en-soi / pour-soi

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Trad. de l'allemand an Sich / für Sich.

Métaphysique

Ce qui échappe à la raison / ce qui est de l'ordre de la réalité subjective, puis, joints, chez Hegel puis Sartre, ce qui plonge la condition humaine dans un déséquilibre ontologique constitutif.

Chez Kant(1), la chose en soi s'oppose au phénomène comme ce qui rentre dans notre domaine de connaissances possibles et ce qui nous échappe. Ce qui n'est pas phénomène, dit Kant, ne peut être objet d'expérience. Cette décision majeure marque un tournant décisif dans l'histoire de la philosophie, parce que pour la première fois, le philosophe renonce au ciel des Idées « en soi » (le Bien en soi, le Vrai en soi) pour se cantonner aux limites de ce à quoi il a accès. S'il existe un Bien en soi, indépendamment de l'expérience, nous n'en savons rien et ne pouvons rien en savoir ; mais dépasser les limites de l'expérience (auquel correspond l'entendement) pour s'aventurer vers les objets de la raison constitue toujours une tentation pour l'esprit humain, qui le conduit dans les impasses de la Dialectique transcendantale.

Le terme « pour-soi » apparaît quant à lui dans la philosophie de Hegel(2) (Phénoménologie de l'Esprit), et désigne la conscience et la réflexion. Ce qui est ou demeure en-soi, en revanche, pourrait s'apparenter à la matière inerte, de tout ce qui n'est pas le sujet (Sartre dira « le monde »).

En reprenant ces catégories, Sartre(3) les ré-investit d'un sens nouveau : le pour soi est le résultat d'une dégradation de l'en-soi, ou d'une néantisation, c'est-à-dire qu'en advenant, le sujet ou pour-soi introduit une lacune dans ce qui était avant lui la plénitude de l'être. C'est pourquoi l'en-soi pour-soi est défini par Sartre comme « l'impossible synthèse qui fait notre condition ».

Clara da Silva-Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale.
  • 2 ↑ Hegel, F., Phénoménologie de l'Esprit.
  • 3 ↑ Sartre, J.-P., L'Être et le néant.

→ néantisation