Charles Valentine Riley

Entomologiste américain d'origine britannique (Londres 1843-Washington 1895).

Dans la seconde moitié du xixe siècle, le développement des échanges commerciaux favorise l'introduction d'insectes qui causent des dommages considérables aux cultures. Ces insectes passaient presque inaperçus dans leur pays d'origine, car ils y avaient des ennemis naturels qui empêchaient leur prolifération ; leur arrivée dans un nouveau milieu entraîne un déséquilibre et leur développement à une allure accélérée. Charles Riley a combattu de tels fléaux, en recommandant de nouveaux insecticides, mais surtout en préconisant l'utilisation d'insectes prédateurs ou parasites pour combattre les ravageurs des cultures ; il est ainsi devenu le promoteur de la lutte biologique.

Né à Londres, il quitte l'Angleterre à onze ans pour entrer dans un collège de Dieppe, en Normandie, puis, trois ans plus tard, il est inscrit dans une école privée de Bonn, en Allemagne. La mort de son père, qui le laisse sans argent, l'incite, en 1860, à émigrer aux États-Unis pour y tenter sa chance. Il débarque à New York et s'établit comme fermier dans l'Illinois. Au bout de quelques années, sa santé se détériore et il préfère troquer la charrue contre la plume. Devenu rédacteur en chef d'un journal agricole, il commence à se passionner pour l'entomologie et ses applications pratiques.

En 1868 (il n'a encore que vingt-cinq ans), les autorités du Missouri l'appellent à remplir la fonction d'entomologiste d'État, qu'elles viennent de créer. Dans les années qui suivent, il publie toute une série de rapports sur les dommages causés à l'agriculture par les insectes nuisibles. On évalue alors à des centaines de millions de dollars les pertes causées par la chenille du coton ou la mouche de Hesse – qui s'attaque au blé. Le doryphore, insecte coléoptère de la famille des chrysomélidés, interdit pratiquement la culture de la pomme de terre dans les régions de l'ouest des États-Unis. Le pou de San José, petite cochenille ronde et noire, étend ses ravages dans presque tous les centres fruitiers américains. Après avoir évalué les dégâts, Riley passe toujours en revue, dans ses rapports, les moyens les plus efficaces pour venir à bout des insectes nuisibles.

Il va apporter une aide considérable aux viticulteurs français dont les vignes sont, à l'époque, ravagées par le phylloxéra. Ce minuscule puceron, qui vivait aux États-Unis sur des vignes sauvages, avait été introduit accidentellement vers 1860 en Europe, où il s'était multiplié de façon alarmante. Après avoir préconisé des insecticides qui se révéleront d'une efficacité supérieure à ceux déjà employés, Riley fera envoyer dans le midi de la France des variétés résistantes qui seront utilisées comme porte-greffes ; ce procédé permettra de résoudre définitivement le problème du phylloxéra et consacrera en outre sa réputation d'« entomologiste appliqué ».

En 1878, il est appelé à Washington et, en 1881, il prend la tête du tout nouveau bureau d'entomologie du Département de l'agriculture. Il mène, entre autres, d'importantes études sur les ravages des sauterelles et les moyens de lutte dont on dispose contre ce fléau des cultures. Dans les années 1880, il s'attaque à la cochenille qui ravage alors les orangeraies de Californie et il en viendra si bien à bout par la lutte biologique qu'en deux ans les dégâts causés par cet insecte deviennent tout à fait insignifiants. Sa mauvaise santé conduit Riley à démissionner en 1894 de son poste au Département de l'agriculture. Il meurt un an plus tard en ayant légué sa très importante collection d'insectes (115 000 spécimens) au Muséum national d'histoire naturelle de son pays d'adoption.

Une coccinelle pour sauver les orangeraies

Une coccinelle pour sauver les orangeraies



Utiliser contre les insectes nuisibles certains autres insectes dits « auxiliaires » qui sont leurs ennemis naturels, tel est l'un des aspects de la lutte biologique. Le premier essai réussi de cette utilisation a eu lieu en 1889. Les vergers d'agrumes de Californie sont alors véritablement dévastés par une cochenille, Icerya purchasi, originaire d'Australie d'où elle a été importée par accident. Tous les insecticides connus se révèlent sans effet sur elle. Soupçonnant que l'innocuité de l'insecte dans son pays d'origine est due à la présence sur place de prédateurs qui limitent son développement, Riley obtient l'envoi d'une mission en Australie pour y rechercher les ennemis naturels de Icerya purchasi. Cette mission fait expédier en Californie divers prédateurs et parasites de la cochenille. On retient parmi eux la coccinelle Rodolia cardinalis, que l'on met en élevage et dont plus de 10 000 individus seront distribués dans les orangeraies infestées. Le succès dépasse les prévisions les plus optimistes : la coccinelle fait si bien son travail que Icerya purchasi disparaît bientôt des vergers de Californie, qui retrouvent leur productivité. Riley et ses collaborateurs viennent de donner une belle impulsion à la lutte biologique.