biologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Terme d'apparition récente qui succède, au début du xixe s., à la notion d'histoire naturelle. Du grec bios, « vie », et logos, « science ». La biologie est la science qui a pour objet d'étude la vie.

Biologie

Ensemble des sciences de la vie.

Le terme de « biologie » est utilisé pour la première fois par Lamarck et par le médecin X. Bichat. Dans un texte manuscrit datant de 1801, Lamarck caractérise la zoologie comme une « biologie » dont l'objet est l'étude du développement des corps vivants(1). La même année, Bichat refuse de considérer la « biologie » selon le modèle des sciences physiques(2). Les corps vivants ne peuvent relever des mêmes protocoles que les corps inertes. L'Allemand Trevinarus généralise la signification de la biologie. Pour lui, la biologie doit s'appliquer aux « différents phénomènes et formes de la vie », en recherchant les conditions de son existence et les causes de son activité(3). Là où l'histoire naturelle consistait essentiellement en une classification des êtres vivants(4), la biologie veut ressaisir la vie dans son activité de résistance à la mort(5). Une biologie de la vie devient, de ce fait, une biologie de la mort(6). Elle s'attache à décrire les phénomènes intrinsèques à la vie comme l'activité organique de la régulation(7) et de maintien de certaines normes dans un milieu de vie extérieur(8). Comme de telles activités sont des activités strictement individuelles qui ne peuvent être résumées sous un genre commun à la manière des phénomènes physiques ou chimiques, la biologie devient donc une science des singularités(9).

Guillaume Le Blanc

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Lamarck, J.-B. (de), Discours d'ouverture, Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XL, 1907, p. 101. Cité par Gusdorf, G., les Sciences humaines et la Pensée occidentale, t. VIII, Payot, Paris, 1978, p. 432.
  • 2 ↑ Bichat, X., Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine (1801), Paris, « Préambule », art. 2.
  • 3 ↑ Trevinarus, Biologie ou philosophie de la nature vivante.
  • 4 ↑ Foucault, M., les Mots et les Choses, Gallimard, Paris, 1966, pp. 140-144 et 275-292.
  • 5 ↑ Bichat, X., Recherches physiologiques sur la vie et la mort, Flammarion, Paris, 1994.
  • 6 ↑ Klarsfeld, A. et Revah, Fr., Biologie de la mort, Odile Jacob, Paris, 2000.
  • 7 ↑ Canguilhem, G., « La formation du concept de régulation biologique aux xviiie et xixe siècles », in Idéologie et Rationalité dans l'histoire des sciences de la vie, Vrin, Paris, 1977.
  • 8 ↑ Comte, A., « Quarante-troisième leçon », in Cours de philosophie positive, Hermann, Paris, 1998, pp. 795-820.
  • 9 ↑ Canguilhem, G., « Du singulier et de la singularité en épistémologie biologique », in Études d'histoire et de philosophie des sciences, Vrin, Paris, 1968.



philosophie de la biologie


Calque de l'anglais philosophy of biology.


Expression introduite en anglais par W. Whewell en 1840. Utilisée sporadiquement, elle devient dans les années 1970 le nom conventionnel d'une sous-discipline au sein de la philosophie des sciences. À partir de la fin des années 1920 jusque dans les années 1990, le terme se diffuse dans d'autres contextes linguistiques.

Biologie, Philosophie des Sciences

Au sens strict, et à l'époque contemporaine, secteur particulier de la philosophie des sciences. En un sens plus large, synonyme tantôt de ce que l'on appelait autrefois « philosophie biologique », tantôt de ce que l'on préfère nommer, dans l'aire culturelle de la philosophie continentale, « épistémologie des sciences de la vie ». Bien qu'en pratique ces expressions soient souvent confondues, elles renvoient à des conceptions historiquement différentes du rapport de la philosophie aux sciences de la vie.

Le premier usage connu du mot « biologie » au sens de « science de la vie » date de 1766. Si quelques auteurs comme Bichat, Lamarck, Treviranus l'utilisent dans les années 1800, il n'est véritablement adopté par la communauté scientifique qu'à la suite de son utilisation solennelle et systématique par Comte, dans les leçons du Cours de philosophie positive consacrées aux phénomènes de la vie (leçons 40-45, 1837). Dans ces leçons, Comte utilise souvent l'expression de « philosophie biologique ». Composée sur le modèle d'expressions comme « philosophie naturelle » ou « philosophie chimique », la « philosophie biologique » consiste dans les conceptions fondamentales de la « biologie » ; elle constitue donc la partie théorique de celle-ci. Cet usage a vieilli. On le trouve cependant encore chez certains auteurs qui entendent par là une certaine conception théorique très générale des phénomènes de la vie (par exemple : les travaux de X « témoignent d'une philosophie biologique qui... »). Dans le courant des xixe et xxe s., cependant, l'expression « philosophie biologique » a pris un sens plus vague. Elle a été appliquée à toute réflexion philosophique sur les phénomènes de la vie et sur les sciences de la vie en général – dans leurs aspects pratiques aussi bien que théoriques. Cet usage du terme est très libéral : il embrasse des questions épistémologiques et éthiques, et des méthodes philosophiques aussi différentes que l'on voudra (méthode historico-critique, analyse, phénoménologie, etc.).

La formule « philosophie de la biologie » a été, quant à elle, introduite en langue anglaise par W. Whewell, dans sa Philosophie des sciences inductives (1840). Dans ce livre, qui a établi l'usage en langue anglaise de l'expression « philosophie de la science », Whewell plaide aussi en faveur de l'usage du nouveau terme de biology par les Anglais. La « philosophie de la biologie » est comme un chapitre spécial de la philosophie de la science. Elle est constituée par la discussion critique de concepts, théories et méthodes spécifiques des sciences des phénomènes vitaux. Quoique éclairée par l'histoire des sciences, elle s'en distingue, car son but est de clarifier et critiquer.

Après Whewell, l'expression « philosophie de la biologie » a été utilisée sporadiquement, en Angleterre d'abord, puis en Amérique du Nord, mais on ne la trouve pas dans d'autres langues. Cependant, jusque dans les années 1960, il faut bien reconnaître qu'elle est dans la plupart des cas synonyme de « philosophie biologique », dont elle partage les ambiguïtés. Les choses ont changé après la publication par D. Hull, en 1969, d'un article intitulé « What Philosophy of Biology Is Not » [« Ce que la philosophie de la biologie n'est pas »]. Ce texte, écrit par un jeune philosophe, critiquait les tentatives pour faire entrer de force l'analyse philosophique des théories biologiques dans les catégories de la philosophie des sciences néopositiviste (par exemple, en tentant d'axiomatiser les théories biologiques, ou en appliquant un modèle unique de l'explication scientifique à l'ensemble des sciences empiriques). À la suite de cet article, l'expression « philosophie de la biologie » s'est répandue chez un certain nombre de philosophes et biologistes qui partageaient ce point de vue, ou qui s'accordaient au moins à voir là un objet de discussion légitime. Une communauté particulière s'est ainsi constituée, qui se distinguait à la fois d'une conception de la philosophie des sciences jugée trop unitaire, et des réflexions philosophiques variées sur les phénomènes de la vie. C'est ainsi que l'expression philosophy of biology a supplanté celle de biological philosophy, dont elle ne se distinguait guère auparavant. Les philosophes de la biologie, presque tous américains ou canadiens au départ, se sont reconnus dans une forme particulière de réflexion sur les sciences de la vie, que l'on peut en gros définir de la manière suivante : distinction de principe entre problèmes philosophiques et problèmes historiques, évitement des problèmes d'éthique (en tant qu'ils ne relèvent pas de la philosophie des sciences), méfiance à l'égard d'une « philosophie biologique » traditionnelle trop encline à parler de la vie et de l'organisme en général, refus d'une distinction en nature entre activité scientifique et activité philosophique, et (positivement) concentration de la discipline sur les problèmes conceptuels soulevés par les théories biologiques contemporaines (par exemple, définition des unités de sélection, statut ontologique de la catégorie d'espèce biologique, etc.).

La philosophie des sciences de la fin du xxe s. a été caractérisée par un « tournant régionaliste » (scepticisme à l'égard des conceptions générales de la science, concentration des recherches sur des secteurs particuliers de science) et par un « tournant historique » (scepticisme à l'égard des conceptions atemporelles de la science). L'émergence de la philosophie de la biologie est un excellent exemple du tournant régionaliste. Elle va, en revanche, à rebours du tournant historique. Pour cette raison, elle est en conflit avec ce que les philosophes continentaux appellent de préférence « épistémologie des sciences de la vie », « épistémologie » étant alors pris, le plus souvent, au sens d'une réflexion historico-critique sur les théories et pratiques scientifiques. Il y a là matière à un débat méthodologique fondamental. Cependant, il est clair que l'internationalisation du terme « philosophie de la biologie » tend aujourd'hui à en élargir le sens et à gommer cette distinction.

Jean Gayon

Notes bibliographiques

  • Duchesneau, F., Philosophie de la biologie, PUF, Paris, 1997.
  • Gayon, J., « La philosophie et la biologie », in Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV, « Le discours philosophique », J. Fr. Mattéi (dir.), PUF, Paris, 1998, pp. 2152-2171.
  • Hull, D., « What Philosophy of Biology Is Not », in Journal of the History of Biology, 2, 1969, pp. 241-268.
  • Hull, D., Philosophy of Biological Science, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall, 1974.
  • MacLaughlin, P., « Naming Biology », in Journal of the History of Biology, 35, 2002, pp. 1-4.
  • Ruse, M., Philosophy of Biology Today, State University of New York Press, Albany (NY), 1988.



biologie des causes prochaines, biologie des causes ultimes


Distinction due au biologiste germano-américain E. Mayr (Kempten, 1904).

Biologie

Distinction de deux types de sciences et d'explications biologiques : fonctionnelle et évolutionniste.

Les travaux de Mayr, professeur émérite de zoologie à l'université de Harvard, portent sur la taxinomie, sur la génétique des populations et sur la biologie de l'évolution. Dans un article de 1961, il distingue la question « comment ? », définissant la biologie fonctionnelle, de la question « pourquoi ? » définissant la biologie évolutionniste. La biologie fonctionnelle est celle des « causes prochaines » (proximate causes) ; la biologie évolutionniste, celle des « causes ultimes » (ultimate causes). Dans la première, le biologiste élimine, puis contrôle tous les paramètres jusqu'à ce qu'il puisse expliquer le rôle exact de l'élément qu'il considère. Établir ce fonctionnement de proximité est la tâche propre de la physiologie, de la biologie moléculaire ou de la biochimie. Dans la seconde, le biologiste cherche à comprendre l'existence d'une structure, d'un organe ou de caractères à l'aide d'un point de vue historique. Impressionné par la très grande diversité du monde organique, il cherche à connaître les raisons de cette diversité, à reconstituer les chemins suivis pour y parvenir. En génétique moléculaire, par exemple, le biologiste fonctionnel cherche à connaître la fonction du gène qu'il a identifié, ou le déclenchement de la synthèse d'une protéine, tandis que le biologiste évolutionniste s'intéresse aux lois qui contrôlent la conservation de ces processus de régulation. La migration des fauvettes, le 25 août, dans le New Hampshire, peut dépendre de causes physiologiques prochaines : une baisse de la quantité de lumière et de la température nécessaires à leur métabolisme, et de causes ultimes, comme l'absence d'adaptation de leur métabolisme aux conditions de l'hiver. L'addition de ces deux types de causes est nécessaire à la compréhension de tout phénomène biologique.

L'intérêt de cette distinction tient à la nature même de tout processus vivant, résultat de déterminations strictes, mais multiples, issues d'une histoire strictement déterminée, mais imprévisible.

Nicolas Aumonier

Notes bibliographiques

  • Mayr, E., « Cause and effect in Biology », in Science, 134, 3489, pp. 1501-1506, 1961 ; The Evolutionary Synthesis, 1980 ; The Growth of Biological Thought, 1982 ; Towards a New Philosophy of Biology, 1988 ; This is Biology, 1998.