lumière

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin lumen.


Concept fondamental de la philosophie ancienne et médiévale, qui l'attribue à Dieu ; à partir de Descartes, caractéristique naturelle du sujet connaissant.

Philosophie Générale

Capacité intérieure de produire l'intelligibilité.

L'utilisation philosophique de la métaphore de la lumière a sa source dans une double tradition platonicienne et biblique. Si l'âge classique, à partir de Descartes et sous la forme du concept de lumière naturelle, en fait un attribut proprement humain, elle conserve la fonction de condition d'intelligibilité qu'elle avait déjà chez saint Augustin. La lumière naturelle assure la transition, dans l'histoire de la philosophie, entre une origine théologique avec laquelle elle ne rompt jamais entièrement, et la connotation plus politique et collective que le xviiie s. lui donnera.

Pour saint Augustin, Dieu est la lumière intelligible, présente en l'homme intérieur, « par qui tout ce qui brille d'une lumière intelligible brille d'une lumière intelligible »(1). Ces deux traits fondamentaux, intelligibilité et intériorité, se retrouvent dans le concept de lumière naturelle. Descartes identifie celle-ci à la faculté de connaître, en tant qu'elle perçoit clairement, distinctement et immédiatement la vérité(2) ; elle est capable, « toute pure et sans emprunter le secours de la religion ni de la philosophie »(3) de déterminer les opinions de l'honnête homme et, accompagnée de méthode, d'acquérir aisément toute connaissance. Ni Descartes ni ses successeurs n'abandonnent l'idée d'un lien entre lumière naturelle et lumière divine. Malebranche considère que la perfection de la lumière naturelle est fonction de l'intimité du rapport de l'âme à Dieu(4). Leibniz insiste sur la distinction et l'évidence de la connaissance par la lumière naturelle, fruit du concours de la nature des choses et de la nature de l'esprit(5). La conception classique de la lumière déplace ainsi la fonction d'intelligibilité autrefois attribuée à Dieu vers la raison humaine.

La vocation libératrice de la lumière naturelle n'a pas échappé aux philosophes du xviiie s. Voltaire et Condorcet ont ainsi considéré l'entreprise cartésienne comme une propédeutique aux lumières politiques de l'époque révolutionnaire. Grâce à Descartes et à son concept de lumière naturelle, « l'esprit humain ne fut pas libre encore, mais il sut qu'il était formé pour l'être »(6).

Olivier Dekens

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Saint Augustin, les Soliloques, livres I, 3 ; Œuvres I, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1998, p. 191.
  • 2 ↑ Descartes, R., Principes de la philosophie, 1re partie, 30, éd. Adam-Tannery, t. IX, p. 38.
  • 3 ↑ Descartes, R., la Recherche de la vérité par la lumière naturelle, éd. Adam-Tannery, t. X, p. 495.
  • 4 ↑ Malebranche, N. (de), De la recherche de la vérité, préface, éd. Rodis-Lewis, p. XIII.
  • 5 ↑ Leibniz, G. W., Nouveaux Essais sur l'entendement humain, livre I, chap. I, § 22, éd. Gerhardt, p. 84.
  • 6 ↑ Condorcet, J.A.N.C. (de), Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, 8e époque, GF, Paris, 1988, pp. 211-212.

Physique

C'est au xviie s. que les théories physiques de la lumière, c'est-à-dire l'étude de la lumière et des phénomènes lumineux au sens où nous l'entendons encore aujourd'hui, connurent leur véritable essor. En effet, si depuis l'Antiquité les travaux sur la lumière n'ont pas manqué, la plu part d'entre eux s'inscrivent dans le cadre d'une réflexion centrée sur le problème de la vision et du regard, plutôt que sur celui de la nature de la lumière.

Kepler (1571-1630), prolongeant les remarquables études d'Ibn al-Haytham, connu en Occident sous le nom d'Alhazen (965-1039), de Grosseteste (1175-1253), de Pecham (1230-1292) et de Witelo ou Vitelion (1230-1285), assimila définitivement, dans ses Paralipomènes à Vitelion (Francfort, 1604), l'œil à un dispositif optique conduisant à la formation d'une image réelle sur la rétine. L'optique physique acquiert son autonomie : l'analyse de la lumière devient, en se libérant du problème de la sensation visuelle, un véritable objet de recherche.

Une nouvelle distribution du savoir se met alors en place avec Kepler et Descartes, amenant à retenir trois champs d'investigation : la nature physique de la lumière, la transmission de l'image rétinienne au cerveau (anatomie, physiologie) et la représentation mentale.

D'entrée de jeu, au xviie s., le développement des théories physiques de la lumière est associé, le plus souvent, à la construction de modèles mécaniques : comment expliquer, à l'aide des seuls concepts de la physique mécaniste, les propriétés connues de la lumière, comme la propagation rectiligne, la réflexion, la réfraction ou la genèse des couleurs ? Ce type d'approche a été véritablement initié par Descartes. Dans le monde plein de la physique cartésienne, la propagation de la lumière est caractérisée par une inclination du mouvement, une poussée, un effort, c'est-à-dire qu'elle se fait sans transport de matière. D'autres savants, inspirés par les thèses atomistes, comme Boyle, considèrent la lumière comme un jet de particules émanant du soleil et des sources lumineuses. Ainsi, deux grands courants se dessinent parmi les savants au xviie s., suivant que ceux-ci considèrent que la lumière est un corps ou bien le mouvement d'un corps sans transport de matière. Dans le premier cas, il s'agit des théories dites de l'émission, dont le principal représentant est Newton et, dans le second, des théories dites des milieux, dont le principal représentant est Huygens.

Au xviiie s., newtonien et corpusculariste, succède, après les expériences de Fizeau et Foucault et les splendides travaux théoriques de Fresnel (1788-1827), un xixe s. ondulatoire. Celui-ci, tout d'abord marqué par l'hypothétique éther de Fresnel, aux propriétés mécaniques difficilement conciliables, est ensuite investi, à partir des années 1870, par la théorie électromagnétique de Maxwell (1831-1879).

Maxwell conclut, sur la base de ses fameuses « équations », que, dans le cas d'un signal électromagnétique variable, le milieu diélectrique peut être le siège d'ondes transversales dont la vitesse de propagation est analogue à celle de la lumière. Ainsi se trouvent rapprochés l'éther lumineux de Fresnel et l'éther des actions électromagnétiques. Cette intégration de la lumière dans les phénomènes électromagnétiques oriente alors Maxwell vers le délicat problème du mouvement relatif de la Terre et de l'éther. Ce problème culmine avec la mise en place, en 1887, de la célèbre expérience de Michelson et Morley, expérience qui conduit finalement à conclure qu'il est impossible, au moyen d'une expérience physique, quelle qu'elle soit, de détecter le mouvement de la Terre par rapport à l'éther. La voie est ouverte pour les théories einsteiniennes.

En 1905, Einstein (1879-1955) publie simultanément son mémoire sur l'électrodynamique des corps en mouvement, qui pose les bases de la théorie de la relativité, et celui sur l'effet photoélectrique, qui introduit en fait l'hypothèse des quanta de lumière. Ce dernier mémoire remet donc en question la nature strictement ondulatoire et continue de la lumière, défendue au xixe s.

C'est cette « double nature » de la lumière que Louis de Broglie (1892-1987) tente de comprendre et d'interpréter dans ses Recherches sur la théorie des quanta, de 1924. Dans sa thèse, il émet l'hypothèse que la dualité onde-corpuscule est une propriété générale des objets microscopiques, et que la matière présente, comme la lumière, un double aspect ondulatoire et corpusculaire. Cette hypothèse se trouvera très vite confirmée par l'observation de phénomènes de diffraction avec des électrons (expériences de Davisson et Germer en 1927, de Thomson en 1928 et de Rupp la même année).

En généralisant la notion d'ondes de matière, Schrödinger (1887-1961) parvient à l'équation bien connue de propagation de la fonction d'onde représentant un système quantique donné. Finalement, l'élégant formalisme de la théorie quantique est mis en place autour des années 1925-1930 par Dirac (1902-1984), Bohr (1885-1962) et Heisenberg (1901-1976).

Michel Blay

Notes bibliographiques

  • Blay, M., Lumière sur les couleurs, Ellipses, Paris, 2001.
  • Maitte, B., la Lumière, Seuil, Paris, 1981.
  • Ronchi, V., Histoire de la lumière, Armand Colin, Paris, 1956.
  • Sabra, A. I., Theories of Light front Descartes to Newton (1967), Cambridge University Press, 1981.
  • Simon, G., le Regard, l'Être et l'Apparence dans l'optique de l'Antiquité, Seuil, Paris, 1988.

→ corpuscule, matière, probabilité, quantique (mécanique)