mouvement

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Esthétique

Ensemble cohérent d'artistes dont les œuvres, à un certain moment de l'histoire, partagent des caractéristiques stylistiques, idéologiques ou autres.

Le terme ne semble pas avoir connu une véritable fortune dans le vocabulaire de la critique littéraire ou de la critique d'art avant le xxe s. Ses connotations renvoient à la présence d'une dynamique, à l'action d'une force entraînante. Elles lui ont sans doute valu le succès qu'il connut dans un temps où la marche de l'histoire, l'avant-gardisme et la valeur du progrès étaient des articles de foi.

Dans ces usages critiques ou esthétiques, cette notion a souvent remplacé celle, beaucoup plus ancienne et nettement plus traditionnelle, d'« école » qui a toujours cours dès lors qu'il s'agit d'art antérieur à la modernité. La notion d'école renvoie originairement à un atelier placé sous la férule d'un maître qui y prodiguait son enseignement, mais elle connut rapidement une extension à de supposées « écoles » géographiques – l'école vénitienne, l'école flamande, voire l'école française ou anglaise – qui, si elles pouvaient encore se référer à la persistance d'une tradition transmise par imprégnation, tendaient néanmoins à diluer sa pertinence. Par ailleurs, « mouvement » se distingue aussi de « groupe », car la constitution d'une telle entité implique l'adhésion consciente de ses membres à un ensemble de valeurs, à des méthodes ou à un idéal communs et elle suppose souvent la participation à des manifestations conçues de concert.

Certes, le concept de mouvement artistique est flou ; mais il tire sa valeur opératoire du fait qu'il demeure englobant sans requérir des critères précis ni nécessiter l'existence d'un regroupement délibéré. Réunir au sein d'un « mouvement » des artistes dont les œuvres manifestent certaines affinités, cela permet de pallier la difficulté de saisir chaque artiste dans son irréductible singularité tout en évitant de transformer cette simplification nécessaire en un assujettissement de tous à des règles ou à des critères trop contraignants pour conserver une quelconque validité.

Ainsi, la constitution, par les artistes eux-mêmes ou, plus fréquemment, par leurs commentateurs, de mouvements permet de lever une contradiction fort partagée : le désir d'être unique et le besoin d'appartenir.

Denys Riout