commensurabilité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin commensurabilis, de mensura, « mesure ».

Mathématiques

Propriété de deux grandeurs ou plus, qui ont une mesure commune.

Le premier sens de la commensurabilité est presque entièrement traité dans les livres VII à IX des Éléments d'Euclide et dans les commentaires de ces textes (commentaires poursuivis jusqu'au xixe s.). Cette notion ne se comprend qu'à partir de celle de multiples. Si deux grandeurs A et B sont telles qu'il existe deux nombres entiers m et n tels que mA = nB, alors elles sont commensurables ; leur rapport est analogue au rapport de ces deux nombres entiers et elles admettent l'unité comme mesure commune. Les pythagoriciens estimaient que le rapport des choses entre elles devait pouvoir être exprimé ainsi. La crise dite des irrationnelles naît de la découverte que des grandeurs simples – qui ne pouvaient pas ne pas entretenir de rapport – n'étaient pas commensurables : c'est par exemple le cas de la diagonale et du côté du carré. Il fallu étendre la théorie des proportions (l'intelligibilité des rapports) à de telles grandeurs. Cette tâche est effectuée dans le livre V des Éléments (largement du à Eudoxe) ; l'élaboration de critères de commensurabilité l'est notamment au livre VII. La résolution complète de la question ne sera acquise qu'avec l'élargissement du concept de nombre, non seulement aux nombres sourds, ou rationnels, obtenus par le rapport de commensurables), mais encore aux réels.

En un second sens, plus radical, la commensurabilité entre grandeurs exige que celles-ci soient comparables. Bien évidemment, ceci implique que les surfaces et les lignes, les volumes et les surfaces sont incommensurables, mais aussi les angles et les surfaces par exemples. Pour être commensurables, les grandeurs doivent être homogènes. Mais encore, il faut que l'une ne soit pas infiniment plus grande qu'une autre, ce qui ôterait toute possibilité de leur trouver une commune mesure. Cette exigence fut la source des difficultés liées aux infiniment petits, difficultés surmontées, dans les faits avec les algorithmes infinitésimaux du xviie s. et, en théorie, avec la formalisation de l'analyse des deux siècles suivants.

Un cas particulièrement intéressant d'emploi d'un argument d'incommensurabilité (en ce second sens) est donné par Copernic lorsque son cosmos, du fait du modèle héliocentriste, devient un immensum. Si les effets attendus comme la parallaxe sont indétectables, c'est justement parce que les distances de la terre aux planètes, et au soleil ne sont pas commensurables avec les distances de la terre (ou du soleil) avec la sphère des fixes.

Vincent Jullien