respect

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin respectus, « regard en arrière ».

Philosophie Moderne, Morale

Sentiment qui pousse à traiter quelqu'un avec les égards, la considération, la déférence dus à son mérite, sa position sociale, son âge, son sexe, etc. Kant est le premier à donner une dimension philosophique à la notion, qui devient un concept central de sa philosophie morale. C'est le seul sentiment moral et le seul sentiment d'origine rationnelle. Le respect est respect pour la loi morale.

Dans la langue du xviiie s., le respect est comme le définit l'Encyclopédie, « l'aveu de la supériorité de quelqu'un » qui peut aller à son mérite ou à sa situation. En l'introduisant dans sa philosophie morale, Kant garde quelque chose de ce sens courant. Le respect est l'aveu de la supériorité de la loi morale sur nos inclinations, de notre raison sur notre sensibilité. Il marque la double nature de l'homme, rationnel et sensible. Comme rationnel l'homme se donne à lui-même la loi morale et s'y soumet librement ; comme sensible, cette soumission s'impose à lui comme une contrainte, qui prive les désirs de leur influence sur la volonté. Le respect est le sentiment qui résulte de la conscience de cette contrainte, de la subordination inconditionnelle de la volonté à la loi. Il se différencie du « sentiment moral » dont la philosophie morale anglaise (Hutcheson) fait l'origine de la moralité, en ce qu'il n'est pas pathologique mais spontanément produit par un concept de la raison et en ce qu'il n'est pas compris comme cause de la loi morale, mais comme effet de la loi sur le sujet. « L'objet du respect est donc simplement la loi, loi telle que nous nous l'imposons à nous-mêmes, et cependant comme nécessaire en soi. En tant qu'elle est la loi, nous lui sommes soumis, sans consulter l'amour-propre ; en tant que c'est par nous qu'elle nous est imposée, elle est une conséquence de notre volonté ; au premier point de vue, elle a de l'analogie avec la crainte ; au second, avec l'inclination. Tout respect pour une personne n'est proprement que respect pour la loi (loi d'honnêteté, etc.) dont cette personne nous donne l'exemple. »(1)

La notion de respect ainsi construite par Kant étant liée au cœur même de sa philosophie morale et en particulier à l'idée, qui va avec le refus de tout sentimentalisme, selon laquelle la morale doit être fondée dans la raison, il ne faut pas s'étonner si, inversement, tous ceux qui refusent ce qu'ils jugent être un rationalisme excessif et mettent en avant d'autres principes fondateurs critiquent cette notion(2).

Colas Duflo

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Fondement de la métaphysique des moeurs, 1ère section, AK 402, Gallimard, La Pléiade, Paris, t. II, p. 261.
  • 2 ↑ Bergson, H., les Deux sources de la morale et de la religion, chap. I.
  • Voir aussi : Kant, E., Critique de la raison pratique, 1ère partie, chap. III, « Des mobiles de la raison pure ».

→ impératif catégorique, raison pratique