Alain Robbe-Grillet

Alain Robbe-Grillet
Alain Robbe-Grillet

Écrivain et cinéaste français (Brest 1922-Caen 2008).

Le chef de file du nouveau roman

Petit-fils d’instituteur, Alain Robbe-Grillet fait ses études à Paris. Diplômé de l’Institut national d’agronomie (1945), il est chargé de mission à l’Institut national de la statistique (1945-1948), puis est nommé ingénieur agronome à l’Institut des fruits et agrumes coloniaux – expérience qui le conduit au Maroc, en Guinée, à la Guadeloupe et à la Martinique (1949-1951). Après un premier roman refusé par les éditeurs (Un régicide, 1949, publié en 1978), il démissionne de l’Institut pour se consacrer à l’écriture. De retour en France métropolitaine, il publie les Gommes (1953) aux Éditions de Minuit dirigées par Jérôme Lindon – dont il sera l'un des conseillers littéraires jusqu’en 1985. Remarqué et soutenu notamment par Maurice Blanchot et Roland Barthes, il fait ensuite paraître le Voyeur (1955), qui obtient le prix des critiques, puis la Jalousie (1957). Cette trilogie, fondatrice du mouvement du nouveau roman, fait de lui le montreur d'un univers immobile, sans message ni mode d'emploi. Le monde n'est pas celui que l'on croit : si le meurtre, le viol, l'amour sont les « sujets » successifs de la trilogie, ils sont constamment pervertis. La redistribution effectuée est celle d'un regard étranger aux manipulations classiques du romancier thaumaturge : la cohérence, la stabilité, la psychologie, la chronologie, l'intrigue, la métamorphose sont ignorées. Le temps est en trop, l'espace est incertain et la description des décors, des objets, des mouvements et des reflets est d'autant plus rigoureuse, le quadrillage d'autant plus minutieux qu'il s'agit d'une déambulation sans signification.

Au début des années 1960, celui qui sera bientôt surnommé « le pape du nouveau roman » varie les registres : il publie un roman (Dans le labyrinthe, 1959), des nouvelles (Instantanés, 1962), ainsi qu'un essai regroupant ses principaux articles parus dans l’Express sur le « roman futur » et sur les « notions périmées » du genre romanesque (Pour un nouveau roman, 1963). Dans les fictions qui suivront (la Maison de rendez-vous, 1965 ; Projet pour une révolution à New York, 1970 ; Topologie d'une cité fantôme, 1976 ; Souvenirs du triangle d'or, 1978), la fascination de l'amour et de la mort se transformera peu à peu en thème obsessionnel, tandis que les choses et leurs descriptions prendront moins d'importance. Djinn (1981) adopte un ton nouveau, à mi-chemin du livre scolaire et du conte fantastique. À rebours de l'étiquette d'objectivité attachée à cette œuvre, les écrits les plus récents de Robbe-Grillet reflètent l'intrusion d'éléments ouvertement autobiographiques dans un univers fantasmatique et labyrinthique, en particulier dans la trilogie Romanesques : le Miroir qui revient (1985), Angélique ou l'Enchantement (1988) et les Derniers Jours de Corinthe (1994). En 2001, la Reprise marque le retour de l’auteur au roman.

L’octogénaire provocateur

Parallèlement à son œuvre littéraire, Robbe-Grillet s’est également consacré au cinéma. Scénariste et dialoguiste du film d’Alain Resnais, l'Année dernière à Marienbad (Lion d’or au festival de Venise en 1961), il tourne son premier long-métrage en 1963 : l'Immortelle reçoit le prix Louis-Delluc. Dans ses autres réalisations (Trans-Europ-Express, 1966 ; l'Homme qui ment, 1968 ; l'Eden et après, 1969 ; Glissements progressifs du plaisir, 1973 ; le Jeu avec le feu, 1974 ; la Belle Captive, 1983 ; Un bruit qui rend fou, en collaboration avec Dimitri De Clercq, 1995 ; C’est Gradiva qui vous appelle, 2006), on retrouve la même esthétique que celle qui parcourt l’œuvre écrite, une esthétique du regard où se déploient fantasmes érotiques et violences obsessionnelles.

Élu en 2004 à l’Académie française, Robbe-Grillet s’est toujours refusé à porter l’habit vert des académiciens. Provocateur et polémiste, il n’a pas souhaité être reçu sous la Coupole, et n'a d'ailleurs pas prononcé l’éloge de son prédécesseur, Maurice Rheims, comme l'exige la coutume. Il s’est éteint à l’âge de 85 ans des suites d’une crise cardiaque, après être revenu sur son parcours dans Préface à une vie d’écrivain (2005) – recueil formé d’entretiens radiophoniques pour France-Culture – et après avoir donné un dernier livre sulfureux et controversé, Un roman sentimental (2007).