effort

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin fortis, « courageux, fort » et ex, « hors de ».

Morale

Activité de mobilisation des forces d'un individu confronté à ce qui lui fait obstacle. Le rapport de l'effort, de la volonté et de la liberté structure la question.

S'efforcer est l'exercice d'une puissance. Chez les stoïciens, l'ormè est le mouvement naturel de l'âme antérieur à tout assentiment : tendance qui précède l'orexis (comme intention ou désir qui suit l'assentiment). La notion de conatus (qui, avec appetitus, sert à la traduction latine de l'ormè), qu'elle exprime un effort de nature physique, intellectuelle ou morale, est d'abord utilisée, dans les grandes œuvres latines, dans le contexte guerrier de l'affrontement des forces (César, Tite-Live, Cicéron). Machiavel (virtù), puis Spinoza (fortitudo) s'inscriront dans la filiation polémologique de la notion.

Deux grandes périodes sont traversées par le thème de l'effort : sous la figure du conatus de 1640 à 1677 ; puis sous celle du « fait primitif du sens intime » dans l'histoire du spiritualisme français.

Refusant toute référence théologique, Hobbes (De Corpore) affirme contre Descartes que « le principe du mouvement » comme réalité extensive « est le mouvement » lui-même comme grandeur intensive, c'est-à-dire « un mouvement fait en un point et en un instant » ou un effort (conatus ou tonos, au sens stoïcien). Avec Spinoza, l'effort devient ontologique, pure affirmation qui résiste à tout ce qui peut supprimer l'existence de la chose (Éthique, III, 6 et dém.), à la fois déduction, causalité efficiente, productivité de l'être et « continuation indéfinie de l'exister », c'est-à-dire duration de la chose même(1). Avec Leibniz, la réalité intensive de l'effort est opposée à la réalité extensive du mouvement (Hypothèse physique nouvelle, partie I, 1671), et l'effort, pour être concret, se fait essentiellement spirituel.

Maine de Biran voit dans l'expérience intime de l'effort le fait primitif d'une liberté(2) que, dans l'Énergie spirituelle, Bergson étudie comme tension, qu'il retrouve aux différents niveaux de l'activité intellectuelle. Le sentiment de l'effort se produit dans le mouvement du schéma dynamique, des relations abstraites aux images concrètes, du fait que les habitudes anciennes ralentissent ou empêchent ce mouvement, et qu'il faut une puissante « attention à la vie » pour les repousser(3). Cet effort intellectuel est activité vitale et participation de l'homme à la création.

L'enjeu majeur est ainsi dans la conception d'une philosophie du réalisme de la durée. Comme dynamique de la décision des problèmes, l'effort pourrait apparaître alors comme une des puissantes clés de l'innovation de l'être.

Laurent Bove

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Spinoza, B., Éthique, II, déf. 5 (1677), trad. B. Pautrat, Seuil, Paris, 1988.
  • 2 ↑ Maine de Biran, Rapports des sciences naturelles avec la psychologie (1813-1815), in Œuvres, t. VIII, dir. F. Azouvi, Vrin, Paris, 1986.
  • 3 ↑ Bergson, H., l'Énergie spirituelle, ch. VI, PUF, Paris, 1919.