conventionnalisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin conventio, de convenire, convenir.

Philosophie des Sciences

Mouvement de pensée qui apparaît dans le contexte de la crise de la science au tournant des xixe et xxe s. Plusieurs scientifiques et philosophes sont conduits à repenser les conditions qui président à l'élaboration de la connaissance scientifique, en mettant l'accent sur la part de convention ou décision.

À la fin du xxe s., les avancées de la science provoquent un sentiment d'insatisfaction à l'égard des diverses théories de la connaissance qui avaient été proposées. En effet, la découverte des géométries non euclidiennes met en cause l'unicité de notre notion d'espace. Et de nouveaux champs de phénomènes sont annexés par la physique mathématique. Ces propriétés vagues ou insaisissables pour la perception naturelle que sont le chaud, l'électrique et le magnétique donnent prise au raisonnement mathématique et expérimental pour constituer la thermodynamique et l'électromagnétisme.

En 1891, Poincaré proclame la nature conventionnelle des hypothèses géométriques ; en 1894, Duhem affirme le caractère global du contrôle expérimental. En posant l'existence de conventions ou, mieux, de libres décisions au cœur de la science, Poincaré coupe court au projet traditionnel de fondation : ni le synthétique a priori de Kant ni les faits généraux de Comte ne sauraient expliquer la nature de l'activité scientifique. L'analyse du contrôle expérimental effectuée par Duhem montre que la réfutation est moins simple que les classiques ne l'ont laissé entendre. Duhem condamne la technique de l'expérience cruciale et en vient à rejeter la méthode newtonienne des inductions. Le rapport des grands principes de la science avec l'expérience ne peut être qu'indirect : une signification empirique leur est conférée à travers toute une série d'intermédiaires théoriques.

Se saisissant de ces thèses, Milhaud et Le Roy, deux mathématiciens venus à la philosophie, en donnent une généralisation : l'activité scientifique comporte une part non négligeable de création et de contingence. Et Le Roy d'appeler de ses vœux la constitution d'un programme qui formulerait un positivisme nouveau. Cette tentative ne manquera pas d'attirer l'attention des penseurs du cercle de Vienne. Mais ce qui distingue les conventionnalistes, c'est qu'ils nous proposent une analyse interne de la science sans verser dans l'exclusion de la métaphysique.

Anastasios Brenner

Notes bibliographiques

  • Brenner, A., les Origines françaises de la philosophie des sciences, PUF, Paris, 2003.
  • Duhem, P., la Théorie physique : son objet et sa structure (1906), Vrin, Paris, 1989.
  • Granger, G., « Vérité et convention », in Philosophia Scientiae, 1 (1), 1996, pp. 3-19.
  • Le Roy, É., « Un positivisme nouveau », in Revue de métaphysique et de morale, t. 9, 1901, pp. 138-153.
  • Milhaud, G., le Rationnel (1898), Alcan, Paris, 1939.
  • Poincaré, H., la Science et l'Hypothèse (1902), Flammarion, Paris, 1968.

Morale, Politique

Position théorique des doctrines politiques selon lesquelles le lien social n'existe pas naturellement.

Le lien social, pour les théories conventionnalistes, réside d'un contrat (comme chez Rousseau) ou d'une convention (selon Durkheim). Cette orientation soulève certaines difficultés méthodologiques, puisqu'elle tend à considérer la formation de la société à partir des individus isolés (réduits à leur dimension abstraite de sujets juridiques dans les doctrines contractualistes) : contre cette orientation, Marx adopte une position conventionnaliste tout en étant holiste. Plus concrètement, le conventionnalisme soutient que l'usage de la force collective contre les individus est soumis à la condition qu'une convention sociale, dont le statut est explicitement juridique, désigne les institutions autorisées à produire du droit et les conditions dans lesquelles elles peuvent légitimement s'exercer.

André Charrak

→ contrat, droit, société