argumentation

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Logique, Philosophie Antique

Au sens général, utilisation de raisonnements divers pour convaincre une personne ou un auditoire.

À côté de la logique – science des inférences valides –, Aristote faisait place à la dialectique comme étude de l'usage dialogique d'inférences fondées sur des prémisses seulement vraisemblables, ainsi qu'à la rhétorique, comme science des pratiques persuasives prenant en compte l'ethos de l'orateur – l'image qu'il donne de lui-même –, le logos – le choix des modes discursifs d'argumentation – et le pathos – la disposition affective de l'auditeur sur laquelle on joue(1). Si la démonstration logique se déploie a priori et sub specie aeternitatis, l'argumentation rhétorique est construite par quelqu'un et s'adresse à quelqu'un d'autre en un contexte déterminé. De cette tradition, la scolastique avait notamment conservé la pratique de la disputatio, entraînement scolaire au débat contradictoire. L'époque moderne inaugurée par Descartes abandonna avec la vieille logique la rhétorique. Ce que, dans un premier temps, confirma l'avènement au début du xxe s. de la logique formelle. Mais, avec le développement des techniques de communication, partant de la manipulation de masse (propagande, publicité), on a assisté à un renouveau des études de rhétorique(2) et même à l'apparition d'une logique non formelle traitant des modes non démonstratifs de raisonnement(3).

Dans sa complexité, l'argumentation comme stratégie de persuasion requiert une approche résolument pragmatique qui prenne en compte, outre la dimension « logique » (les divers types d'inférence, sans négliger les raisonnements fallacieux, souvent les plus convaincants), les dimensions psychologiques (croyances et désirs de l'auditoire), sociologique (intérêts et positions), idéologique (valeurs et idéaux partagés, « lieux communs » [topoï]). À quoi doit s'ajouter une dimension sémiologique, désormais essentielle dans la mesure où le logos ne se cantonne plus au simple discours (oral ou écrit) et use (et abuse) des fortes et sournoises séductions de l'image, du film, de la télévision, etc. L'argumentation ainsi n'est pas l'art de découvrir le vrai, mais bien « l'art d'avoir toujours raison »(4).

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Topiques, Vrin, Paris, 1967 ; Réfutations sophistiques, Vrin, Paris, 1977 ; Rhétorique, Livre I à III, Les Belles-Lettres, Paris, 1989, 1991.
  • 2 ↑ Perelman, C. et Olbrechts-Tyteca L., Traité de l'argumentation, la nouvelle rhétorique, PUF, Paris, 1958 ; Toulmin, S. E., les Usages de l'argumentation (1958), PUF, Paris, 1994.
  • 3 ↑ Walton, D. N., Informal Logic. A Handbook for Critical Argumentation, Cambridge UP, 1989.
  • 4 ↑ Titre d'un court traité de Schopenhauer (1864), trad. fr. H. Plard, Circé, Saulxures, 1990.