copernicienne (révolution)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Épistémologie, Histoire des Sciences, Philosophie des Sciences

Acte historique lié au tournant des xvie et xviie s. par lequel le système entier des représentations du monde a subi un bouleversement inaugural.

Utilisée sans doute pour la première fois par Kant afin de désigner par analogie une inversion des rapports entre le sujet connaissant et l'objet représenté(1), l'expression ne devient une catégorie historique précise qu'après les analyses de Th. Kuhn(2) et de A. Koyré(3). Concept central d'une lecture discontinuiste de l'histoire des sciences, qui oppose ici les notion de révolution et d'évolution (P. Duhem en est le plus illustre avocat(4)) dans l'histoire des théories physiques, la « révolution copernicienne » désigne, chez Kuhn, le moment d'une rupture complète du paradigme associé à la science et au monde aristotélico-ptolémaïque. Ainsi, ce n'est pas seulement en astronomie que se fait ressentir, comme le montre Koyré à de nombreuses reprises, la destruction de l'univers fini et géocentrique au terme de la publication du De revolutionibus orbium caelestium libri sex, en 1543. Le bouleversement culturel et idéologique qui s'empare de l'Europe ne s'achèvera, il faut le noter, que lorsque, à la suite de Galilée et de Huygens, la conviction ou l'« opinion » copernicienne se verra confirmée par une théorie physique qui en sera comme la preuve. Géométriquement, en effet, rien ne peut départager les systèmes concurrents de Ptolémée, Copernic et Brahé. L'observation astronomique, de plus en plus précise et instrumentée au xviie s., aura tôt fait de montrer l'inanité du système ptoléméen. Mais c'est avec Newton et la publication des Philosophiae naturalis principia mathematica, en 1687, que se trouve confirmée l'affirmation copernicienne centrale : le double mouvement de la Terre autour d'un soleil central. Newton, en synthétisant les lois de Kepler, montre, en effet, que le seul système astronomique conforme à l'hypothèse et à la loi d'attraction est celui de Copernic. Ce qui n'était, au départ, qu'une réaffirmation de la doctrine antique d'Aristarque devient un corrélat nécessaire de la physique naissante(5).

L'idée qu'il y ait une « révolution » copernicienne, galiléenne, cartésienne ou newtonienne, a été vivement débattue et se présente donc tout à la fois comme un problème qui concerne la méthode générale de l'histoire des sciences et le contenu même de notre connaissance de la science classique. Duhem pensait, et d'autres plus tard avec lui, que les « révolutionnaires » en science s'appuient sur les travaux qui les précèdent (en l'occurrence, l'école médiévale d'Oxford ou celle de la Sorbonne). L'épistémologie discontinuiste, qui a dominé la seconde moitié du xxe s., considère, au contraire, qu'une science nouvelle commence en instaurant une rupture radicale entre les outils nouveaux et ceux que l'on détruit.

Fabien Chareix

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, PUF, Paris, 1968 (trad. Tremesaygues et Pacaud), Préface à la seconde édition.
  • 2 ↑ Kuhn, T. S., la Révolution copernicienne, Fayard, Paris, 1973.
  • 3 ↑ Koyré, A., Du monde clos à l'univers infini, PUF, Paris, 1962.
  • 4 ↑ Duhem, P., le Système du monde, Hermann, Paris, 1973.
  • 5 ↑ Voir Szczeciniarz, J.-J., Copernic et la révolution copernicienne, Flammarion, Paris, 1998.

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