adhesion Molecule sont considérées comme appartenant à la superfamille des immunoglobulines. Cette famille comprend une centaine de molécules d'adhésion, dont la mieux connue est NCAM. Cette molécule, qui intervient dans l'interaction neurone-neurone homotypique ou neurone-cellule musculaire hétérotypique, peut également se lier avec l'héparane sulfate, un composé de la matrice extra-cellulaire hétérophilique. Un certain nombre de molécules qui régissent l'adhésion entre les cellules circulantes du sang (neutrophiles, lymphocytes, éosinophiles) et l'endothélium (formé par les cellules qui tapissent l'intérieur des vaisseaux) appartiennent aussi à cette classe de molécules d'adhésion, par exemple ICAM-1, ICAM-2 Intercellular Adhesion Molecule, VCAM-1 Vascular Cell Adhesion Molecule et LFA-3 Lymphocyte Function Associated Antigen-3 qui sont présentes à la surface des cellules endothéliales. D'autres molécules importantes relevant de cette famille sont les complexes majeurs d'histocompatibilité de classe I et II, ainsi que leurs ligands respectifs : d'une part CD8, exprimé sur les lymphocytes T8 cytotoxiques, et d'autre part CD4, présent sur les lymphocytes T4 auxiliaires. Il s'agit là de deux types d'interaction qui jouent un rôle essentiel dans la tolérance immunitaire observée par exemple lors d'une greffe.

Les sélectines

Ces molécules interviennent dans la première étape de l'adhésion, ou plus précisément dans le roulement lent rolling qui correspond à un ralentissement des leucocytes à l'endothélium. Bien que l'adhésion favorisée par les sélectines mette en jeu des forces de liaison relativement faibles, il s'agit néanmoins d'une étape transitoire indispensable à la mise en place d'une adhésion « forte » qui sera le fait des intégrines. Trois sélectines distinctes ont été caractérisées à ce jour, et désignées par des initiales correspondant au type de cellule dans lequel ces molécules ont été découvertes.

La sélectine E, découverte en 1987, intervient essentiellement dans l'adhésion et la migration des neutrophiles à l'endothélium. L'expression de cette sélectine à la surface de la cellule endothéliale fait appel à une synthèse de novo nécessitant l'activation préalable des cellules par des cytokines ou encore par l'endotoxine bactérienne.

La sélectine P est une protéine initialement localisée dans les membranes des granules sécrétoires des plaquettes, ce qui lui valut, peu après sa découverte en 1989, l'appellation de GMP-140 Granule Membrane Protein 140. Depuis lors, cette sélectine a également été mise en évidence au niveau de granules présents dans le cytoplasme des cellules endothéliales. L'expression de la sélectine P à la surface cellulaire requiert l'activation préalable des cellules par des agonistes tels que la thrombine. L'on assiste alors à la translocation de ces molécules d'adhésion dont la fonction précise in vivo, encore mal définie, est peut-être liée aux processus de thrombose et d'hémostase.

La sélectine L est une protéine constitutive, qui fut d'abord mise en évidence à la surface des lymphocytes. Cette molécule d'adhésion a été définie comme étant un récepteur de domiciliation homing, dans la mesure où elle permet la reconnaissance des lymphocytes par les ganglions lymphatiques périphériques. La sélectine L intervient également dans l'adhésion entre les monocytes ou les neutrophiles et les cellules endothéliales.

Les intégrines

Les intégrines sont impliquées dans presque tous les aspects de l'adhésion cellulaire. Elles établissent le lien entre les cellules et certaines protéines de la matrice extracellulaire comme le collagène, la fibronectine ou la laminine. Elles jouent par ailleurs un rôle important dans les phénomènes d'adhésion intercellulaire, où elles interviennent en tant que ligands des molécules adhésives de la superfamille des immunoglobulines.

Les intégrines sont des dimères formés de deux chaînes protéiques distinctes (sous-unités α et β), liées de façon non covalente. Il existe trois principales sous-familles d'intégrines caractérisées par des chaînes α communes et une chaîne β distincte. Ce sont :
– les intégrines β1 ou VLA, les deux premières identifiées apparaissant très tardivement suite à l'activation des lymphocytes Very Late Activation ;
– les intégrines β2 ou intégrines leucocytaires, constituées de trois membres présentant la même chaîne β (β2 ou CD18) qui peut s'associer à trois chaînes α distinctes (CD11 a, CD11 b ou CD11c). Leur nom tient au fait que la chaîne β2 n'est présente que sur les leucocytes.

Les complexes CD11 a/CD18 et CD11 b/CD18, qui sont entre autres exprimés par les neutrophiles, sont des acteurs essentiels de l'adhésion « forte » entre ces cellules et l'endothélium, par rapport à l'adhésion précoce due aux sélectines et précédemment évoquée ;
– les intégrines β3 ou adhésines, dont fait partie l'une des premières intégrines identifiées : il s'agit du complexe αIIb/β3, un récepteur exclusivement plaquettaire qui intervient dans l'adhésion de ces cellules au fibrinogène ainsi qu'au facteur de von Willebrand ou encore à la fibronectine.

Les cadhérines

Ces molécules d'adhésion qui interviennent de manière prépondérante dans les jonctions cellulaires, sont de type calcium dépendantes. En effet, la présence de calcium est indispensable au maintien de l'intégrité structurale et fonctionnelle de ces molécules. Pour mémoire, l'on retiendra que la dissociation des cellules en culture peut être facilement obtenue avec des chélateurs du calcium, composés qui diminuent la concentration de calcium en le « capturant ».

Les cadhérines ont été classées en quatre sous-familles. Comme dans le cas des sélectines, leur nomenclature fait appel à l'utilisation d'une lettre majuscule qui correspond à l'initiale du type cellulaire où elles ont été mises en évidence et où elles sont généralement le plus abondamment représentées : on distingue ainsi la cadhérine E (épithélium), la cadhérine N (neurones), la cadhérine P (placenta) et la cadhérine V (vasculaire).

L'homologie qui existe entre les cadhérines de divers tissus et de diverses espèces est importante puisque de l'ordre de 50 à 60 %. Toutefois, la partie la mieux conservée correspond au fragment C-terminal cytoplasmique. Ce phénomène est sans doute lié au fait que cette partie intracellulaire des cadhérines joue un rôle clef dans le maintien de la forme des cellules : en effet, l'interaction entre les cadhérines et certaines protéines du cytosquelette, les caténines, sert de relais dans leur association avec les microfilaments d'actine.

Les cadhérines interviennent de manière capitale dans la reconnaissance cellulaire au cours de l'embryogenèse, puis dans la cascade complexe d'événements permettant la cohésion tissulaire. Il est vraisemblable qu'une anomalie de leur expression puisse conduire au développement de tumeurs et à la formation de métastases.

Molécules d'adhésion et états pathologiques

La position stratégique des molécules d'adhésion leur permet de contrôler les interactions cellulaires, et par conséquent d'assurer le maintien d'un organisme dans un état physiologique, c'est-à-dire en bonne santé. Ainsi, une dérégulation transitoire de leur expression peut favoriser l'évolution de divers états pathologiques, parmi lesquels les cancers, la formation de métastases ou un déficit de la coagulation.

L'importance du rôle joué par les molécules d'adhésion est particulièrement bien illustrée par certaines anomalies génétiques caractérisées par un défaut d'expression de certaines intégrines et dont les conséquences sont dramatiques. C'est le cas d'individus présentant un déficit génétique concernant l'expression des intégrines leucocytaires. Cette pathologie, appelée LAD (Leukocyte Adhesion Deficiency, « Déficience de l'Adhésion des Leucocytes »), correspond à des cas cliniques d'enfants présentant un grave déficit immunitaire lié à des défauts de mobilité et de phagocytose de leurs neutrophiles. Deux phénotypes sont aujourd'hui caractérisés : d'une part un phénotype sévère avec mort infantile, d'autre part un phénotype dit modéré, dans lequel les patients survivent plus longtemps mais sont sujets à des infections répétitives. La thrombasthénie de Glanzmann est une autre maladie dont le symptôme est une tendance hémorragique sévère liée à l'impossibilité des plaquettes à former des agrégats et qui correspond à une déficience génétique de l'expression du complexe αIIb/β3.

Les molécules d'adhésion peuvent également intervenir dans le développement d'infections virales. En effet, les virus peuvent trouver un point d'ancrage sur une structure membranaire et pénétrer ensuite dans la cellule. Potentiellement, tous les composants de la membrane cellulaire peuvent se comporter comme des récepteurs pour les virus, qu'il s'agisse de protéines, de carbohydrates ou encore de lipides. En fait, la liste des protéines d'adhésion identifiées comme étant des récepteurs de virus est assez courte. L'on peut toutefois noter que CD4 est un récepteur du virus HIV (virus responsable du sida) et ICAM-1 celui de certains rhinovirus. Par ailleurs, il a été montré que le récepteur du polyovirus appartient à la superfamille des immunoglobulines.

Enfin, certaines maladies parasitaires peuvent également être sous le contrôle de molécules d'adhésion. Ainsi a-t-il été suggéré que l'adhésion à l'endothélium de globules rouges infectés par certaines lignées de Plasmodium falciparum (parasite vecteur de la malaria) puisse dépendre d'ICAM-1.

Perspectives thérapeutiques

La mise en évidence de l'implication des molécules d'adhésion dans le développement de divers états pathologiques offre une voie de recherche prometteuse pour lutter contre l'évolution de certaines maladies. Toutefois, le développement d'outils pharmaceutiques susceptibles d'exercer une régulation de ces molécules nécessite de nouvelles connaissances. Avant d'envisager une inhibition totale, ou seulement partielle, de la fonctionnalité de certaines de ces molécules d'adhésion à des fins thérapeutiques, il est en effet impératif de bien connaître leur rôle et d'évaluer ainsi les conséquences éventuelles du traitement envisagé. Ces études complémentaires correspondent à une approche expérimentale mais également clinique. L'approche expérimentale comporte elle-même deux aspects : le développement de modèles d'adhésion in vitro, notamment entre les cellules endothéliales et les cellules circulantes, qui a déjà largement contribué à la compréhension des interactions cellulaires ; l'utilisation de modèles animaux, qui permet par exemple d'apprécier les conséquences du blocage de certaines molécules. Par ailleurs, les progrès réalisés en génétique permettent aujourd'hui d'intervenir au stade embryonnaire du développement de la souris et de modifier, par délétion génique, l'expression de certaines protéines. Lorsque la synthèse de la protéine ciblée est totalement réprimée, on dit que l'on a affaire à une souris knock-out. Cette technique, appliquée dans le cas de CD18, d'ICAM-1 ou encore de certaines sélectines, permet de mimer certaines anomalies génétiques humaines et plus généralement de mieux évaluer la contribution d'une molécule d'adhésion donnée au maintien de l'intégrité d'un organisme. En ce qui concerne la recherche clinique, il s'agit essentiellement d'établir une corrélation entre la gravité de certaines maladies et l'expression de molécules d'adhésion quantifiées à partir de biopsies prélevées chez les malades, par exemple des fragments de tissus bronchiques chez des individus asthmatiques.

Premières données cliniques

Bien que certains points restent à élucider, les connaissances relatives aux molécules d'adhésion ont connu un essor considérable et certains inhibiteurs, en l'occurrence des anticorps, sont déjà l'objet d'essais cliniques, préambule nécessaire à la mise sur le marché de tout médicament. L'une de ces applications thérapeutiques concerne l'inhibition d'ICAM-1, dans le but de limiter les rejets de greffe hépatique ou rénale. Les résultats obtenus sont encourageants. Bien que ce traitement ait engendré de nombreux effets secondaires (hypertension, douleurs abdominales, maux de tête), aucun effet toxique n'a été à déplorer. Dans une autre expérience, l'injection d'anticorps dirigés contre le complexe αIIb/β3 a apporté des résultats satisfaisants pour l'amélioration de la sténose artérielle (rétrécissement des artères).

Outre les anticorps, l'utilisation d'autres outils pharmacologiques tels que des oligonucléotides, des peptides synthétiques ou des carbohydrates est également envisagée. Les oligonucléotides interviennent au niveau génomique pour bloquer spécifiquement l'expression de certaines molécules d'adhésion. Les peptides synthétiques et les carbohydrates correspondent tous deux à des analogues de synthèse de certaines molécules d'adhésion. Ces « copies » inhibent la reconnaissance cellulaire en prenant la place des ligands originaux. Les trois types de molécules que nous venons d'évoquer présentent un avantage par rapport aux anticorps : il s'agit en effet de composés synthétisés chimiquement, dont la production à grande échelle est tout à fait concevable. Par ailleurs, il faut noter que les carbohydrates sont les seuls pour lesquels on envisage actuellement une administration par voie orale, beaucoup plus supportable pour le patient qu'un traitement par injections. Il ne s'agit cependant là que de considérations secondaires par rapport aux enjeux que représente la connaissance approfondie du rôle des molécules d'adhésion dans la cohésion des organismes et qui sera l'objet d'investigations fructueuses dans les années à venir.