béhaviorisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Calque de l'anglais behaviorism, de behavior, « comportement ».

Philosophie de l'Esprit, Psychologie

École de pensée qui considère que l'étude de l'esprit est essentiellement l'étude du comportement, et non celle d'états ou d'épisodes mentaux internes.

Le béhaviorisme psychologique

Le béhaviorisme florissant dans la première moitié du xxe s., a été largement influencé par le positivisme logique et sa conception de la probité scientifique (dont le critère principal est la vérifiabilité intersubjective). En psychologie, il a pris, sous l'impulsion de J.B. Watson(1) et B.F. Skinner(2), une forme essentiellement méthodologique et s'est développé en réaction à la psychologie introspectionniste de W. Wundt et W. James qui voyait dans la conscience, l'objet central de la psychologie et dans l'introspection, la méthode propre à son étude. Les psychologues béhavioristes soutiennent que la psychologie est la science de la prédiction et du contrôle du comportement, que les données sur lesquelles elle peut légitimement s'appuyer ne sont pas des états internes, mentaux ou neurophysiologiques, mais des faits physiques publiquement observables – les réponses physiques à des stimulations physiques – dont elle doit s'attacher à décrire les régularités. Skinner pensait pouvoir, à l'aide de la notion de conditionnement opérant, expliquer dans une large mesure la forme et les régularités manifestées par les comportements.

Le béhaviorisme philosophique

En philosophie, le béhaviorisme prend une portée métaphysique. Le béhaviorisme logique ou analytique emprunte le détour linguistique et soutient que les énoncés faisant apparemment référence à des états ou à des épisodes mentaux internes peuvent être analysés et traduits au moyen d'énoncés faisant référence au comportement observable, ou à des dispositions au comportement observable en réponse aux stimulations de l'environnement. Il postule donc que les attributions mentales sont sémantiquement équivalentes à des attributions de dispositions comportementales. Le béhaviorisme analytique de G. Ryle(3) prend pour cible l'idée dualiste d'une séparation radicale de l'esprit et de la matière. La réduction des propriétés mentales à des propriétés comportementales vise à remettre en cause l'idée que des processus mentaux complexes et mystérieux doivent nécessairement sous-tendre les actions observées. Chez C. G. Hempel(4), le béhaviorisme analytique se combine au physicalisme pour donner une forme plus radicale de réduction. Non seulement les énoncés psychologiques sont analysables en termes de comportements, mais les comportements eux-mêmes sont analysables en termes physiques. C'est donc une réduction des énoncés sur les états mentaux à des énoncés sur des comportements physiques, qui est proposée.

Le béhaviorisme peut aussi conduire à l'éliminativisme. Watson et Skinner semblent avoir été tentés par l'idée que les phénomènes mentaux n'existent tout simplement pas mais sont des fictions projetées sur les mouvements complexes des corps humains. W.V.O. Quine(5) est arrivé au béhaviorisme éliminativiste par d'autres voies. D'une part, la physique est pour lui la gardienne de l'ontologie (la physique décrit la structure ultime de la réalité et aucun événement ne peut se produire sans une redistribution d'états physiques). L'irréductibilité du vocabulaire intentionnel lui rend donc suspecte l'existence des entités mentales auxquelles ce vocabulaire prétend faire référence. Il s'appuie d'autre part sur la thèse de l'indétermination de la signification (le choix d'une interprétation est toujours sous-déterminé par la totalité des faits). Il existe selon lui entre la signification et les croyances des liens assez étroits pour que l'indétermination de la signification renvoie à l'indétermination des notions intentionnelles.

Déclin du béhaviorisme

Le béhaviorisme se présente comme une alternative au dualisme cartésien. Toutefois, le prix à payer – la répudiation de toute intériorité – peut paraître trop élevé. L'apparition d'autres alternatives au dualisme, comme la théorie de l'identité physicaliste proposée par J.J.C. Smart et U.T. Place dans les années 1950, puis le fonctionnalisme développé par H. Putnam et J. Fodor dans les années 1960, ont marqué son déclin philosophique. La célèbre critique par N. Chomsky de l'approche béhavioriste du langage, incapable de rendre compte des modalités effectives d'acquisition d'une langue par les enfants, et le développement du paradigme du traitement de l'information ont pareillement contribué à son discrédit en psychologie.

Élisabeth Pacherie

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Watson, J. B., le Béhaviorisme, trad. S. Deflandre, Centre d'études et de promotion de la lecture, Paris, 1972.
  • 2 ↑ Skinner, B. F., Pour une science du comportement : le béhaviorisme, trad. F. Parot, Delachaux et Niestle, Neuchâtel, Paris, 1979.
  • 3 ↑ Ryle, G., la Notion d'esprit : pour une critique des concepts mentaux, trad. S. Stern-Gillet, Payot, Paris, 1978.
  • 4 ↑ Hempel, C. G., « L'analyse logique de la psychologie », in Revue de synthèse, 10, 1938, pp. 27-42.
  • 5 ↑ Quine, W. V. O., Le mot et la chose, trad. P. Gochet, Flammarion, Paris, 1977.
  • Voir aussi : Merleau-Ponty, M., La Structure du comportement, PUF, Paris, 1942.

→ apprentissage, éliminativisme, esprit