quiétisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Terme apparu dans les années 1670, forgé sur le latin quies, « quiétude ».

Philosophie de la Religion

Doctrine chrétienne qui identifie la béatitude avec un état de pur amour désintéressé, sans mobiliser une activité spirituelle.

Le quiétisme est un mouvement mystique qui, au xviie s., se manifeste à la fois en Italie (Petrucci, Ripa), en France (Malaval) et, d'une façon exemplaire, en Espagne (Molinos). Il exerce en outre une certaine influence sur le développement ultérieur du piétisme, puisque le luthérien Francke traduit en latin l'ouvrage de Molinos dès 1687. On peut rattacher le quiétisme à de nombreux antécédents(1) – par exemple le Catalogue des erreurs relatives à l'état de perfection, dressé en 1311 par le concile de Vienne (contre le mouvement bégard). Mais il faut surtout souligner l'importance des textes de saint François de Sales(2).

Dans la Guia espiritual, Molinos définit la quiétude comme « un sommeil doux et paisible » de l'âme « endormie dans son néant »(3) ; elle est atteinte par l'oraison, l'obéissance et requiert une fréquente communion. Mais, pour comprendre l'originalité du quiétisme, il faut considérer, à l'âge classique, la conjonction de plusieurs thèmes : la question de l'amour pur ; celle de l'abandon à Dieu (d'une totale résignation à sa volonté) ; la possibilité de l'état continu de contemplation (qui rend la méditation proprement dite presque superflue) ; le caractère secondaire des œuvres extérieures.

Le quiétisme pose plusieurs problèmes fondamentaux, qui se dégagent à travers les querelles qu'il suscite à l'âge classique. On reproche d'abord à Molinos de prétendre que Dieu veut agir « en nous sans nous » – ce qui met l'accent sur la passivité de la créature et suggère une élimination de la volonté, au lieu que le concile de Trente avait insisté sur la nécessité de coopérer à la grâce. C'est pourquoi Fénelon, auquel Bossuet reprochera de verser dans le quiétisme de Mme Guyon (dont l'autobiographie fournit au quiétisme un modèle littéraire), distingue entre la passivité quiétiste et une passiveté, dans laquelle l'âme est plutôt agie par Dieu. Cette opposition entre Fénelon et Bossuet constitue la plus fameuse version de la querelle du pur amour. À « l'inquiétude » de l'âme (chrétienne), Fénelon oppose une simple « attente ». Surtout, pour rendre compréhensible ce qu'il désigne comme un amour « d'une charité pure, et sans aucun mélange du motif de l'intérêt propre »(4), Fénelon mobilise la « supposition impossible » selon laquelle nous devrions souhaiter la damnation de notre âme, si telle était la volonté de Dieu – cette présentation paraît difficilement compatible avec la vertu théologale d'espérance, qui intéresse l'homme à son salut.

La querelle du pur amour aboutit à la condamnation romaine du 12 mars 1699.

André Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Armogathe, J.-R., Le Quiétisme, PUF, Paris, 1973.
  • 2 ↑ Saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, livre VI, chap. I, Seuil, Paris, 1996.
  • 3 ↑ Molinos, Guia espiritual (Rome, 1675), Madrid, 1976.
  • 4 ↑ Fénelon, F.S. de La Mothe (de), Explication des maximes des saints sur la vie intérieure ; Mémoire sur l'état passif.

→ amour de soi / amour propre, béatitude, méditation