géométrie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin geometria, du grec geômetria, « science de la mesure de la terre ».


Avec les Éléments d'Euclide, une science rigoureusement déductive dont les objets sont les figures et leurs rapports est durablement codifiée. La géométrie classique, euclidienne, semble avoir pour elle, outre sa rigueur et sa valeur discursive, une profonde et inaliénable connivence avec notre expérience du monde. Elle pourra donc aussi bien être mise au service des doctrines de l'idéalisation des objets mathématiques, de la donnée de ces mêmes objets par abstraction, ou encore de conceptions qui y voient une science expérimentale. Elle sera aussi exploitée pour valider, voire constituer, le concept d'intuition.

Mathématiques

À partir d'un sens premier concret et pratique, le terme désigne, depuis les débuts du xxe s., un ensemble de théories hypothético-déductives distinctes et qui n'ont en principe pas de fondement dans notre expérience du monde.

Trois extensions de la pensée mathématique et logique ont brisé ce cadre qui semblait devoir être commun à toute pensée géométrique.

L'association, d'une part, du calcul algébrique, des algorithmes infinitésimaux et des théories fonctionnelles d'une part et, d'autre part, la géométrie classique (débutée au xviie s. et poursuivie depuis) a donné naissance à la géométrie analytique, dont les procédures ramènent les objets et les lieux géométriques à des expressions formelles, et les raisonnements à des considérations sur les équations qui en expriment les propriétés.

Les énoncés premiers de la géométrie ont été soumis à une critique intense de nature logique qui a fait apparaître la relativité de certains d'entre eux, en particulier de la cinquième demande euclidienne. La cohérence et la complétude de la théorie se sont trouvées sauvegardées quand bien même était nié ce postulat. Il en est résulté des géométries non euclidiennes (hyperbolique et elliptique, inventées au cours du xixe s.) qui, découplées de notre expérience sensible grossière, sont de nature hypothético-déductive. Le rejet, par Véronèse et Hilbert, de l'axiome d'Archimède génère des géométries plus générales encore.

Enfin, la diversité des concepts d'espace considérés par les mathématiciens contemporains a achevé la destruction de toute vision unique de la géométrie. Lorsque Kant écrit que la géométrie est la « science de toutes les espèces possibles d'espace », il consacre – involontairement peut-être – cet éclatement.

Une classification de ces multiples géométries a été proposée par F. Klein en 1872. Dans ses Considérations comparatives sur les recherches géométriques modernes, celui-ci formule ainsi son programme général : « Étant donné une multiplicité et un groupe de transformations de cette multiplicité, en étudier les êtres au point de vue des propriétés qui ne sont pas altérées par les transformations du groupe, soit développer la théorie des invariants relatifs à ce groupe ».

Vincent Jullien




géométrie analytique

Philosophie Moderne

Ce terme ne désigne aujourd'hui aucun domaine des mathématiques. S'il a eu un sens assez rigoureux au xviie s., ce fut bien éphémère.

L'expression est attachée à l'œuvre de Descartes ; non pas que celui-ci l'ait lui-même défendue, mais parce qu'elle fut régulièrement utilisée par ses commentateurs et par bien des historiens de la philosophie. Elle n'est certes pas illégitime tant il est vrai que pour Descartes, comme d'ailleurs avant lui pour Viète, la grande réforme des mathématiques devait consister en l'application de l'analyse à la géométrie. L'Algèbre nouvelle, de Viète, commence ainsi : « Il se rencontre, dans les mathématiques, une certaine manière et façon de rechercher la vérité, laquelle on dit avoir été premièrement inventée par Platon, que Théon a appelé Analyse. » La conception cartésienne de l'analyse trouve un domaine privilégié d'élaboration et d'application dans ce domaine simple du savoir que sont les mathématiques ; on sait que la réunion de la nature géométrique des objets mathématiques et de l'ordre algébrique nécessaire qui doit y régner produira ce que l'on pouvait bien, alors, nommer la géométrie analytique. C'est d'ailleurs ce qu'illustre d'Alembert en définissant la « méthode analytique en géométrie [comme] la méthode de résoudre les problèmes, et de démontrer les théorèmes de géométries, en y employant l'analyse ou l'algèbre » (article « Analyse », Encyclopédie méthodique, vol. I, 49 a).

L'histoire des mathématiques a cependant établi une sorte de distance entre l'analyse et l'algèbre, qui associe immédiatement la pensée de l'infini, du continu et des limites à celle de l'analyse ; l'algèbre relevant du dénombrable ou encore des équations polynomiales. Pour cette raison, le terme de « géométrie analytique » ne peut certainement plus désigner la réunion de l'algèbre et de la géométrie. Si, d'un autre côté, on évoque l'analyse, rien n'implique nécessairement qu'il s'agisse de géométrie. Une branche des mathématiques fait toutefois vivre le vocabulaire déjà en usage à l'âge classique ; en effet, on désigne aujourd'hui par « géométrie algébrique » ce domaine des mathématiques qui traite des ensembles de points définis par des équations polynomiales.

Vincent Jullien