oubli

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin oblivisci, « ne plus penser à quelque chose », « perdre de vue ». En allemand : Vergessen (verbe substantivé), « oubli » ; Vergessenheit, « état de ce qui est oublié » ; Vergesslichkeit, « état de celui qui oublie ». D'une racine indo-germanique ghed-, « saisir », avec renversement de sens, par ver, « perdre la possession ».


L'oubli n'est pas radicalement opposé à la mémoire ; il est au contraire une force permettant d'éviter à celle-ci de se laisser envahir par les traces et les souvenirs. Il s'accroît avec le temps, à mesure que les souvenirs des traces laissées par les impressions sensibles se font moins présents à la mémoire. Souvent associé à une certaine négativité, l'oubli est à l'inverse valorisé par Nietzsche qui en fait une caractéristique du fort : il sait oublier alors que l'homme du ressentiment voit sans cesse sa conscience envahie par les traces mnésiques. Cela ne veut cependant pas dire qu'il ne vive qu'au présent, mais simplement que sa conscience reste vierge en vue de l'action.

Psychanalyse

Inaccessibilité pour la conscience de représentations et d'affects par ailleurs connus.

Expression la plus patente du refoulement, l'oubli symptomatique, qu'il s'avère condition nécessaire à la production d'un symptôme névrotique(1), ou expression de la « psychopathologie de la vie quotidienne »(2), a été stylisé par Freud et ses successeurs de manière prolixe et intelligible.

Si, pendant la cure, la remémoration(3) est un objectif temporaire, la visée n'en est pas moins que sombrent dans un authentique oubli – c'est-à-dire sont privées d'efficience – toutes sortes de souvenirs, amours, haines, peurs, traumas, identifications, dont la vivacité actuelle entrave la vie du patient. Les vieux Grecs disent que le non-oubli est vérité (aletheia). Se pourrait-il que l'oubli authentique soit une condition de la liberté ?

Michèle Porte

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., Zur Ätiologie der Hysterie (1896), G.W. I, pp. 75-312, trad. « L'étiologie de l'hystérie », in Névrose, psychose et perversion, PUF, Paris, 1973, pp. 83-112.
  • 2 ↑ Freud, S., Zum psychischen Mechanismus der Vergesslichkeit (1898b), G.W. I, pp. 517-527, trad. « Sur le mécanisme psychique de l'oubli », in Résultats, idées, problèmes. I, 1890-1920, PUF, Paris, 1984, pp. 99-107.
  • 3 ↑ Freud, S., Erinnern, Wiederholen und Durcharbeiten (1914), G.W. X, pp. 125-136, trad. Remémorer, répéter et perlaborer.

→ acte manqué, mémoire, refoulement, trace