Armand Viré

Biologiste et spéléologue français (Lorrez-le-Bocage 1869-Moissac 1951).

La spéléologie prend son essor dans les années 1880-1890, quand Édouard Martel commence à explorer la frange calcaire des Cévennes, puis descend dans les gouffres de Dargilan, Bramabiau et surtout Padirac, l'une des merveilles de la France souterraine. Armand Viré, son disciple et ami, l'accompagne souvent dans ses expéditions et découvre même certaines grottes, parmi lesquelles celle de Lacave, dans le haut Quercy, en 1904-1905. Ce scientifique, élève de Milne-Edwards au Muséum d'histoire naturelle, entame très tôt des investigations sur la faune cavernicole. Il ne tarde pas à se rendre compte que les collections du Muséum ne recèlent guère de matériaux d'étude utilisables, hormis quelques coléoptères desséchés. Aussi va-t-il, à partir de 1894, récolter sur place les animaux qui peuplent les cavités et dont on commence seulement à reconnaître la spécificité. Parallèlement, il s'intéresse aussi à l'hydrologie et à la préhistoire. Chercheur infatigable, il prend l'habitude de se déplacer dans le monde souterrain avec son attirail de cordages, d'échelles de corde, de bateaux de toile, de tentes et d'instruments de campement.

Parfois, sa corpulence de bon vivant lui joue des tours, comme le jour où, s'étant aventuré dans une partie encore inviolée du gouffre de Padirac, il reste coincé dans un étroit passage. Il est heureusement tiré d'affaire par ses trois compagnons d'exploration.

En 1899, Armand Viré devient, à la demande de Martel, administrateur de la société d'exploitation, à des fins touristiques, du gouffre de Padirac. Il dirige de main de maître les travaux d'aménagement du gouffre et de la rivière souterraine, si bien que la renommée du site grandit rapidement. En 1900, le public peut visiter, à l'Exposition universelle de Paris, un « Pavillon des merveilles souterraines », qui est une reconstitution des célèbres grottes. Quelques années plus tôt, Viré a suscité la création du premier laboratoire français pour l'étude des animaux peuplant les grottes et les cavernes. Une nouvelle science est en train de naître, celle de la vie dans le milieu souterrain ; il la baptise en 1904 « biospéléologie ».

En 1900 paraît la Faune souterraine. Dans cet ouvrage, Armand Viré étudie la faune cavernicole, dont les principales caractéristiques sont la cécité, totale ou partielle, et la dépigmentation. Si la faune terrestre est déjà assez bien étudiée à l'époque, la faune aquatique est encore mal connue. Et c'est surtout à cette dernière que l'auteur s'est intéressé. Il a lui-même découvert plusieurs espèces de crustacés cavernicoles. Ainsi les niphargus, crustacés amphipodes (c'est-à-dire à deux sortes de pieds), de couleur pâle, presque toujours transparents, aux yeux très rudimentaires ou absents, mais aux autres organes sensoriels relativement bien développés. Il a mené en laboratoire diverses investigations sur ces animaux, étudiant notamment leurs réactions en présence de la lumière (selon lui, la lumière impressionne les niphargus aveugles, et les impressionne désagréablement lorsqu'elle est vive, agréablement si elle est faible).

À la fin de son ouvrage, Armand Viré écrit que, à côté des faunes quaternaires et actuelles qui ont peuplé et viennent tous les jours peupler les cavernes, il pourrait bien y avoir « des résidus de faunes géologiques devenues fossiles dans tout le reste des continents et qui auraient survécu dans ce milieu des cavernes, moins soumis aux influences extérieures des climats ». Les découvertes de véritables « fossiles vivants » faites ultérieurement dans les profondeurs des grottes sont venues confirmer la justesse de ses hypothèses.

Le premier laboratoire souterrain

Le premier laboratoire souterrain



En 1896, Armand Viré parvient à convaincre son maître au Muséum, le naturaliste Alphonse Milne-Edwards, de créer dans une galerie des Catacombes, sous le Jardin des Plantes, un laboratoire d'un type nouveau. Dans ce laboratoire, qui naît en 1897 et dont il devient le directeur, il met en élevage et étudie les animaux récoltés lors de ses explorations souterraines ; parallèlement, il y soumet à l'obscurité d'autres animaux, vivant habituellement en surface, dont il observe les transformations. Le « laboratoire des Catacombes » a une existence éphémère : il est en effet détruit par la grande crue de la Seine en 1910. Ce n'est qu'en 1948 qu'un laboratoire souterrain de biospéléologie doté de puissants moyens d'investigation est créé en France : il s'agit de celui du CNRS, installé à Moulis, dans l'Ariège.