lièvre

Lièvre
Lièvre

Originaire des grandes steppes asiatiques, le lièvre a les mêmes ancêtres que le lapin. Plus grand que ce dernier, cet animal discret préfère les régions tempérées, où il vit à découvert, mais, en changeant de couleur, il a su s'adapter à d'autres climats plus rigoureux.

1. La vie du lièvre

1.1. Sociable uniquement à l'heure des repas

À l'inverse du lapin, le lièvre est un solitaire qui occupe la plus grande partie de ses journées à se reposer. Ses gîtes sont de simples empreintes dans la terre, où il s'aplatit à même le sol entre deux mottes de terre. Ainsi immobile, le lièvre d'Europe est pratiquement invisible. Il ne fuit pour gagner un autre gîte que lorsque le danger est vraiment trop proche. Très fidèle à son territoire, généralement suffisamment vaste pour qu'il n'ait pas à le défendre, il attend la nuit pour entreprendre ses activités.

Il est alors capable de parcourir plusieurs kilomètres pour rejoindre un terrain d'alimentation, ou zone de gagnage, où il retrouve d'autres lièvres. L'animal se doit de participer à ces réunions quotidiennes s'il veut être reconnu et se reproduire la saison venue. Car les lièvres se méfient même de leurs congénères et rejettent tout étranger.

Sur les zones de gagnage, chacun mange sans se soucier des autres, coupant sa nourriture avec les dents, sans jamais s'aider de ses pattes (au contraire de rongeurs comme l'écureuil). Il mastique posément avant d'avaler. Il ne ratisse pas le terrain d'alimentation qu'il s'est choisi, se contentant de prélever ici et là quelques feuilles ou touffes d'herbe.

Végétarien typique, le lièvre est à la fois herbivore, granivore et frugivore. Graminées, pissenlits, trèfles, crucifères, carottes et baies sauvages constituent l'essentiel de son menu pendant l'été. Durant cette saison, le lièvre boit peu, l'humidité contenue dans les végétaux lui suffit.

Dès la fin du repas, chacun repart de son côté, empruntant les mêmes trajets qu'à l'aller et s'arrêtant parfois pour prélever quelques bouchées. Ses passages répétés créent des chemins, ou coulées, très reconnaissables.

Parfois charognard en hiver

En hiver, il se rabat sur les rameaux secs, les graines et les choux, et mange de la neige pour se réhydrater. Il n'hésite pas à ronger les écorces d'arbres pendant les hivers très rigoureux abîmant les jeunes saules, érables, ormes, noisetiers et même les arbres fruitiers.

Lors d'hivers anormalement rudes, les lièvres deviennent parfois charognards. Dans les années 1970, les biologistes français D. et S. Simon en ont vu certains, en Pologne, se rassasier de cadavres de vaches, et le chercheur américain Brooks a observé, en Virginie, deux lièvres se nourrissant de cadavres de cervidés.

La cæcotrophie

La cæcotrophie



Les lièvres, et tous les lagomorphes, profitent pleinement de la nourriture qu'ils absorbent deux fois. C'est ce que l'on appelle la cæcotrophie. Après une première digestion, ils excrètent des petites boulettes rondes et molles recouvertes d'une couche de mucus. Produites pendant la journée, celles-ci se composent d'aliments partiellement digérés qui se sont enrichis en azote protéique et en vitamines B durant cette première digestion. Dès leur rejet, le lièvre les avale une seconde fois afin d'en assimiler les vitamines B, indispensables à sa survie. Les boulettes rondes qui sont excrétées après cette seconde digestion sont dures.

1.2. La livrée blanche en hiver des lièvres variables

Les lièvres européens, qui sont bruns, muent une fois par an comme les lièvres arctiques, qui, eux, sont toujours blancs car ils vivent dans des régions enneigées presque toute l'année. Seuls quelques lièvres changent de pelage deux fois par an. Ainsi, les lièvres variables d'Amérique du Nord et d'Europe, de bruns plus ou moins roux qu'ils sont en été, deviennent blancs chaque hiver.

La mue automnale débute en octobre, déclenchée par le changement de température, le raccourcissement de la durée des jours et l'accroissement de l'enneigement. Ces facteurs influent sur l'hypothalamus des lièvres. Cette glande neuro-endocrine sécrète alors des hormones circulantes qui provoquent la mue.

Le bout des oreilles et les articulations basses des pattes d'abord, les pieds, les membres, la queue et la partie inférieure de la croupe ensuite, se couvrent de nouveaux poils tout blancs. Puis le ventre, la base des oreilles, les joues, la poitrine, les épaules, les hanches et le reste de la tête, qui étaient encore brun-roux, deviennent aussi blancs. Seul le bout des oreilles reste noir. En décembre, entre 70 et 90 jours après le début de la mue, les lièvres variables ont leur livrée hivernale, d'un blanc pur, et ressemblent à des flocons de neige.

Une protection contre le froid

Les poils formant le sous-poil, ou duvet, changent aussi et deviennent tricolores : l'extrémité supérieure est blanche, le milieu est brun-roux et le dernier tiers inférieur gris plus ou moins foncé.

Ce phénomène d'homochromie aide le lièvre à survivre en hiver, lui permettant d'échapper à ses prédateurs. Les animaux surpris, avant d'avoir mué, par une neige très précoce, n'ont pour seul recours que de se cacher. Ce pelage immaculé permet aussi au lièvre de conserver sa température interne, car le blanc réfléchit la chaleur du corps et empêche sa dispersion à l'extérieur.

Au printemps, lorsque la neige fond, les animaux retrouvent leur pelage estival. La mue printanière a lieu de mars à mai et dure de 50 à 70 jours. Elle correspond à la perte progressive de tous les grands poils de garde et des extrémités blanches des poils formant le duvet. Pendant l'été, le pelage de couverture est trois fois moins fourni et le sous-poil deux fois moins épais.

Les lièvres, revêtus de leur pelage d'été, sont brun-roux avec le bout du nez brun foncé à noir, et le tour des narines blanc. Le menton et la partie supérieure de la queue restent blancs, mais le dessous de celle-ci et le ventre prennent une couleur plus où moins grise.

1.3. Des amours à coups de griffe

En Europe, entre janvier et septembre, mais surtout au printemps et à l'automne, règne une intense activité parmi les lièvres. Ils se réunissent alors, de jour comme de nuit, pour des poursuites effrénées en terrains découverts. Bouquins (mâles) et hases (femelles) se poursuivent en rondes infernales et font des sauts endiablés. Il semble que ce soient les changements de luminosité qui annoncent le printemps aux lièvres. Cela active la sécrétion de certaines glandes hormonales du cerveau, qui agissent à leur tour sur les organes génitaux des femelles et des mâles.

Durant cette période de rut, dite « bouquinage », les mâles sont très agressifs entre eux, et parfois même avant que les femelles ne soient fécondables. Souvent en surnombre, ils s'affrontent lorsqu'ils tentent d'attraper la même hase. En présence de la femelle, qui regarde tranquillement, les mâles échangent coups de patte et morsures, s'arrachant mutuellement des touffes de poils. Les combats se terminent souvent par des oreilles fendues, des estafilades, des queues arrachées.

Le vainqueur courtise la femelle selon un rituel complexe et toujours identique, mais indispensable pour que celle-ci ovule. Au petit matin, au centre d'un petit groupe attentif de 9 à 14 bouquins, une hase tapie à terre et un bouquin dominant, qui a conquis cette place après bien des bagarres nocturnes, se font face. Autour d'eux, les autres mâles attendent sans bouger ou font semblant de manger. Le bouquin s'approche de temps en temps de la femelle et, du nez, lui renifle le museau. Ils échangent ainsi leurs odeurs. Puis le mâle se dresse sur ses pattes de derrière et se met à « pédaler » avec celles de devant. La femelle se dresse alors à son tour et l'imite, manifestant ainsi, elle aussi, son excitation. Mais aucun des animaux ne se touche. Si son partenaire vient se placer derrière elle, la hase réagit violemment et lui lance des coups de patte.

Si l'un des bouquins présents prétend participer lui aussi au rituel, c'est immédiatement la débandade parmi les autres bouquins, qui s'approchent aussi. Coups de patte ou de griffe, grognements, courses folles, sauts vertigineux se succèdent jusqu'à ce que tous soient épuisés. Pendant ces combats, la femelle fait la morte. Puis, lorsqu'elle juge le moment propice, elle s'enfuit entraînant tous les mâles derrière elle. Très rusée, elle parvient à les semer tous, sauf un. Celui-ci, tout excité, la gifle, et la lutte éclate entre les deux partenaires. Tant qu'elle n'est pas prête, la hase maintient son partenaire à distance. Se retournant, elle lui lance une volée de coups de pattes. C'est elle seule qui décide du moment de l'accouplement, qui ne dure pas plus de 30 secondes.

1.4. Des levrauts déjà seuls à quatre jours

Dès la fin de la saison des amours, les animaux se dispersent et les couples éphémères se dissocient, chacun regagnant son territoire. Après 6 semaines de gestation, la femelle donnera naissance à 3, 4 ou 5 jeunes, à même le sol, dans un gîte à ciel ouvert. Une femelle primipare n'aura que un ou deux levrauts lors de sa première portée. Les nouveau-nés sont d'adorables boules de poils grises, ne pesant pas plus de 150 g. Ils naissent les yeux grands ouverts et sont capables de se déplacer immédiatement. Comme tous les mammifères, les jeunes lièvres sont, en effet, dépourvus d'odeur à la naissance, ce qui rend difficile leur découverte par les renards et autres carnivores. Aussi, dès la fin de la mise-bas, la mère s'éloigne du gîte, évitant ainsi de leur transmettre sa propre odeur et de révéler leur présence aux prédateurs.

Une fois par jour, en général au coucher du soleil, elle revient les allaiter. La séance ne dure souvent pas plus de 5 à 10 minutes, à la fin desquelles la mère disparaît de nouveau. Les jeunes levrauts restent ensemble pendant les deux ou trois premiers jours, puis ils se séparent et chacun se cache dans des herbes ou dans un buisson. Si l'un d'eux est découvert par un renard, les autres ont ainsi une chance de survivre. Ils reviennent toutefois tous les soirs sur le lieu de leur naissance pour la tétée.

Dès l'âge d'une semaine, les petits lièvres européens sont capables de manger un peu d'herbe et de jeunes plantes. Au bout d'un mois, quand ils sont complètement sevrés, la mère les abandonne définitivement.

La croissance des jeunes levrauts est très rapide. À 1 mois et demi, ils sont plus de dix fois plus lourds qu'à leur naissance et pèsent environ 1 800 g. Durant le mois suivant, ils prennent encore 800 g et pèsent 2 600 g vers 2 mois et demi. Puis leur croissance se ralentit. Vers l'âge de 9 mois, dans les régions tempérées, ils atteignent leur poids adulte de 4 kg environ.

Loin d'être aussi prolifique qu'une lapine, une hase sexuellement mature, c'est-à-dire âgée de plus de 6 mois, a en moyenne 10 petits par an. Plus l'animal habite vers le nord, plus la saison de reproduction est courte. Le nombre de portées est alors moindre, mais celui des naissances est plus important à chaque gestation. Ainsi, dans le nord de l'Europe (Irlande, Grande-Bretagne et ex-U.R.S.S.), les lièvres ont 1 ou 2 portées de 4 à 5 jeunes par an, tandis que les lièvres européens du bassin méditerranéen peuvent avoir jusqu'à 4 portées par an, mais donnent rarement naissance à plus de 3 jeunes chaque fois. La prolificité est accrue par la superfœtation. L'augmentation des populations de lièvres est, cependant, faible, voire nulle, la mortalité juvénile atteignant plus de 70 %, lorsque les conditions climatiques sont mauvaises (pluies trop importantes où hiver trop précoce).

La superfœtation

La superfœtation



Dans les régions tempérées, les lièvres européens peuvent avoir jusqu'à 4 portées par an durant les deux périodes de reproduction, grâce à la superfœtation. Alors même que la femelle est en fin de gestation, elle peut être saillie de nouveau quatre jours avant la naissance de la première portée. Entre le 36e et le 40e jour après la première saillie, elle porte de 3 à 7 petits répartis entre ses deux « utérus ». Dans l'un, les levrauts sont prêts à naître ; dans l'autre, d'autres petits commencent à se développer et naîtront quelque 5 semaines plus tard.

1.5. Milieu naturel et écologie

Le lièvre européen est présent dans pratiquement toute l'Europe, où il s'est adapté à de nombreux habitats. Originaire des steppes centrales, il préfère les milieux découverts, sous des climats tempérés : prairies, bocages, zones cultivées, vallons, lisières de forêt et parfois même clairières des bois de feuillus. Il n'hésite pas à s'aventurer aussi en montagne, jusqu'à 2 000 m d'altitude, cohabitant ainsi avec le lièvre variable d'Europe (Lepus timidus), dont la répartition s'étend encore plus au nord. Il évite toutefois les forêts de résineux, trop froides et trop humides. Selon diverses études menées par Denis Pépin, chercheur au laboratoire de la faune sauvage de l'I.N.RA., et spécialiste du lièvre européen, les types de milieux occupés par celui-ci seraient fonction de plusieurs facteurs, dont le climat, la pression de chasse, le type de culture et l'hétérogénéité des terrains disponibles. Ces préférences vont aux terrains perméables où la végétation annuelle pousse bien. Amateur de plantes sauvages et de diversité, le lièvre survit mal dans des zones intensément cultivées, où il ne peut rien trouver à manger après les récoltes et pendant les mois d'hiver. Il préfère les zones agricoles dans lesquelles les parcelles sont morcelées.

Le lièvre européen, comme la plupart des lièvres, est un animal territorial et particulièrement casanier ! Ainsi, une femelle capturée en janvier 1958 aux environs de Poznan (Pologne) et relâchée à Manowo, dans le nord du pays (soit à 229 km à vol d'oiseau de son lieu d'origine), traversa routes et rivières et fut de retour deux ans plus tard sur son territoire. Cet exemple explique l'échec de nombreuses tentatives d'introduction d'animaux dans des zones pourtant propices à leur survie. Les animaux, privés de leurs repères odorants ou visuels, ne se sont pas adaptés. En hiver, le lièvre se rapproche de la lisière des forêts et parcourt un domaine plus vaste, qui ne dépasse toutefois pas 300 hectares. Il se déplace dans des chemins de coulée bien visibles, qu'il entretient en coupant les plantes au ras du sol. Les limites de son territoire sont marquées à l'aide de balises olfactives. Il se frotte le menton sur des branches basses, y déposant ainsi une substance produite par une glande exocrine localisée sous celui-ci. Lorsqu'il s'assied, ce sont les sécrétions de ces glandes anales qui marquent son passage. Toutes ces odeurs font que le lièvre se sent chez lui, même s'il partage son territoire avec d'autres membres de son espèce. Dans les milieux très favorables à l'espèce, comme les zones agricoles de polycultures en mosaïque avec haies et bosquets, la densité en lièvres peut atteindre 30 animaux pour 100 hectares, alors qu'elle ne serait que de 1 à 10 lièvres pour la même superficie dans des zones d'élevage intensif de bovins (herbages) ou en forêt.

Trop rusé pour les prédateurs

Les prédateurs habituels du lièvre sont les loups, les lynx, les renards, les mustelidés et les rapaces. En fait, seuls les deux premiers étaient capables de s'attaquer à des lièvres européens adultes en pleine forme et de les rattraper à la course. Mais ils ont quasiment disparu. Quant au renard, il se régalerait volontiers de lièvres, mais ne peut les attraper. Si le prédateur approche à moins de 3 m, le lièvre détale à plus de 60 km/h en ligne droite. Ses virages à angle droit, qu'aucun autre animal ne peut couper aussi court, lui donnent un peu d'avance. Il ne sort pas de son territoire, dont il connaît les moindres recoins, et cela lui sauve la vie. Capable de revenir sur ses pas pour brouiller les odeurs ou les pistes, il n'hésite pas non plus à se jeter à l'eau. Les levrauts, en revanche, ont pour seule défense de se fondre dans leur environnement. S'ils prennent la fuite, c'est la mort assurée, n'ayant ni la rapidité ni la ruse de leurs parents.

Très sensible aux maladies

L'impact exact des maladies est difficile à quantifier, mais celles-ci comptent sans doute pour plus de 50 % dans le taux de mortalité naturelle, notamment en cas de conditions climatiques défavorables, qui rendent les animaux plus sensibles. La tularémie et la pasteurellose sont deux maladies bactériennes fréquentes qui touchent les animaux jeunes et ceux affaiblis par un hiver trop long ou trop rigoureux.

D'apparition récente et sans doute venue de Chine, via le commerce de lapins qu'on a relâchés dans des zones à lièvres, la maladie hémorragique virale, ou hépatite, a pris la forme d'une véritable épidémie durant le début de l'hiver 1990. Elle est transmissible des lapins aux lièvres et met une fois de plus en cause les introductions d'animaux exotiques sans contrôle sanitaire sérieux à l'importation. La myxomatose, qui peut anéantir les populations de lapins en quelques mois, est sans effet sur celles de lièvres. D'autres maladies de type parasitaire, comme la coccidiose intestinale, peuvent aussi créer de graves problèmes parmi les lièvres.

2. Zoom sur... le lièvre d'Europe

2.1. Lièvre d'Europe (Lepus europaeus)

Le lièvre d'Europe, encore appelé « lièvre commun » ou « lièvre brun », est un petit animal au corps élancé, dont les pattes et les oreilles sont démesurément longues. Sa taille et son poids dépendent de la région où il vit. Dans le bassin méditerranéen, il ne pèse guère plus de 3 kg à l'âge adulte, alors que certains lièvres hongrois atteignent 6 kg. Mais, en moyenne, il mesure de 50 à 70 cm de long et pèse de 3 à 5 kg.

Les lièvres sont des lagomorphes (du grec lagôs, « lièvre » et morphê, « forme » : « en forme de lièvre ») et non pas des rongeurs, avec lesquels ils sont encore souvent confondus. Au contraire de ces derniers, qui ne possèdent qu'une seule paire d'incisives à la mâchoire supérieure, les lièvres ont deux paires d'incisives, la seconde étant entièrement cachée par la première, plus importante.

Parfois surnommé le « rouquin », le lièvre européen est couvert d'une fourrure épaisse et douce au toucher, d'un beau brun fauve, plus clair sur les parties ventrales. Le bout des oreilles et le dessus de la queue sont noirs. Plus clair l'été, il devient plus roux l'hiver. Le pelage s'assombrit en vieillissant. Plus le climat est chaud et la végétation éparse, plus l'animal est clair. En lisière de forêt, de nombreux poils noirs viennent teinter sa robe. Il est difficile de discerner un lièvre tapi à terre ; sûr de son camouflage, il ne bougera que lorsque le danger sera proche.

Lorsqu'il marche ou qu'il saute, le lièvre européen s'appuie sur toute la longueur de ses très longs pieds. Lors de courses rapides, il ne prend appui que sur les coussinets du bout de ses pieds.

Habitant des zones de végétation rase, comme les prairies, où les refuges sont rares, il est l'un des lièvres les mieux adaptés à la course. Il peut atteindre des vitesses de pointe de 70 km/h et s'y maintenir pendant 15 minutes. Lorsqu'il est contraint de fuir, tout son métabolisme s'accélère. L'accélération des battements de son cœur, ou tachycardie, accroît l'irrigation sanguine des muscles et assure leur bon fonctionnement. Mais, d'ordinaire, le lièvre se déplace par bonds, détendant ses pattes arrière, puis se recevant sur les pattes avant. Ses postérieurs sont particulièrement musclés et longs, ce qui lui permet de faire des bonds de 2 m, aussi bien en hauteur qu'en longueur.

Le système reproducteur des lièvres est particulier. Le bouquinage, ou période de reproduction, a lieu deux fois par an, au printemps et à l'automne. Les testicules des mâles descendent et deviennent visibles, en avant du pénis, au moment de la reproduction. En hiver, en revanche, ils sont intra-abdominaux (dans un repli situé à l'intérieur du ventre) et il est alors très difficile de distinguer un mâle d'une femelle.

À l'aube, après une nuit de promenade alimentaire, le lièvre regagne son gîte. Il y passe ses journées à se reposer, à redigérer et à faire sa toilette, se frottant les joues, les oreilles, puis tout le corps avec ses pattes. De cette façon, il enduit son pelage de la sécrétion odorante de glandes qui se trouvent à la commissure de ses lèvres. Cette odeur est spécifique à chaque lièvre.

          

LIÈVRE D'EUROPE

Nom (genre, espèce:

Lepus europaeus

Classe :

Mammifères

Ordre :

Lagomorphes

Famille :

Léporidés

Identification :

Silhouette longiligne ; longues oreilles ; pelage brun-roux mêlé de blanc et de noir sur le dos ; ventre plus clair

Taille :

De 50 à 73 cm ; queue de 7 à 11 cm

Poids :

De 3 à 6 kg ; plus gros dans le Nord et l'Est

Répartition :

Asie, Europe, en deçà du 60e degré de latitude nord

Habitat :

Terrains découverts ; parfois bois de feuillus

Régime alimentaire :

Végétarien

Structure sociale :

Solitaire, territorial

Maturité sexuelle :

Femelles : 6 mois ; Mâles : de 9 à 12 mois

Saison de reproduction :

De janvier à septembre

Durée de gestation :

42 jours

Nombre de jeunes par portée :

De 3 à 5 (moyenne) ; de 2 à 4 portées par an

Poids à la naissance :

110 g en moyenne (de 90 à 150 g)

Longévité :

4-5 ans

Effectifs :

Grandes variations en fonction des années

Statut :

Classé comme gibier ; sa chasse est légale en France, mais réglementée

 

2.2. Signes particuliers

Bout du nez

Le sillon en forme de Y qui encadre les deux narines et qui descend jusqu'à la lèvre supérieure du lièvre est caractéristique des léporidés. On lui doit l'expression « bec de lièvre ». À l'entrée de chaque narine, un petit « bourgeon » sensitif est caché sous un pli de peau. C'est en fait pour sentir que le lièvre bouge si souvent le bout du nez. Enfin de longues vibrisses, mesurant environ 10 cm, encadrent le bout du museau. Elles servent d'organes tactiles et l'aident à se déplacer la nuit.

Oreilles

Extrêmement mobiles, les oreilles du lièvre européen ont des pavillons assez grands qui mesurent entre 11 et 13 cm de long. Une petite tache de poils noirs marque leur extrémité. Aux aguets, l'animal les dresse et les oriente indépendamment l'une de l'autre pour localiser les bruits. Il peut les faire pivoter de 190° vers l'extérieur. Lorsqu'il est gîté, il les rabat sur son dos. L'ouïe est un des sens les plus aiguisés du lièvre, mais ses oreilles ont aussi un rôle dans la thermorégulation.

Yeux et vision

Les yeux du lièvre, placés très latéralement, lui donnent un très grand champ de vision. Il n'a que deux angles morts : juste devant et juste derrière lui. Mais son champ de vision binoculaire est réduit. Il perçoit surtout les objets en mouvement, car sa vue, surtout crépusculaire, n'est pas très bonne. Il est impossible de surprendre, dans la nature, un lièvre dans son sommeil. Il a les yeux ouverts, car ses oreilles l'ont déjà alerté d'une présence étrangère, mais il reste immobile.

3. Les autres espèces de lièvres

Les lagomorphes regroupent les léporidés (lièvres et lapins) et les ochotonidés (pikas). Longtemps rapprochés des rongeurs, ils en sont maintenant séparés, n'ayant pas plus d'affinités évolutives avec eux qu'avec d'autres ordres de mammifères. Les léporidés comprennent 11 genres et 61 espèces, dont 32 du genre Lepus et 3 du genre Pronolagus.

Les lièvres vrais font tous partie du genre Lepus. Naturellement, ils peuplent quatre continents : Amérique, Afrique, Asie et Europe. Ceux d'Australie et de Nouvelle-Zélande ont tous été introduits par l'homme. Les lièvres sont très souvent confondus avec les lapins qui forment un ensemble moins homogène. Ces deux types de lagomorphes ont des caractéristiques bien différentes. Tous les lièvres sont des herbivores coureurs, de taille moyenne ou petite, adaptés aux espaces dégagés, du désert arctique au désert tropical. On les rencontre également dans les steppes et prairies tempérées ainsi que dans les savanes chaudes. Ils n'évitent que les grandes forêts tropicales et équatoriales. Cela explique qu'ils soient absents d'Amérique du Sud, car ils n'ont pu traverser les forêts d'Amérique centrale. Tous les Lepus se ressemblent beaucoup morphologiquement et biologiquement. Ils diffèrent surtout par les régions géographiques où ils vivent et par les milieux qu'ils occupent et auxquels ils se sont adaptés.

Mais, même au sein de ces milieux, les frontières sont parfois fluctuantes et certaines espèces ont des populations capables de s'adapter à plusieurs d'entre eux.

On distingue ainsi les lièvres des zones froides, ceux des pays tempérés (dont fait partie le lièvre européen), ceux des déserts, qui sont les moins nombreux, et ceux des zones tropicales. Cependant, certaines espèces, géographiquement proches mais aussi très éloignées, ont été regroupées dans des sous-genres communs comme Lepus eulagos auquel appartiennent à la fois le lièvre européen, le lièvre de Mandchourie (Lepus mandshuricus), le lièvre de Corée (Lepus coreanus), le lièvre du Yunnan  (Lepus comus), le lièvre de Cantabrie (Lepus castroviejoi), et Lepus starcki, une espèce restreinte aux hauts plateaux éthiopiens.

3.1. Les lièvres des pays tempérés

À côté du lièvre européen, d'autres espèces de lièvres se rencontrent dans les zones tempérées d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie. Toutes sont typiquement adaptées aux paysages primitifs de steppes et de prairies. Si les grands déboisements de ces derniers siècles ont pu leur être favorables dans un premier temps, aujourd'hui l'intensification de l'agriculture et le surpâturage par le bétail domestique deviennent de sérieux handicaps.

Le lièvre de Townsend (Lepus townsendii), dans les plaines d'Amérique du Nord, et le lièvre de Californie (Lepus californicus) dans l'ouest des États-Unis, sont célèbres sous le nom de « Jack-Rabbits », de « lapins-Jack », mais aussi de « Bugs Bunny » ! Leur premier surnom vient du sobriquet de « Jacasse » autrefois donné aux mulets, eux aussi munis de longues oreilles, en Amérique du Nord.

Les espèces asiatiques sont assez mal connues. Ce sont le lièvre de Chine (Lepus sinensis), qui vit dans l'est de la Chine, le lièvre de Corée (Lepus coreanus, autrefois inclus dans Lepus sinensis), le lièvre de Yarkand (Lepus yarkandensis), dans le bassin du Tarim (Xinjiang), dans l'ouest de la Chine, ou le lièvre du Japon (Lepus brachyurus).

3.2. Les lièvres des zones froides

Certaines espèces semblent être plus particulièrement adaptées à la montagne et aux régions où l'hiver est froid, l'enneigement parfois important, la belle saison courte et les ressources alimentaires limitées. Elles sont en général plus petites que les autres espèces de lièvres et leurs oreilles sont plus courtes.

Deux espèces sont très mal connues : ce sont le lièvre de Mandchourie (Lepus mandshuricus), qui habite le nord-est de la Chine, le sud-est de la Sibérie et la Corée du Nord, et le lièvre du Tibet (Lepus oiostolus), qui vit au Tibet.

D'autres espèces changent de couleur selon les saisons, leur pelage blanchissant lorsque la neige s'installe. Le lièvre variable américain (Lepus americanus), qui vit au nord de l'Amérique du Nord. Son nom commun de lièvre à raquettes s'explique par la présence de longs poils sous les pattes postérieures, qui l'isolent du froid et lui permettent de marcher plus facilement sur la neige. L'hiver il devient blanc. Sa saison de reproduction est adaptée à l'été boréal court. Malgré l'hostilité du milieu cette espèce pullule certaines années, phénomène bien connu des trappeurs canadiens. Cette augmentation de population entraîne celle de ses prédateurs, tout particulièrement le lynx canadien, dont le pic de densité est décalé d'une année par rapport à celui du lièvre. Les archives de la Compagnie de la baie d'Hudson ont plus d'un siècle de données sur ce phénomène cyclique, qui se renouvelle tous les 10 ou 12 ans. L'autre lièvre variable (Lepus timidus) vit en Europe. Il est présent en Irlande, en Écosse, en Scandinavie, au Groenland, dans les pays Baltes, en Ukraine, en Russie,  ainsi que  dans les Alpes. Il a été récemment introduit dans les Pyrénées.

Une autre espèce des zones froides, le plus étonnant sans doute, le lièvre de l'Alaska (Lepus othus) est capable de prospérer le long des rives de l'océan Arctique et du détroit de Béring.

Enfin, le lièvre arctique (Lepus arcticus) est blanc toute l'année. Même son duvet est grisé. Il vit au nord du Canada et au Groenland. L. arcticus, L.othus et L. timidus ont été regroupés dans le sous-genre Lepus (lepus).

3.3. Les lièvres des déserts

Ce sont les plus grands des lièvres. Ils ont les oreilles les plus développées (jusqu'à 20 cm chez le lièvre-antilope américain) et les plus longues pattes. Ils mènent une vie essentiellement nocturne, passant les heures chaudes de la journée à se reposer à l'ombre d'un petit buisson ou d'un rocher. Leur pelage assez clair est à la fois un camouflage et une protection contre la chaleur (il réfléchit les rayons solaires). Ils doivent se contenter de la maigre végétation désertique, consommant autant d'herbes, rares mais nutritives, que de buissons, permanents mais moins nourrissants. Leur survie est liée à celle du désert.

Plusieurs espèces de lièvres sont adaptées aux déserts chauds d'Afrique et d'Amérique : le lièvre du Cap (Lepus capensis), en Afrique, au Moyen-Orient et dans les déserts d'Asie ; le lièvre du Sahel (Lepus crawshayi), présent du Sahel à l'Afrique du Sud, et peu connu ; le lièvre-antilope (Lepus alleni), au sud de l'Arizona et au Mexique ; le lièvre à flancs blancs (Lepus callotis), au sud du Nouveau-Mexique (États-Unis) et au Mexique où il semble assez menacé.

3.4. Les lièvres tropicaux

À la fin de l'ère tertiaire, le grand développement des savanes a favorisé de nombreux herbivores, dont diverses espèces de lièvres. En Afrique, ces animaux représentent une biomasse importante. L'abondance de la nourriture explique leur forte densité et leur grande taille. Adaptés à des milieux plus denses que les autres, ils sont la proie de nombreux prédateurs carnivores, car même les lions peuvent les capturer.

Le lièvre des buissons (Lepus saxatilis) est un assez grand lièvre (il peut peser plus de 4 kg en Afrique du Sud) qui vit dans la savane africaine.

Les autres espèces sont, notamment, lièvre d'Éthiopie (Lepus habessinicus), dans la Corne de l'Afrique ; le lièvre du Malawi (Lepus whytei), en Afrique centrale ; le lièvre du Mexique (Lepus flavigularis), au sud du Mexique ; le lièvre d'Indochine (Lepus peguensis), en Indochine ; le lièvre à cou noir (Lepus nigricollis), espèce indienne qui semble plus adaptable que d'autres et fut introduite anciennement sur l'île de Java et dans l'océan Indien, à l'île Maurice et à La Réunion, où elle vit encore aujourd'hui. L. peguensis, L. nigricollis et L. hainanus sont rassemblées dans le sous-genre Indolagus, alors que L. fagani et L. microtis, deux espèces de la savane africaine, sont apparentées sous le nom de Lepus sabanalagus.

4. Origine et évolution du lièvre

Parce que les lièvres ont des incisives qui croissent durant toute leur vie et qu'ils rongent l'écorce des arbres, les scientifiques les ont longtemps classés parmi les rongeurs. Mais les études paléontologiques ont établi que les lièvres et autres espèces « en forme de lièvre », ou lagomorphes, n'avaient pas d'ancêtres communs avec les vrais rongeurs. Ces éléments et quelques autres conduisirent les chercheurs à adopter, en 1912, la proposition du naturaliste Gildey de regrouper les lagomorphes dans un ordre à part, puisqu'ils auraient évolué différemment.

Au paléocène vivait Eurymylus, une espèce appartenant à l'ordre des anagalidés, aujourd'hui éteint ; ce n'était pas véritablement un lièvre, mais, parmi les fossiles de cette époque, c'est celui qui s'en approche le plus. Les premiers lièvres, ou lagomorphes, auraient été asiatiques et remonteraient à la fin de l'éocène, il y a environ 45 millions d'années.

Très vite, on retrouve leur trace en Amérique du Nord : ce sont les palaeolagidés à l'oligocène, puis les archaeologidés au début du miocène, qui passent en Eurasie au cours du pliocène, et, enfin, les léporidés, ancêtres des lièvres actuels.

Alilepus, le plus ancien léporidé connu, habitait l'Asie et l'Europe à la fin du miocène.

Les léporidés auraient peu évolué au cours du tertiaire. En revanche, au quaternaire, ils colonisent de vastes zones, et de nombreuses espèces apparaissent.

Les léporidés actuels des genres Pentalagus et Pronolagus ont conservé des caractéristiques dentaires similaires à celles de leurs ancêtres du pliocène. De même, le genre Romerolagus, toujours présent au Mexique, a des points communs avec les animaux de la fin du pliocène. Les autres genres, d'apparition récente, rassemblent lièvres pour la plupart du genre Lepuset lapins, dont les lapins américain (Sylvilagus) et européen (Oryctolagus).

Les lièvres, plus grands que les lapins, préfèrent les régions tempérées, mais ils ont su modifier leurs comportements et jusqu'à leur apparence, pour mieux s'adapter aux climats rigoureux des régions polaires – comme les lièvres variables – ou des déserts chauds – comme le lièvre de Californie. Toute l'Europe tempérée, mais aussi la Russie centrale et toute la partie orientale du bassin méditerranéen connaissent le lièvre européen (Lepus europaeus), aux longues oreilles. Son pelage brun fauve teinté de poils noirs et blancs lui a valu en France le surnom de « capucin ».

5. Le lièvre et l'homme

Le lièvre est avant tout un gibier pour l'homme, qui le chasse depuis la nuit des temps. Empoisonné par les pesticides ou écrasé par les moissonneuses-batteuses, il est aujourd'hui menacé par l'agriculture intensive. Les lâchers de lièvres ne sont cependant pas une solution d'avenir, car ces animaux s'adaptent mal à cette semi-liberté.

5.1. Héros de légende devenu star de cinéma

Très lié à la vie quotidienne de nombreux peuples, le lièvre est le héros de quantité de mythes. Les Indiens Algonquins d'Amérique évoquent encore aujourd'hui, les exploits du grand lièvre blanc Nanabhozo, héros civilisateur, qui tua puis ressuscita son jeune frère lièvre, avant de fonder une société destinée à restaurer la santé des malades et à écarter les maladies futures de toute la tribu.

Le lièvre est aussi à l'origine de croyances fantaisistes. Ainsi, dans la région du Poitou, il n'y a pas encore si longtemps, les hommes albinos étaient appelés « hommes-lièvres » et avaient la réputation d'être un peu sorciers ; et pour conjurer le mauvais sort on jetait un caillou aux trousses d'un lièvre qui traversait la route devant soi. Le poil d'un lièvre, réduit en cendres, guérissait de tous les maux. De nombreuses expressions populaires font allusion à la méfiance et à l'agilité de l'animal : « Courir deux lièvres à la fois », « Poltron comme un lièvre », « Avoir un sommeil de lièvre ».

De nombreux écrivains ont perpétué les mérites de l'animal, à toutes les époques. Ésope, dans la Grèce antique, et, plus tard, La Fontaine se sont inspirés du lièvre dans leurs fables, dont la plus connue est le Lièvre et la Tortue. Plus récemment, l'écrivain anglais Lewis Carroll décrit une réception démentielle entre le lièvre de Mars et le chapelier, imaginant une des situations les plus cocasses d'Alice au pays des merveilles. Au milieu du xxe siècle, le lièvre est devenu une vedette américaine mondialement connue, grâce à Tex Avery, qui a donné à Bugs Bunny la ruse des léporidés. Roger Rabbit est le dernier-né des lièvres (ou lapins) stars de cinéma.

5.2. Pourchassé depuis la nuit des temps

De tout temps, le lièvre a servi de gibier. Les hommes préhistoriques chassaient déjà les lièvres qui peuplaient alors toutes les steppes d'Europe, comme en témoignent les restes osseux de lièvres retrouvés dans la grotte de Birsmatten (près de Nenzlingen, en Suisse), qui fut habitée par les chasseurs de la période postglaciaire, entre 7000 et 4000 avant J.-C. Puis, les steppes furent envahies par les forêts, et le lièvre devint une proie beaucoup plus rare, donc moins importante. Il réapparut en grand nombre quand, pour cultiver la terre, les hommes se mirent à défricher les grandes forêts qui couvraient l'Europe. Le changement de paysage et l'augmentation des grandes étendues découvertes entraînèrent la prolifération d'une espèce originaire des steppes. En Hongrie, par exemple, les effectifs des populations de lièvres européens se sont multipliés par 100 entre le Moyen Âge et les années 1950.

Aujourd'hui, les peuples du Nord sont encore dépendants des lièvres arctiques qu'ils chassent pour se nourrir ; et de nombreuses tribus indiennes font du lièvre un de leurs mets de choix. La fourrure du lièvre, moins prisée que celle du lapin, est rarement utilisée, sauf par les trappeurs et les populations locales du Grand Nord. Sa peau est encore utilisée dans la confection des gants et ses poils servent à faire des feutres.

5.3. Isolé par le remembrement

Comme la plupart des animaux sauvages, le lièvre est victime de la civilisation. En 1945, les paysages étaient encore diversifiés. De petites parcelles cultivées entourées de haies et de buissons et la présence de champs en friche offraient aux animaux de nombreux abris et zones de gagnage. Aujourd'hui, des routes morcellent tous ces territoires et les bas-côtés, trop bien entretenus, n'offrent plus grand-chose à manger. Un tel découpage isole les lièvres les uns des autres, car ceux-ci répugnent à franchir des routes goudronnées, au risque de leur vie. Cet isolement forcé empêche les animaux de se rencontrer, notamment au moment de la reproduction, conséquences difficiles à chiffrer.

5.4. Une ennemie implacable et redoutable, l'agriculture

L'intensification de l'agriculture et le passage à la monoculture sont néfastes pour les populations de lièvres habitant ces zones agricoles. Naturellement sédentaires et casaniers, les animaux restent sur leur territoire. Privés d'une alimentation variée du fait du défrichement, ils sont contraints de se nourrir de plantes cultivées. Malheureusement, le lièvre est un animal dont la physiologie digestive est adaptée à un régime pauvre en azote, mais diversifié. Et les cultures actuelles, souvent les mêmes sur de grandes étendues, sont beaucoup trop riches en azote, ce qui engendre des problèmes rénaux et digestifs. De plus, dans ces zones de culture intensive, l'hiver est un enfer pour les lièvres qui ne trouvent plus rien à manger.

L'utilisation des pesticides, toxiques pour tous les animaux, l'est plus particulièrement pour les levrauts qui naissent dans les champs régulièrement aspergés, et qui ingèrent ainsi une grande partie du produit. Sur les adultes, ces composés peuvent entraîner une diminution des défenses de l'organisme et une plus grande sensibilité aux infections. C'est sans doute l'une des explications à l'accroissement de 50 % de la mortalité des lièvres adultes en Pologne dans les années 1980, augmentation qui coïncide en effet avec le début de la grande révolution agricole polonaise.

Une autre cause de forte mortalité chez les levrauts est l'utilisation pour les récoltes des moissonneuses-batteuses, qui écrasent les petits encore trop jeunes pour fuir.

5.5. Les lièvres aujourd'hui dans le monde

Bien que les lièvres, dans leur ensemble, ne semblent pas en voie de disparition, localement certains problèmes de conservation se posent. La population de lièvres à flancs blancs (Lepus callotis) a diminué de moitié au Mexique entre les années 1970 et 1980, et y a été remplacé par le lièvre de Californie (Lepus californicus), qui s'est mieux adapté aux nouvelles pratiques agricoles et aux grandes prairies rases utilisées par les bovins. En raison d'une chasse excessive,  Lepus castroviejoi a été classé dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans son aire de répartition restreinte dans les monts Cantabriques (Espagne) ; le lièvre de Tehuantepec (Lepus flavigularis), une espèce exclusivement nocturne qui n'existe que dans une étroite zone côtière le long du golfe de Tehuantepec (Mexique), est considéré « en danger » en raison de la destruction de son habitat par l'agriculture ; la chasse excessive et le développement agricole ont également réduit fortement la population de lièvres de Hainan qui ne vivent que dans l'île de Hainan, en Chine du Sud.  

5.6. Des réintroductions décevantes

En France, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage est l'organisme chargé de l'étude, de la gestion et de la protection des espèces animales classées « gibiers ». Des réunions départementales annuelles définissent les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse pour les différentes espèces. En 1990, la chasse au lièvre européen avait été autorisée du 23 septembre au 16 décembre. Cette saison, très courte, s'expliquait par la diminution des populations de lièvres depuis quelques années. Au milieu des années 1970, 3 millions de lièvres étaient tués légalement par an. Dix ans plus tard, ce chiffre n'était plus que de 1,5 million. Devant une telle réduction du gibier, les associations de chasseurs réagirent en tentant d'introduire des animaux provenant des pays de l'Est. Tous les ans, au mois de décembre, entre 40 000 et 50 000 lièvres de Tchécoslovaquie et de Hongrie furent relâchés dans les prairies françaises. Des élevages français de lièvres en semi-liberté furent aussi créés dès 1965. Mais la plupart des animaux introduits disparurent naturellement, probablement en raison de leur inadaptation  à un territoire inconnu et au stress dû au transport.