pathologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Terme composé des mots grecs pathos, « ce qui arrive », « expérience subie », « souffrance », et logos, « discours ».

Biologie

1. Étude de l'ensemble des troubles par excès ou par défaut qui affectent le fonctionnement normal d'un organisme. – 2. Par extension, conditions de vie originales d'un sujet malade.

La pathologie, au xixe s., est la partie de la médecine qui étudie les signes qui sont propres et particuliers à chaque maladie(1). Elle est alors la part théorique de la médecine en ce qu'elle s'intéresse aux maladies pour elles-mêmes, sans référence à la thérapeutique ni à l'individu atteint par une maladie. La pathologie se spécifie en pathologie somatique, qui concerne l'étude des troubles du corps, et en pathologie mentale, qui est l'« étude des troubles mentaux et des modifications organiques qui peuvent leur être associées »(2). On doit à A. Comte la formulation la plus claire des rapports entre physiologie et pathologie. La maladie, selon lui, est une expérience naturelle d'altération de l'état naturel de l'organisme. Cette altération n'est pas une dénaturation, dans la mesure où « l'état pathologique ne diffère point radicalement de l'état physiologique, à l'égard duquel il ne saurait constituer, sous un aspect quelconque, qu'un simple prolongement plus ou moins étendu des limites de variation, soit supérieures, soit inférieures, propres à chaque phénomène de l'organisme normal »(3). La pathologie n'est pas une nouveauté dévastatrice, mais une amplification perturbatrice du fonctionnement normal décrit par la physiologie. C'est pourquoi la physiologie, dans l'étude des phénomènes normaux de l'organisme, trouve en la pathologie une alliée précieuse. Par son entremise, elle parvient à étudier, grâce au grossissement qu'offre l'expérience pathologique des traits du normal, des séries organiques fines. La pathologie joue ainsi le rôle d'une expérimentation spontanée, non artificielle et donc non déformante, des lois physiologiques. Elle est un document dans l'étude des corps vivants(4).

À la limite, le document de la pathologie est une aide pour le médecin, mais reste une entrave pour le malade. Ce qui n'est pas pris en considération par Comte, c'est tout simplement la souffrance inhérente à une maladie, la diminution des capacités organiques, la menace de mort pour un individu. La pathologie est un supplément théorique qui laisse de côté la nécessité d'une thérapeutique. Dire que la pathologie est une forme d'expérimentation au point que toute expérience produite sur un corps vivant est pensée comme une forme de « maladie plus ou moins violente »(5) ne prédispose pas à reconnaître à la pathologie le statut d'expérience vécue par un individu transformé en son être par la maladie. Il faut au contraire reconnaître, si l'on déplace l'analyse de la pathologie du conçu au vécu, que « les maladies de l'homme [...] sont des drames de son histoire »(6). Une pathologie, de ce point de vue, n'a pas d'existence abstraite. Toute maladie n'existe que parce qu'elle est vécue comme telle par un malade qui perçoit, à son corps défendant, les limitations engendrées en son corps ainsi que les souffrances engendrées par la maladie. La pathologie est alors une différenciation vitale qui perturbe tout individu par le simple fait qu'il est vivant. Elle est une individuation vitale qui menace le pouvoir d'individuation d'un sujet. Cette menace est vécue comme un événement qui produit une rupture entre une santé défunte, caractérisée par l'évidence des possibilités organiques, et un présent désormais affecté de diminutions biologiques et de maux spécifiques. La pathologie révèle l'incomplétude de la vie et sa finitude fondamentale. « La vie humaine est une existence, un être-là pour un devenir non préordonné, dans la hantise de sa fin. »(7) Dans cette perspective, la guérison devient une obligation médicale qui révèle dans la thérapeutique un pouvoir vital de restauration de la viabilité de la vie.

Guillaume LeBlanc

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Nouveau vocabulaire français, Nouvelle Édition appropriée aux progrès des lumières et rédigée sur le plan du vocabulaire De Wailly, Chez Barbou Frères, Limoges, 1854, p. 491.
  • 2 ↑ Dumas, G., Traité de psychologie, t. II, Alcan, Paris, 1923, p. 811.
  • 3 ↑ Comte, A., « Quarantième leçon », in Cours de philosophie positive, Hermann, Paris, 1998, pp. 695-696.
  • 4 ↑ Le terme de « document » est utilisé par A. Comte, p. 696.
  • 5 ↑ Ibid., p. 696.
  • 6 ↑ Canguilhem, G., « Une pédagogie de la guérison est-elle possible ? », in Écrits sur la médecine, Seuil, Paris, 2002, p. 89.
  • 7 ↑ Ibid., p. 89.

→ maladie, psychiatrie