sémantique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec semainein, « marquer d'un signe », « faire savoir ».

Linguistique

Sous-discipline de la linguistique qui étudie la façon dont est déterminée la signification des signes complexes, comme les phrases.

Dans les années 1950 et 1960, la linguistique théorique a délaissé l'étude de la signification pour privilégier, sous l'influence de N. Chomsky, celle de la syntaxe. Il semblait alors difficile d'étudier le sens avec la rigueur mathématique rendue possible, en syntaxe, par la notion de grammaire générative. La logique philosophique a fait des progrès importants pendant cette période. En 1959, S. Kripke montre en effet comment l'analyse du discours modal, à l'aide de la notion de monde possible, permet de prouver la complétude d'un système de logique modal. Carnap et certains de ses élèves – en particulier D. Kaplan – commencent à explorer les logiques intensionnelles, en unifiant logiques modales et logiques temporelles. C'est cependant l'œuvre de R. Montague qui constitue le véritable point de départ de la sémantique contemporaine. Dans l'article fondateur « L'anglais comme langage formel », cet élève de A. Tarski affirme la possibilité de l'application des concepts et des techniques de la théorie des modèles aux langues naturelles : « je rejette, écrit-il, la thèse d'après laquelle il y aurait une différence théorique importante entre les langages formels et les langues naturelles »(1). Il était courant, jusqu'aux travaux de Montague, de traduire de façon informelle les phrases des langues naturelles dans un langage formel – opération que Quine nomme « enrégimentation ». D'autre part, la théorie des modèles permet de définir rigoureusement la notion d'interprétation d'un énoncé formulé dans une langue logique, et propose une théorie rigoureuse des relations inférentielles entre énoncés. Le programme de Montague repose sur l'idée d'après laquelle on peut, si l'on définit de façon parfaitement réglée la procédure de traduction vers une langue logique, éliminer l'étape de traduction, pour assigner directement leur interprétation dans un modèle aux signes de la langue naturelle. De façon plus précise, Montague soutient que, pour tout langage, dont on peut décrire rigoureusement la grammaire, on doit chercher à caractériser de façon mathématiquement précise des opérations de composition sur les significations, correspondant aux opérations de composition syntaxique définies dans la grammaire formelle, et à établir une correspondance entre les opérations effectuées dans les deux domaines, de sorte qu'une unique opération sur les types de significations corresponde à chaque opération syntaxique.

La contribution méthodologique de Montague est d'une importance considérable. Elle montre, en effet, que la grammaire ne doit pas être comprise uniquement comme un ensemble de règles permettant d'engendrer toutes les phrases bien formées d'une langue. Il est nécessaire qu'une grammaire satisfasse, en outre, une contrainte proprement sémantique, la contrainte de compositionnalité : les opérations qu'elle définit sur son domaine de formes syntaxiques doivent permettre de composer les significations associées aux formes atomiques, afin d'engendrer la signification des formes complexes. Le succès de l'approche montagovienne a conduit les sémanticiens à considérer que les phénomènes de signification les plus importants étaient liés aux conditions de vérité des phrases et à leurs relations d'implication logique – phénomènes qui trouvent tous un répondant dans la théorie des modèles. Jusqu'à une date récente, la sémantique a peu étudié la question de la signification des mots, pour se concentrer sur la façon dont les significations atomiques, supposées données, pouvaient être composées. Les théories sémantiques les plus populaires ne peuvent donc pas être considérées comme des théories philosophiques de la signification, mais tout au plus comme des théories de la composition des significations.

Pascal Ludwig

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Montague, R., « English as a Formal Language », (1970), repr. in Montague, 1974, pp. 119-147.
  • Voir aussi : Montague, R., « The Proper Treatment of Quantification in Ordinary English », (1973), repr. in Montague, 1974, pp. 221-242.
  • Montague, R., Formal Philosophy : Selected Papers of Richard Montague, éd. par R. H. Thomasson, Yale University Press, New Haven and London.

→ compositionnalité (principe de), grammaire, signification