Constantin Samuel Rafinesque

Naturaliste américain d'origine française (Galata, Turquie, 1783-Philadelphie 1840).

Mort dans la misère et l'obscurité, Constantin Rafinesque a laissé près de 1 000 publications sur les sujets les plus divers, découvert des espèces nouvelles, préconisé un système de classement des êtres vivants en avance sur son temps, mis au point des préparations pharmaceutiques et conçu des perfectionnements techniques réalisés depuis.

Constantin Rafinesque, né dans un faubourg de Constantinople d'un père français et d'une mère grecque d'origine allemande, n'a qu'un an lorsque ses parents quittent la Turquie pour s'établir en France, près de Marseille. En 1792, sa mère, effrayée par les événements révolutionnaires, l'emmène, ainsi que son frère et sa sœur, à Livourne, en Italie. Son père, qui voyage pour ses affaires, meurt de la fièvre jaune à Philadelphie l'année suivante. Tout en complétant son éducation, le jeune Constantin dévore de nombreux livres, apprend quantité de langues étrangères et fait des excursions botaniques qui lui permettent de constituer un herbier. De retour à Marseille en 1797, il continue à herboriser dans la campagne provençale et à collectionner toutes sortes de coquillages, de poissons, de reptiles et d'oiseaux.

En 1800, il retourne à Livourne pour s'y initier au négoce. Deux ans plus tard, il part pour les États-Unis. Il travaille d'abord dans une maison de commerce de Philadelphie, puis entre au service d'un horticulteur. Il renoue avec les excursions botaniques, capture des reptiles pour le compte d'un naturaliste, fait la connaissance de plusieurs personnalités scientifiques de la toute jeune Amérique. Il doit pourtant regagner l'Italie en 1804. Il s'installe en Sicile et ne tarde pas à se lancer dans de petites entreprises commerciales (il fabrique notamment une poudre diurétique). Il excursionne dans l'île pour y recueillir des centaines de plantes et d'animaux. Il écrit aussi et, dans son Analyse de la nature (1815), donne une vision synoptique du monde animal, végétal et minéral.

Désireux de faire connaître ses œuvres en France, il est sur le point de partir pour Paris en 1815, mais les bouleversements liés au retour de Napoléon Ier (c'est la période des Cent-Jours) l'en dissuadent. Il s'embarque alors pour les États-Unis. Malheureusement, son bateau fait naufrage au large de Long Island, et il perd les 50 caisses contenant ses collections, ses dessins et ses manuscrits. Surmontant ce nouveau coup du sort, il s'empresse de reconstituer de nouvelles collections et voyage, à cet effet, dans différentes régions des États-Unis. En 1819, il publie un remarquable traité sur les mœurs des poissons de l'Ohio ; il y décrit de nombreuses espèces nouvelles.

Après avoir été professeur d'histoire naturelle dans le Kentucky, il s'installe en 1826 à Philadelphie, où il vit de plus en plus chichement malgré un labeur acharné. Il met au point une potion contre la tuberculose, fait des plans pour la construction de bateaux et de maisons ignifuges, propose le percement d'un canal à Panamá, gère une caisse d'épargne populaire fonctionnant selon une formule de sa conception. Ses écrits, nombreux, portent aussi bien sur la géographie ou les mœurs que sur l'économie, la paléontologie, la religion, l'histoire et surtout la botanique. Dans les milieux scientifiques, on lui reproche une production trop abondante et manquant de rigueur.

Le 18 septembre 1840, il meurt d'un cancer dans une soupente de Philadelphie. Son nom n'est tiré de l'oubli qu'à la fin du xixe siècle. On s'aperçoit alors qu'il avait entrevu, cinquante ans avant Pasteur, la vérité sur les maladies microbiennes, qu'il avait esquissé, vingt ans avant Darwin, une théorie crédible de l'évolution, et qu'il avait, le premier en Amérique, tenté d'élaborer une classification rationnelle des animaux et des plantes.

Pour une meilleure classification

Pour une meilleure classification



Constantin Rafinesque écrivait en 1837 : « La vérité est que les espèces, et peut-être aussi les genres, se forment en êtres organisés par un processus de variations graduelles dans leurs formes et leurs organes, qui s'effectuent au cours d'un long espace de temps. Il y a, dans les plantes et les animaux, une tendance aux changements et aux déviations, qui s'opère par étapes graduelles, à des périodes irrégulières... Chaque variété représente une variation devenue permanente par la reproduction... Il n'est pas impossible de déterminer les espèces primitives d'où toutes les plantes actuelles sont dérivées ; il existe de nombreux moyens de les déterminer – l'histoire, le lieu, le nombre... Cette manière de voir permettra de donner de la botanique et de la zoologie une explication différente et beaucoup plus simple. Les races, les familles et les variétés de singes, de roses, de pommes, de blé... peuvent être ramenées à une ou plusieurs espèces primitives auxquelles on peut donner les noms de quelques espèces actuelles ; en établissant une sorte d'arbre généalogique et des tables, on aboutira à une meilleure classification qui rendra compte des changements et de la diversification apportés par le temps » (Herbarium Rafinesquianum).