réfutation

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin refutatio.

Philosophie Générale

Action de rejeter un raisonnement, une thèse en démontrant sa fausseté.

Si l'objection ne fait qu'énoncer une difficulté à résoudre, la réfutation, elle, condamne et rejette de manière définitive la thèse critiquée.

Dans sa critique de la sophistique et de l'éristique, Socrate montrera que les sophistes abusent de l'esquive : leur discours ne peut buter sur aucune aporie puisqu'il esquive toutes les difficultés en se déroulant selon une logique apparente. Ainsi le sophiste, tel qu'il est ici présenté par Platon, peut avoir réponse à tout et n'être jamais réfuté. Le dialogue est en revanche le lieu d'exercice de la philosophie, parce qu'il s'agit en écoutant les dialogue « de se soumettre à l'épreuve en le soumettant à l'épreuve »(1). Dans l'enquête que Socrate mène, dans cette recherche spéculative guidée par l'exigence rationnelle de cohérence et de légitimation, la réfutation brise les illusions de celui qui croit savoir. En ce sens elle se distingue des réfutations sophistiques qui ne sont que joutes verbales, jeux de langage et de pouvoir.

Aristote, dans les Réfutations sophistiques, ne cherche pas à réfuter les sophismes, mais à étudier ce mode de raisonnement sophistique qu'est la réfutation. Il s'agit pour lui de proposer contre la réfutation apparente que pratiquent les sophistes une réfutation réelle. À titre d'exemple de réfutation au sens strict, Aristote propose une argumentation contre les négateurs du principe de contradiction : nier le principe de contradiction, c'est déjà prouver sa validité. Mais surtout, pour que la réfutation soit possible, il suffit que l'adversaire dise quelque chose(2). Aucune réfutation ne peut être purement verbale, car réfuter un argument c'est déjà le comprendre(3).

Dans la pensée médiévale(4), on hérite du programme des Topiques ou des Réfutations sophistiques ; la réfutation est intégrée à la disputatio. Ainsi les sophismata sont des exercices de réfutation où l'on peut aborder des questions précises de grammaire, de logique, de philosophie naturelle et débattre de contenus, mais ce peut être aussi des exercices de virtuosité. Descartes de son côté introduit l'objection et la réponse au cœur des Méditations métaphysiques(5).

Dans une perspective plus large, la réfutation est le raisonnement qui cherche à prouver la fausseté d'une proposition. Il constitue donc un moyen pour établir la vérité d'une autre proposition. En ce sens on peut comprendre la démonstration par l'absurde ou l'expérience comme des moyens parfois de réfuter. C'est pourquoi Popper prétend que la science ne procède que par conjectures et réfutations(6). Sont dès lors exclues de la science, les théories irréfutables : « pour les théories, l'irréfutabilité n'est pas (comme on l'imagine souvent) vertu mais défaut »(7).

La réfutation, comme inverse de la démonstration, constitue donc un moment essentiel du raisonnement, philosophique ou scientifique.

Elsa Rimboux

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Dixsaut, M., Le naturel philosophe : essai sur les dialogues de Platon, introduction, Vrin, Paris, 2001, p. 28.
  • 2 ↑ Aristote, Métaphysique, Γ, 1006a12, Vrin, Paris, 1986.
  • 3 ↑ Aubenque, P., Le problème de l'être chez Aristote, PUF, Paris, 1991, pp. 124-130.
  • 4 ↑ Libera, A. de, La philosophie médiévale, PUF, Paris, 1993.
  • 5 ↑ Beyssade, J.-M. et Marion, J.-L., Descartes Objecter et répondre, PUF, Paris, 1994.
  • 6 ↑ Popper, K., Conjectures et réfutations, Payot, Paris, 1985.
  • 7 ↑ Ibid., p. 64.
  • Voir aussi : Aristote, Rhétorique, Gallimard, Paris, 1998.
  • Aristote, Réfutations sophistiques, Vrin, Paris, 1995.
  • Aristote, Topiques, Vrin, Paris, 1974.

→ démonstration, dialogue, raisonnement, rhétorique, sophistique