réception

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin receptio.

Esthétique

En un sens très général, accueil que reçoit une œuvre d'art et la compréhension dont elle fait l'objet dans des conditions données. Terme associé plus spécifiquement aux théories de la réception qui, à la fin des années soixante, sous l'impulsion de H. R. Jauss et W. Iser, se sont détournés des voies traditionnelles de la critique littéraire, centrée sur le texte et sa production, pour privilégier la lecture et en étudier les processus, le rôle et les implications.

L'esthétique de la réception s'inscrit dans un vaste débat sur la critique et l'interprétation des textes qui s'est enrichi des travaux ultérieurs de l'école de Constance et des discussions qui ont dominé la théorie et la critique littéraires au cours des trente dernières années.

Les thèses initialement défendues par Jauss(1) et Iser(2) ont vu le jour dans un contexte qui était alors dominé par le formalisme et la critique marxiste. Dès sa leçon inaugurale prononcée à l'université de Constance en 1967, Jauss s'est donné pour tâche de surmonter les limites des théories formalistes et marxistes sans toutefois perdre de vue les perspectives qu'elles avaient permis de tracer au regard de l'étude des textes et du rôle de l'histoire dans la compréhension que nous en avons. Sous ce dernier rapport, Jauss emprunte à l'herméneutique de Gadamer la notion d'« horizon d'attente » (Erwartungshorizont), définie comme l'ensemble des conditions intersubjectives qui entrent dans la lecture d'un texte et dans son interprétation. C'est la réception des œuvres qui en détermine la signification et l'importance dans l'histoire. Considérée d'un point de vue normatif, à la lumière de la distance entre œuvre et horizon d'attente, elle en détermine la valeur.

Comme le montrent d'autre part les travaux de W. Iser et ceux de K. Stierle(3) qui leur offrent un prolongement original, la réception doit être analysée dans ses aspects constitutifs. Pour Iser, lire est un acte ; le sens d'un texte naît d'une interaction entre le texte et son lecteur. Sous ce dernier aspect, les actes de lecture entrent dans une « expérience » dont la nature s'apparente à ce que J. Dewey(4) s'attachait à décrire dans son livre Art as Experience.

Bien que s'ouvrant sur une philosophie de l'« expérience » esthétique qui déborde le seul cadre de l'expérience vécue, au sens de la phénoménologie, les théories de la réception restent marquées par une inspiration dont l'herméneutique et la phénoménologie constituent les sources majeures.

Jean-Pierre Cometti

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Jauss, H. R., Ästhetische Erfahrung und literarische Hermeneutik, 1982.
  • 2 ↑ Iser, W., Der Akt des lesens : Theorie ästhetischer Wirkung, trad. l'Acte de lecture. Théorie de l'effet esthétique, Mardaga, 1985.
  • 3 ↑ Stierle, K., Text als Handlung : Perspektiven einer systematischen Literaturwissenschaft, 1975.
  • 4 ↑ Dewey, J., Art as Experience, 1934.