méduse

Système nerveux d'une méduse
Système nerveux d'une méduse

Les sols des premiers âges de la Terre conservent la trace des méduses. Transparentes, mais adoptant des couleurs profondes, elles nagent encore aujourd'hui dans toutes les mers du globe.

1. La vie des méduses

1.1. Une nage perpétuelle et souvent solitaire

Les méduses appartiennent au plancton. Essentiellement solitaires, elles sont souvent très dispersées : ainsi, dans 100 m3 d'eau de mer, on ne trouve généralement qu'une dizaine de méduses. Mais, parfois, elles se concentrent en bandes ou en essaims, comme la pélagie (Pelagia noctulica) en Méditerranée. Ce phénomène de pullulation, encore mal élucidé, pourrait dépendre de la forme des côtes, car les méduses ne sont pas réparties uniformément dans les mers. Certaines se rencontrent à 600, voire à plus de 1 500 m de profondeur, mais la plupart vivent en zone littorale, dans une couche d'eau superficielle où elles se maintiennent en équilibre grâce à leur densité voisine de l'eau qui les entoure. Lorsqu'elles étendent leurs tentacules au maximum, elles occupent pleinement leur espace vital (soit la place qu'elles prennent dans l'eau), qui correspond un peu au « territoire » d'un animal terrestre.

Migrations quotidiennes

Migrations quotidiennes



Une étude réalisée au Japon montre que le maximum de la densité des populations de la méduse commune, ou aurélie (Aurelia aurita), se situe dans les eaux au-dessus de 10 m dans la journée ; mais de 17 h 30 à 5 h 30, les méduses n'apparaissent pas en surface.

Le rythme de la nage

Toute l'année, même pendant la période hivernale, où les méduses sont moins nombreuses, ces animaux passent la plus grande partie de leur temps à se déplacer, effectuant de longs trajets vers la surface, où se concentre la nourriture. Car, bien que constituée d'une masse gélatineuse, la méduse possède des muscles circulaires (striés comme ceux des vertébrés) qui impriment une contraction rythmée au corps. Ce battement permanent, analogue à celui du cœur, assure les déplacements lents de l'animal, qui peut aussi nager vite, s'interrompant pour des pauses assez longues, avec une sorte de relaxation de tout le corps, avant de repartir après une contraction brutale.

Contraction et relaxation rythment les mouvements de la nage : le corps (ou ombrelle), en se contractant, projette un jet d'eau qui propulse l'animal. Les tentacules et les bras oraux (sous l'ombrelle) sont alors en position rectiligne, dans le sens de la progression. Elle peut alors atteindre quelque 55 m à l'heure. Pour freiner et s'arrêter, la méduse reprend sa forme d'ombrelle étalée, et les tentacules comme les bras oraux redeviennent souples.

1.2. Proies paralysées par un venin

Lorsqu'elle étend tous ses tentacules, les paisibles méduses deviennent de dangereux chasseurs, qui consomment leurs proies vivantes. La plupart sont exclusivement carnivores, mais certaines, telle l'aurélie, avalent aussi du phytoplancton.

Les victimes qui touchent les tentacules déclenchent un redoutable mécanisme. L'épiderme des tentacules renferme en effet des cellules urticantes très particulières, les cnidoblastes ou nématoblastes. Elles sont essentiellement constituées par une capsule appelée cnidocyste (ou nématocyste), fermée par un opercule. Ce cnidocyste renferme un liquide urticant (dont l'une des principales toxines est l'actinocongestine) dans lequel baigne un filament enroulé portant des micro-épines. Chaque cnidoblaste possède aussi, à sa surface, un cil à fonction tactile, le cnidocil. Qu'une proie ou qu'un objet quelconque entre en contact avec le cnidocil, et aussitôt l'opercule du cnidocyste s'ouvre, le filament se déroule à la façon d'un micro-harpon et ses épines se plantent dans l'objet ; de plus le filament, creux, expulse le venin contenu dans la capsule. L'ensemble du phénomène ne prend pas plus de 1/25e de seconde. Les cnidoblastes agissent comme des seringues à usage unique : une fois leur filament déroulé et leur venin expulsé, ils sont remplacés.  

Certaines méduses ont une technique de chasse beaucoup plus passive : elles se renversent, l'ombrelle tournée vers le haut, et attendent que le plancton, qui chute vers le fond, tombe dans leur bouche ouverte.

Les méduses consomment surtout des petits crustacés, notamment les copépodes, qui représentent 90 % du plancton, mais elles sont très opportunistes et avalent, comme Neoturris, tout ce qu'elles trouvent, y compris d'autres méduses et même, chez Aurelia et Pelagia, leurs propres larves !

Les grandes méduses, ou scyphoméduses, engloutissent des quantités de larves de poissons de haute mer (pélagiques), harengs, sardines, anchois, maquereaux, déjà au stade d'alevin. La méduse est un gros mangeur : une Aurelia de 50 cm de diamètre peut décimer les bancs de très jeunes harengs, en avalant près de 10 alevins par heure ! Cet appétit est favorisé par ses capacités digestives : son estomac contient en effet des enzymes protéolytiques très puissantes qui attaquent directement les protéines. Et les filaments gastriques, dont le nombre varie selon l'âge de la méduse, augmentent beaucoup la surface et la rapidité de la digestion. C'est ainsi que l'on peut trouver des méduses digérant déjà la tête d'un poisson alors que la queue frétille encore hors de la bouche.

Malgré la fragilité des méduses, qui rend l'expérimentation délicate, des chercheurs japonais, américains et français ont évalué les quantités de nourriture qu'elles ingurgitent. En Méditerranée, Neoturris pilatea mange plus de 200 copépodes par jour pendant les deux mois de sa courte vie.

Certaines ne font qu'un seul gros repas, comme Solmissus, qui remonte toutes les nuits vers les couches supérieures riches en zooplancton. En fait, l'important pour la méduse est de consommer plusieurs fois son poids de nourriture par jour afin d'assurer sa croissance et sa reproduction.

1.3. Plusieurs transformations pour devenir une méduse

Le cycle de vie de la méduse se déroule en deux étapes ; le premier stade est celui d'un organisme fixé, comme les coraux, sur le fond : le polype. Le deuxième stade est atteint quand cet organisme devient sexué et nage librement. Mais il y a des exceptions : certaines méduses, comme Pelagia noctiluca, ne se fixent pas au fond, et certains hydraires donnent des œufs et non des méduses.

Il existe des méduses mâles et des méduses femelles. La formation des cellules sexuelles (gamétogenèse) se fait dans les gonades, situées soit en manchon autour de l'estomac, soit le long des canaux radiaires ; chez les grandes méduses (scyphoméduses), elle s'effectue dans des poches génitales.

La fécondation est externe, les spermatozoïdes fécondant les ovules dans l'eau, après la ponte. Mais il arrive que les œufs commencent leur développement dans les poches génitales. Chez Stygiomedusa, seule méduse ovovivipare connue, ils y sont même incubés.

De l'œuf à l'éphyrule

Lorsque les conditions environnementales sont mauvaises, l'œuf s'enkyste, produisant une membrane résistante qui, en quelque sorte, bloque sa croissance. Il reste ainsi en état de « dormance ». Parfois c'est la toute jeune larve, ou frustule, qui s'enkyste, comme chez la méduse des eaux douces européennes, Craspedacusta sowerbyi, très résistante aux hivers rigoureux. Dans des conditions normales, l'œuf donne naissance à une larve planula (de forme allongée), ou actinula. Mesurant à peine 1 mm, cette larve, libre et nageuse grâce à ses cils, tombe sur le fond, s'y fixe et se métamorphose en polype. Sa durée de vie est éphémère, puisque le temps écoulé entre l'éclosion et la transformation en polype varie de 5 à 40 jours ; la planula peut même se fixer en une heure ! Accroché par une de ses extrémités, le polype se développe en prenant la forme d'une flûte à champagne ou d'un calice, bordés de tentacules entourant une bouche déjà avide. Il se nourrit comme la méduse. Dans certaines conditions de lumière, de température et de nourriture, la partie supérieure du calice se creuse de sillons et se débite en tranches (ressemblant un peu à un empilement d'assiettes, dont celles du dessus se mettent l'une après l'autre à nager), libérant dans l'eau des « bébés méduses », les éphyrules.

Ces deux multiplications, l'une sexuée à partir des méduses qui pondent un grand nombre d'œufs, l'autre asexuée à partir des polypes qui libèrent, à la pleine lune, de petites méduses, se réalisent, selon les espèces, dans des conditions bien précises qui varient surtout selon la température de l'eau, donc selon les saisons. Les chercheurs ont pu ainsi baser leurs études sur des « calendriers planctoniques » qui montrent notamment que, si la reproduction des méduses Aurelia et Rhizostome a lieu uniquement en été, celle de Pelagia se produit aussi en hiver.

Cycle de reproduction de l'aurélie

Cycle de reproduction de l'aurélie



La reproduction de l'aurélie, Aurelia aurita, comporte deux cycles de développement après que, libérées dans l'eau par la méduse mère, les jeunes planulas se fixent au fond.

Lors du cycle court, la planula se transforme simplement et directement en une éphyrule. Lors du cycle long, la planula se transforme en polype fixé, qui, à un certain stade, produit à partir de son calice plusieurs éphyrules, comme des assiettes empilées, qui se détachent de lui l'une après l'autre.

Ensuite, l'évolution est rapide. L'éphyrule préfigure la future méduse et présente une ombrelle lobée, avec les organes des sens et au centre la bouche.

1.4. Milieu naturel et écologie

La répartition des méduses dans le monde est très vaste puisqu'on les retrouve sous toutes les latitudes. Dans les zones polaires des deux hémisphères on n'en rencontre que quelques espèces ; en revanche, elles sont d'une grande diversité dans les zones tempérées. Elles sont très nombreuses dans les zones côtières et colonisent pour la plupart les eaux peu profondes des océans.

Les méduses s'installent dans tous les milieux aquatiques, y compris les eaux douces. Dans les mers d'Europe, elles apparaissent plutôt en saison chaude ; mais, dans les zones intertropicales, et dans le lac Tanganyika, où les conditions sont plus stables, on les rencontre tout au long de l'année. L'aurélie, qui vit dans des eaux superficielles jusqu'à 200 m, est souvent considérée comme une méduse des eaux polluées, car sa planula se fixe sur les substrats de zones portuaires et industrielles pour se transformer en scyphistome ; la petite taille de celui-ci lui permet de ne pas être détecté, mais, dès qu'il libère ses éphyrules, celles-ci envahissent les bassins. Ce phénomène a pris une grande ampleur en mer du Nord, où les scyphistomes se fixent à proximité des centrales thermiques, qui rejettent des eaux à température constante, entre 16 et 20 °C.

Durée de vie

Si les petites méduses ont une durée de vie qui ne dépasse pas 2 à 3 mois, on sait, en revanche, peu de choses sur celle des scyphoméduses. Pelagia et Aurelia semblent ne pas dépasser l'année. Quant aux différentes formes de Rhizostoma, leur taille variant de 70 à 90 cm est peu compatible avec une croissance rapide, surtout avec leur type d'alimentation. Que dire alors de Cyanea avec ses 3 m de diamètre et ses tentacules de 50 m, que l'on rencontre dérivant à la limite des eaux très riches en plancton venant de l'Antarctique et des eaux tempérées provenant du sud des océans ?

En surface et en profondeur

Toutes les méduses qui peuplent les eaux peu profondes sont des espèces épipélagiques que l'on rencontre dans les eaux qui recouvrent la plate-forme continentale, jusqu'à 300 m de profondeur par opposition aux espèces bathypélagiques, que l'on rencontre plus au large, au-dessous de 300 m et jusqu'à plus de 2 000 m de profondeur. Les méduses typiques de ces eaux profondes, comme Peryphilla peryphilla, Atolla wyvillei ou Octophialucium funerarium, sont citées dans tous les inventaires des grandes expéditions océanographiques. Elles adoptent toutes une belle couleur rouge sombre, alors qu'en surface domine la couleur bleue, aussi bien chez les méduses Cyanea et Rhizostoma que chez les siphonophores Vellela et Porpita.

Les méduses ne se déplacent pas toutes de la même façon. Certaines espèces, comme Scolionema suvaense, se fixent avec des ventouses sur les feuilles des herbiers sous-marins ; d'autres, telle Cladonema radiatum, sautent comme des puces ; enfin, Eleutheria dichotoma rampe sur le fond sans pouvoir nager.

Les migrations

Tout au long d'une journée de vingt-quatre heures, les méduses effectuent des déplacements vers la surface puis redescendent. Ces mouvements, appelés « migrations nycthémérales », sont certainement liés à l'éclairement solaire, puisqu'on a vu des méduses apparaître lors d'une éclipse de soleil. La recherche de nourriture est l'explication la plus souvent avancée, notamment pour justifier la remontée d'espèces qui vivent à plus de 300 m de profondeur, là où la densité d'animaux est très faible. En fait, il s'établit une succession logique. Le phytoplancton (l'herbe marine) vit dans les eaux superficielles ; les animaux qui le consomment viennent le « brouter » à la fin d'une journée de photosynthèse, lorsqu'il est bien gorgé d'amidon et d'autres substances qu'il vient de synthétiser. Les carnivores suivent le mouvement avec un décalage dans la nuit ; ils parviennent vers la surface entre 20 h et 24 h. Les siphonophores sont les derniers : ils attendent la fin de la nuit.

Pullulements de méduses

En Méditerranée, la pélagie, Pelagia noctiluca, envahit périodiquement les côtes, depuis des siècles. Des études effectuées à la fin des années 1980 de la série chronologique des années avec Pelagia et sans Pelagia ont mis en évidence une périodicité des années à Pelagia d'environ 12 ans vérifiée sur 200 ans d'observations. Ces « floraisons » semblent déclenchées par l'établissement de hautes pressions accompagnées d'un déficit de pluviosité. Ces fluctuations, associant le climat et Pelagia, passent par un processus où interviennent la qualité de l'eau et la nature de l'alimentation végétale ou animale. Reste à expliquer comment le système écologique de haute mer réagit pour produire autant de méduses.

Mais le phénomène de fluctuation des pélagies se modifie. En effet, depuis le début des années 2000, cette espèce semble proliférer en permanence. Une explication probable est le réchauffement climatique : les eaux hivernales, moins froides, n'entraînent plus la mort de ces méduses.

On constate désormais la prolifération de nombreuses espèces de méduses dans tous les océans et mers du monde. L'origine du phénomène n'est pas entièrement élucidée, mais, outre le changement climatique, la surpêche pourrait être impliquée. Celle-ci, induisant la raréfaction des prédateurs des méduses tels les thons et les tortues, provoquerait la pullulation de ces dernières. De plus, la surpêche entraîne la disparition des poissons compétiteurs des méduses dans leur alimentation, augmentant mécaniquement les ressources alimentaires de ces dernières et favorisant ainsi leur développement.

Prédateurs et commensaux

Le plus grand ennemi de la méduse semble être la méduse elle-même, comme on l'a observé en élevage ! Mais, même si on connaît certains de ses prédateurs, dont les oiseaux de mer, il est difficile d'en dresser un inventaire, car, une fois avalée, elle ne laisse aucune trace dans un estomac. La meilleure méthode consisterait à rechercher les cnidocytes, ou cellules urticantes. Ainsi, chez certains mollusques doridiens (des nudibranches), les cnidocytes des méduses avalées sont accumulés dans des excroissances dorsales et gardent même leur pouvoir urticant. Un phénomène original de réutilisation des cellules.

Les tortues sont également friandes de méduses, et l'une des raisons avancées pour l'augmentation du nombre de Pelagia est la baisse du nombre des tortues due à la pêche intensive et à la dégradation de leurs territoires de ponte.

Les méduses servent fréquemment d'abri pour des commensaux. Elles hébergent ainsi de jeunes poissons, comme les caranx, qui sont immunisés contre leurs toxines et profitent des restes de repas ou des réjections pas totalement digérées. Le parasitisme semble assez rare chez les méduses (sauf chez les premiers stades des narcoméduses). Des larves de crustacés hypériens peuvent toutefois se développer sous l'ombrelle, qu'elles dévorent ensuite pour la transformer en une sorte de tonneau gélatineux de protection.

2. Zoom sur... l'aurélie

2.1. Aurélie ou méduse commune (Aurelia aurita)

Peuplant principalement la mer du Nord et la Manche, l'aurélie ou méduse commune, Aurelia aurita, est une grande et élégante méduse translucide aux courts mais nombreux tentacules, teintée de blanc ou de bleu. Elle est très reconnaissable à ses quatre gonades qui, disposées autour de l'estomac et visibles sur le dessus de l'ombrelle, évoquent la forme d'un trèfle à quatre feuilles de couleur blanche à violette.

C'est à ses quatre poches génitales en forme d'oreille (en latin, auris) que cette méduse, l'une des premières méduses décrites par Linné en 1746, doit son nom. Dans les textes anciens, elle est aussi appelée « méduse-croix ».

Sans squelette, sans carapace, sans coquille de protection, la méduse est très fragile, mais elle possède dans ses tissus des muscles circulaires striés, qu'elle contracte pour se déplacer. Son corps est, en fait, une masse de gélatine, la mésoglée, constituée essentiellement de collagène à très faible teneur en carbone et qui contient environ 98 % d'eau. Il comporte une ombrelle renfermant tous les organes, des bras oraux et des tentacules. Très aplatie, l'ombrelle, d'un diamètre variant entre 15 et 20 cm, est bordée de très nombreux (entre 500 et 1 000) tentacules courts et très fins, et échancrée pour l'insertion des 8 rhopalies (du grec rhopalo, massue), très développées, où sont regroupés les organes des sens (ocelles, statocystes et fossettes olfactives), et qui sont composées de trois types de cellules hautement différenciées : les ocelles, micro-yeux avec cristallin et rétine ; les statocystes, qui permettent l'équilibration dans l'espace ; enfin, les cellules spécifiques aux fossettes olfactives.

À la face inférieure de l'ombrelle s'ouvre la bouche, entourée par quatre lèvres transformées en solides bras oraux tapissés de minuscules boutons de cnidocytes disposés en deux rangées formant une sorte de gouttière.

Organe central et volumineux, l'estomac, ou cavité gastro-vasculaire, est envahi de filaments gastriques. Il dirige dans la paroi de l'ombrelle de nombreux canaux radiaires qui, de 8 à l'origine chez la jeune éphyrule, se divisent de façon dichotomique, sauf ceux qui aboutissent aux organes des sens. La digestion de l'aurélie est très rapide : une larve de morue est complètement digérée en 8 heures ; une ration de phytoplancton séjourne moins de 4 heures dans l'estomac. L'élimination des déchets par la bouche est réalisée par des sortes de pelotes de réjection.

La méduse n'a pas d'organes propres à la respiration. Elle absorbe l'oxygène par la peau et par la bouche. Lors des déplacements, la respiration s'accélère et, comme l'ont révélé des études faites en Grèce, elle se ralentit quand la méduse est à jeun.

          

AURÉLIE ou MÉDUSE COMMUNE

Nom (genre, espèce) :

Aurelia aurita

Famille :

Ulmaridés

Ordre :

Séméostomes

Classe :

Scyphozoa (scyphoméduses)

Identification :

Ombrelle en forme de disque, à 8 échancrures pour les organes des sens, ou rhopalies ; 4 gonades en croix ; nombreux canaux radiaires et tentacules ; 4 bras oraux

Taille :

15 cm en général, jusqu'à 40 cm

Poids :

De 1 à 10 kg

Répartition :

Cosmopolite, océans plutôt tempérés à tempérés chauds, excepté au pôle Nord et dans l'Antarctique

Habitat :

Zones néritiques, côtes, régions plus ou moins polluées

Régime alimentaire :

Carnivore au stade larvaire de l'éphyrule, puis en partie phytophage

Structure sociale :

Solitaire

Maturité sexuelle :

Quand le diamètre de l'ombrelle dépasse 50 mm

Reproduction :

Sexuée (mâles et femelles incubant les œufs) et asexuée (polypes scyphistomes donnant des éphyrules, ou des kystes, ou encore se divisant)

Saison de reproduction :

Du printemps à la fin de l'été (régions tempérées)

Durée de gestation :

Environ une semaine

Nombre de jeunes par portée :

Des millions d'œufs

Taille à la naissance :

300 microns (planula) ; 1,5 mm (éphyrule libérée)

Longévité :

1 an

Effectifs :

En nette augmentation dans certaines régions (mer du Nord, Baltique, golfe du Mexique)

 

2.2. Signes particuliers

Gonades

Poches dans lesquelles s'effectue la gamétogenèse (formation des produits sexuels), elles sont au nombre de 4 et sont disposées en croix autour de l'estomac, de manière interradiaire. Elles sont colorées de façon beaucoup plus intense que le reste de l'ombrelle. Chez la femelle, les bras oraux servent aussi de chambres incubatrices : de petites poches hébergent les œufs qui s'échapperont au stade larvaire.

Coupe

Dans l'épaisseur de la gélatine (mésoglée) se situe l'estomac, d'où partent d'une part des canaux radiaires rayonnants, dont 8 aboutissent aux rhopalies, et d'autre part, les bras oraux.

La paroi des tentacules renferme des cellules urticantes (cnidoblastes) qui inoculent le venin à l'aide d'un micro-harpon.

Bras oraux

Pendant la nage, la méduse contracte vigoureusement son ombrelle. Les bras oraux, sur la face sous-ombrellaire, sont alors étirés dans le sens du déplacement. Ces bras sont garnis de cellules urticantes qui se renouvellent lorsque le micro-harpon a injecté le venin dans la proie.

3. Les autres espèces de méduses

La taille et la forme des méduses, ainsi que les détails de leur cycle de vie, permettent de les répertorier dans l'une des deux classes existantes : les cubozoaires ou cuboméduses, petites méduses dont la cavité délimitée par l'ombrelle est cubique, et les scyphozoaires ou scyphoméduses, grandes méduses (désignées aussi sous l'appellation de méduses vraies), dont fait partie l'aurélie, Aurelia aurita.

Les siphonophores, qui ne sont pas réellement des méduses mais des colonies flottantes de polypes et de méduses, appartiennent comme les hydres à la classe des hydrozoaires. Le plus connu – et le plus dangereux – des siphonophores est la physalie ou galère portugaise (Physalia physalis).

3.1. Les cuboméduses

Les cubozoaires, ou cuboméduses, appelées aussi guêpes de mer, sont de petites méduses qui ne mesurent pas plus de quelques centimètres. Elles possèdent une ombrelle à quatre faces qui délimitent une cavité cubique, d'où leur nom. Leur polype ne se divise pas en disques. La classe des cubozoaires est divisée en 2 à 4 familles selon les auteurs.

Les cuboméduses vivent dans les eaux tropicales. Elles sont particulièrement répandues dans les récifs coralliens des Philippines et d'Australie. La plus redoutable est la guêpe de mer Chironex fleckeri, qui abonde sur la Grande Barrière de corail australienne. Cette méduse, dont le venin peut provoquer un arrêt cardiaque, est, en termes de mortalité annuelle – bien plus élevée que celle due aux requins –, l'animal marin le plus dangereux de la planète.

3.2. Les scyphoméduses

Les scyphozoaires, ou scyphoméduses, ou grandes méduses, ont une ombrelle qui n'est pas rétrécie par un vélum. Les rhopalies (dans les échancrures de l'ombrelle) sont toujours très développées. Elles regroupent les organes des sens. Les cellules nerveuses ont tendance à se regrouper autour des rhopalies ; ce début de concentration au niveau des organes des sens constitue la première ébauche de ganglion nerveux du règne animal. Pour cette raison, on les considère souvent comme les plus évoluées des méduses. L'estomac est rétréci par des cloisons recouvertes de filaments gastriques. Bien que leurs gonades aient une ouverture vers l'extérieur, l'émission des gamètes (les cellules reproductrices) se fait par la bouche. Leur stade fixé, le scyphistome, en forme de calice, est souvent solitaire, nu et très petit ; il donne des éphyrules en se séparant en une série de disques. C'est dans cette classe que l'on rencontre les plus grandes méduses, comme les Cyanea, qui peuvent atteindre plus de 3 mètres de diamètre. Les scyphoméduses se partagent en quatre ordres.

Les stauroméduses sont plus ou moins fixées. Par leurs caractères, elles sont considérées comme « charnière » dans l'évolution des cnidaires, car elles cumulent une morphologie d'hydraire (en étant parfois fixées) et de méduse.

Les coronates, au puissant anneau musculaire, sont les plus anciennes, puisque connues depuis le précambrien. Ce sont aussi celles qui vivent dans les eaux les plus profondes (on en a pêchées à − 3 000 m).

Les séméostomes rassemblent la plupart des méduses communes. Elles ont quatre bras oraux et des tentacules qui bordent leur ombrelle. C'est dans cet ordre que l'on trouve les genres Pelagia, Chrysaora, Cyanea et Aurelia.

L'espèce Pelagia noctiluca est, sans conteste, la méduse de la Méditerranée, qu'elle envahit par poussées périodiques.

Cyanea capillata, aussi connue sous le nom de « crinière de lion », doit son nom à sa magnifique couleur bleue et à ses quelque 150 tentacules répartis en huit touffes qui s'enchevêtrent comme des cheveux au vent. Elle peut atteindre 3 m de diamètre. C'est la plus grande méduse connue, avec des tentacules de 40 à 50 m en extension, et son venin est particulièrement actif. Elle abrite souvent des bancs de très jeunes poissons, merlans ou morues. Elle est pêchée en abondance à la limite de l'océan Antarctique et très consommée en mer de Chine.

Les rhizostomes n'ont pas de tentacules bordant leur ombrelle et leur bouche devient un réseau très ramifié de tubules (d'où l'image de racines), qui s'ouvrent vers l'extérieur par des ostioles ; leurs bras oraux, divisés, possèdent un épaulement supérieur et de longs palpes labiaux dans leur partie terminale. À cause de la taille des ostioles, ces méduses sont microphages.

Les espèces les plus communes sont Cassiopea andromeda, Cotylorhiza tuberculata et surtout Rhizostoma pulmo, appelée poumon de mer ou méduse chou-fleur, avec sa variété atlantique octopus. Du golfe de Gascogne au sud de la Bretagne, elle jalonne en effet les côtes de l'Atlantique, prenant d'une région à l'autre des noms vernaculaires différents : marmoue au sud d'Arcachon, margouille dans le Morbihan. Pesant jusqu'à 25 kg pour 90 cm de diamètre, elle forme, en été notamment, des concentrations élevées dans le Pertuis charentais. Les pêcheurs connaissent d'ailleurs bien ces « vagues de marmoues » qui colmatent régulièrement leurs filets.

Certaines familles de l'ordre des rhizostomes ne sont connues qu'en Indonésie, notamment Versurigidae, Thysanostomidae, Lobonemidae, qui, à elles trois, cumulent la majorité des espèces connues. D'autres touchent l'Australie, comme Mastigiadidae. Cepheidae, Catostylidae, Rhizostomidae atteignent l'Europe. Seules trois familles arrivent jusqu'en Amérique ; ce sont Cassiopeidae, Lycnorhizidae et Stomophidae. Les rhizostomes sont présents dans toutes les mers, depuis la surface jusqu'aux plus grandes profondeurs, et les eaux douces en hébergent également : Craspedacustae en Europe et en Amérique et Limnocnidae en Afrique.

Cette répartition montre que le berceau de cet ordre est sans doute l'Indonésie et que, tout en évoluant, les espèces se sont déplacées vers l'Amérique, peut-être en suivant la dérive des continents.

4. Origine et évolution des méduses

Les méduses, tout comme les anémones de mer, les coraux et les gorgones, appartiennent à l'embranchement des cnidaires (du latin cnidarius, qui dérive du grec knidê, ortie, et désigne leurs propriétés urticantes). Au sein de ce groupe, les coraux (classe des anthozoaires), en raison de leur squelette calcaire, se fossilisent bien ; en revanche, les méduses, avec leur corps entièrement mou et fragile, donnent peu de restes fossiles. On sait toutefois que, comme tous les cnidaires, elles ont des origines très anciennes : les plus anciennes empreintes fossiles connues de méduses remontent à la fin du précambrien, il y a environ 565 millions d'années. Elles ont été retrouvées à Ediacara, gisement du sud de l'Australie, partie du monde correspondant à la zone la plus orientale du vieux continent de Gondwana.

Dès le permien (il y a environ 290 millions d'années) s'installent les formations récifales construites par les coraux. La plupart des cnidaires, comme la grande majorité de toutes les espèces de l'époque, s'éteignent lors de l'extinction massive de la fin du permien, mais explosent à nouveau en une multitude de formes au trias, au tout début de l'ère secondaire. Ils connaissent un grand essor au jurassique, il y a 200 à 140 millions d'années. L'une des plus belles empreintes retrouvées de méduse, Medusites quadratus, ancêtre des scyphoméduses Atolla, provient d'ailleurs du site jurassique de Solenhofen (Allemagne), qui a également fourni l'archéoptéryx, le premier oiseau fossile connu.

Les formes actuelles de méduses sont réparties dans deux des quatre classes de cnidaires : celle des scyphozoaires (ou scyphoméduses), qui rassemble les grandes méduses, les plus complexes, et celle des cubozoaires (ou cuboméduses), beaucoup plus petites, qui ne dépassent pas quelques centimètres. Toutes ces espèces passent, au début de leur vie, par une phase polype fixée sur le fond à l'image des coraux ; ce n'est que lorsqu'elles deviennent des animaux sexués qu'elles nagent librement et prennent le nom de méduses. On donne aussi le nom de méduse à la forme libre des hydraires (telles les hydres). Au sein de cette classe, les siphonophores (comme la physalie ou galère portugaise) ne sont pas, en dépit de leur aspect, des méduses, mais des colonies de polypes et de méduses se comportant comme un super-organisme unique.

Les quelque 4 000 espèces de méduses, grandes et petites, qui vivent aujourd'hui dans les mers et eaux douces se situent donc dans un groupe zoologique très diversifié. Mais les scientifiques ne connaissent le cycle de vie que du quart d'entre elles environ.

5. Les méduses et l'homme

Inspiré des légendes de la mythologie grecque, le nom des méduses évoque un monde de mystères où évoluent silencieusement ces animaux gélatineux souvent extraordinaires.

5.1. La science attribue d'abord aux méduses des noms de la mythologie grecque

L'histoire des méduses commence dès l'Antiquité. Leur redoutable piqûre inspire Aristote, qui les nomme Acapheles (« ortie », en grec) ; Pline préfère le nom de « poumon marin », car, lorsqu'il nage, le rhizostome ressemble à un poumon qui respire. Ces deux appellations traversent tout le Moyen Âge, jusqu'à la grande période du siècle des Lumières. Au xviiie siècle, la mode emprunte alors très largement à l'Antiquité, après la découverte de Pompéi. L'architecture en témoigne (l'église de la Madeleine à Paris et les salines royales d'Arc-et-Senans), et rien n'y résiste : des astronomes aux naturalistes, les références à l'Antiquité ne tarissent pas. C'est en effet au xviiie siècle, en 1730-1750, que le Suédois Carl von Linné choisit le nom de « méduse » pour désigner ces animaux dont les tentacules lui font penser aux cheveux de Méduse, l'une des trois Gorgones, monstres dont la chevelure est faite de serpents et dont le regard pétrifie quiconque le croise.

Linné n'utilise le terme de « méduse » que pour un seul genre, classé parmi les vers, dans lequel il range les dix-huit espèces connues à l'époque. Péron et Lesueur, dans leur superbe monographie créant plus d'une vingtaine de genres, suivent son exemple et font intervenir toute la mythologie grecque dans leur nomenclature, avec, bien entendu, une préférence pour les personnages des légendes de la mer, puisant largement dans les noms des Néréides et des Océanides, les filles d'Océanos et de Téthys, par exemple : Aequorea, Oceania, Laodicea, Liriope... Mais ce sont surtout les personnages liés au mythe de Méduse qui entrent dans la nomenclature : Persa, dédiée à Persée qui a tué Méduse, Pegasia et Chrysaora, dédiées au cheval ailé Pégase et au guerrier Chrysaor, nés de la tête ou du sang de Méduse après sa mort, Cassiopea andromeda, qui associe dans une même espèce la mère Cassiopée et sa fille Andromède, délivrée par Persée du monstre marin, jusqu'au genre Cetosia, en l'honneur de Cetos, la mère de Méduse.

Actuellement, pour attribuer un nom aux espèces nouvellement découvertes, une commission de spécialistes recommande, par un code international, une nomenclature privilégiant les caractères morphologiques des animaux.

5.2. Longtemps confondues avec des plantes

Si le problème de la place des méduses dans le règne animal a été vite résolu, il n'en a pas été de même pour les polypes. Après avoir été assimilés à des minéraux comme les stalagmites, ils ont longtemps été assocués au monde végétal, et les termes empruntés à la botanique sont très employés pour les nommer. Ainsi ceux de plantes marines ayant un comportement semblable à celui des sensitives, comme le mimosa. Au xviiie siècle, en effet, on ne sait pas encore que, pour la méduse comme pour beaucoup d'autres animaux, le polype est un stade antérieur de l'animal sexué.

C'est par l'étude du corail que la nature animale de ces organismes a été mise en évidence. Cette découverte, faite par le Français Peyssonel en 1723, a quelque peu bousculé la communauté scientifique de l'époque, notamment l'Académie des sciences, qui ne l'a d'ailleurs pas reconnue ; et c'est à l'Anglais Ellis qu'elle a été le plus souvent attribuée.

Les études portant sur les méduses et leur physiologie sont très récentes, et ce n'est qu'au milieu du xixe siècle que les chercheurs danois Sars et Steenstrup ont découvert la complexité du cycle de vie de ces organismes à partir de l'étude d'une petite anthoméduse qui porte désormais le nom de Corymorpha (ou Steenstrupia) nutans.

5.3. Le phénomène de fossilisation

Il peut paraître surprenant que des animaux sans squelette comme les méduses aient laissé des empreintes identifiables dans les sols géologiques des temps anciens.

Pour comprendre aisément le phénomène de fossilisation des méduses, il suffit d'observer des Pelagia, qui, portées par les courants, s'échouent moribondes sur le rivage, n'ayant plus assez d'énergie pour repartir vers le large, ou des aurélies rejetées par la marée sur les plages de la Manche. Les derniers soubresauts de ces amas de gelée sont suffisants pour que le sable pénètre tous les orifices et interstices de l'ombrelle. Puis, les bactéries qui vivent en permanence sur le corps des aurélies (on en a compté plus d'une vingtaine d'espèces) forment une sorte d'enveloppe protectrice, comme un linceul. La fossilisation commence ainsi. En comptant, plusieurs jours durant, le nombre de méduses échouées dans les cordons de laisse de basse mer, à chaque marée, on peut avoir une bonne représentation de ce qu'est un « faciès à méduses » dans les couches géologiques. Cependant, la reconnaissance et la détermination des espèces de méduses est extrêmement difficile dans ces terrains géologiques.

5.4. Le venin des méduses et les découvertes de la médecine

Si la Méduse de la légende terrorisait les anciens, car elle pétrifiait (au sens propre) tout humain qui croisait son regard, les méduses qui peuplent les rivages restent un objet de crainte. Le venin qu'elles injectent à leurs proies pour les tétaniser et les ingurgiter tranquillement peut en effet être très dangereux pour l'homme. C'est ainsi que les côtes du nord de l'Australie sont particulièrement surveillées lors des invasions estivales de méduses telles Mastigias ou Catostylus mosaïcus, dont les piqûres sont assez redoutables, sans toutefois être mortelles, au contraitre de celles de Chironex fleckeri, cuboméduse australienne, qui entraînent la paralysie en quelques minutes, puis la mort.

Pourtant, paradoxalement, les méduses ont contribué à une découverte médicale capitale. De nombreux médecins et physiologistes ont étudié la nature du venin de la méduse. En particulier, les Français Charles Richet et Paul Portier, qui effectuaient leurs études à bord de la Princesse Alice, le yacht de recherche du prince Albert Ier de Monaco. En découvrant l'hyper-sensibilisation aux toxines des physalies, ils ont mis en évidence les mécanismes qui régissent l'anaphylaxie. En effet, l'injection de certaines substances à un organisme peut, non pas l'immuniser, mais au contraire le rendre plus sensible à ces substances si celles-ci sont injectées de nouveau, même à dose minime, plusieurs jours après. L'organisme qui réagit alors est dit « en état d'anaphylaxie ». Cette découverte, fondamentale pour la médecine, car elle ouvrait la voie aux explications sur le phénomène très complexe de l'allergie, a été couronnée par le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1902.

D'autres chercheurs ont révélé tout l'intérêt des études sur ce groupe zoologique. Car, s'il ne possède pas d'organes hautement différenciés, il apporte beaucoup de réponses sur le fonctionnement du corps. Les recherches sur les organes des sens sont particulièrement intéressantes. Les analyses faites sur les ocelles, cellules de la vue, renseignent sur le passage des stimuli nerveux. Et les statocystes, organes sensoriels informant la méduse de sa position par rapport au champ de gravitation, ont fourni de précieuses indications sur les problèmes d'équilibre en apesanteur, si nécessaires aux voyageurs de l'espace. D'ailleurs, 2 478 méduses ont fait partie du vol spatial de la navette Columbia lancée en juin 1991.

5.5. Les méduses des côtes australiennes

Au début du xixe siècle, l'Empire napoléonien continue la politique des grands voyages d'exploration du siècle précédent. L'expédition Baudin, qui part en 1800 de France, est organisée pour explorer les côtes d'Australie, continent encore mal connu à l'époque.

Deux naturalistes français, Charles Alexandre Lesueur et François Péron, sont membres de l'expédition et se lient d'amitié. Entre 1800 et 1804, date de retour de l'expédition, ils récoltent, à eux deux, plus de 100 000 échantillons, dont 2 500 espèces animales nouvelles, qui, à leur retour, viennent enrichir les collections du Muséum d'histoire naturelle de Paris.

Charles Alexandre Lesueur est également dessinateur et réalise sur place des croquis et dessins de tous ces animaux. Ses représentations de méduses, conservées au musée du Havre, sont d'une remarquable précision et d'une grande beauté. Certaines de ses planches ont illustré quelques grands ouvrages de zoologie tels le Règne animal de Georges Cuvier et l'Histoire des animaux sans vertèbres de Jean-Baptiste Lamarck. Elles peuvent être considérées comme les premières véritables illustrations modernes des méduses.

5.6. Une méduse des eaux polluées

L'aurélie, Aurelia aurita, est une méduse des eaux polluées, qui vit aisément dans les ports et les eaux salées où la température est plus élevée. Elle apprécie également la proximité des centrales thermiques en mer du Nord, par exemple, qui rejettent des eaux à température constante, entre 16 et 20 °C.

Ces conditions de température stable trompent les polypes qui ne reconnaissent plus les saisons et n'ont donc plus de repos hivernal. Ils émettent alors constamment des éphyrules, d'où des concentrations de méduses au niveau des circuits de refroidissement. Elles y sont si nombreuses qu'elles colmatent ces circuits. Mais ce banal incident pourrait bien se transformer au fil des années en désastre, car il se produit justement dans des aires de nurseries des jeunes harengs. C'est donc tout l'équilibre biologique de ces régions qui est menacé. Heureusement, l'aurélie ne se nourrit de jeunes poissons qu'au stade d'éphyrule, car, au-delà de 50 mm de diamètre, elle change de régime alimentaire et se nourrit en partie de phytoplancton.

5.7. La méduse dans le langage commun

La méduse hante depuis longtemps l'imaginaire des hommes, mais elle a également imprégné la mémoire populaire. Pourtant il y a peu d'expressions imagées qui font référence à l'animal et à la légende, si ce n'est « être médusé » ou « être pétrifié », formules qui expriment la stupeur, la terreur, l'émotion.

Mais les méduses vont bien au-delà de cette simple représentation. En reprenant ce nom de méduse, Linné lui-même ne voyait que l'aspect extérieur de la mortelle Gorgone aux cheveux de serpents et au regard pétrifiant, et l'aspect urticant de l'animal aux nombreux tentacules.

Dans la mythologie grecque, du sang qui s'écoule lorsque Persée tranche la tête de Méduse naissent Pégase, le cheval ailé, et le guerrier Chrysaor. Persée offre la tête de Méduse à Athéna, qui en orne son bouclier. Est-ce pour perpétuer ce côté protecteur du mythe que l'on retrouve des représentations de Méduse sur les armures de la Renaissance, sur les ponts de Saint-Pétersbourg comme à l'entrée des portes cochères ?

La Méduse de la mythologie a inspiré les peintres et les sculpteurs. Outre les nombreuses représentations antiques, on la retrouve sur le grand camée de France, sur de nombreux tableaux de la Renaissance, et, plus récemment, sur un plat de Modigliani ou dans une œuvre de Dali, où elle orne le front de sa femme Gala.

Les méduses, elles, ont moins fasciné les écrivains et les artistes. Elles figurent toutefois dans le roman Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne (1870). Elles ont eu l'honneur d'un film, l'Année des méduses (de Christopher Frank, 1984), dont la dernière séquence illustre dramatiquement le phénomène d'anaphylaxie.

La crainte du contact des tentacules les fait redouter. Pourtant elles sont recherchées en Chine pour la délicatesse de leur parfum dans la cuisine et pendant des siècles elles ont servi d'engrais.