Louis Roule

Zoologiste français (Marseille 1861-Versailles 1942).

Tôt attiré par la biologie, Louis Roule mène de front deux doctorats : l'un ès sciences, l'autre de médecine. Maître de conférences à la faculté des sciences de Toulouse, il devient, la trentaine à peine dépassée, professeur de zoologie à cette même faculté. Sa nomination, en 1910, à la chaire d'ichtyologie et d'erpétologie du Muséum national d'histoire naturelle l'amène à quitter le midi de la France pour Paris. Il y poursuit son existence de chercheur, définie par lui comme « une vie à l'écart, presque en dedans et recluse, confinée dans le laboratoire et l'exploration, ne s'extériorisant que par la leçon, la publication et par la démonstration pratique ».

La première publication scientifique de Roule, en 1881, concerne les ascidies. À l'époque, les spécialistes sont divisés à l'égard de ces animaux marins dont le corps est recouvert d'une tunique de nature cellulosique, et qui ont généralement la forme d'une outre percée de deux orifices, le siphon buccal et le siphon cloacal : tantôt on les rapproche des mollusques, tantôt on les considère comme voisines des vertébrés. C'est vers cette dernière thèse que penche Roule, qui conduit de nombreuses recherches sur l'anatomie et l'embryologie de divers groupes d'invertébrés marins. Il étudie ainsi une espèce qu'il a découverte dans l'étang de Thau ; elle fait partie des phoronidiens, qui constituent à eux seuls une classe parmi les vers, et son développement embryonnaire est très curieux : il comporte d'abord la formation d'une larve libre et nageante, qui tournoie dans l'eau comme une toupie munie d'expansions latérales ; puis l'animal subit une métamorphose compliquée avant d'aboutir à sa structure définitive, vermiforme.

Une fois professeur au Muséum, Louis Roule se consacre presque exclusivement à l'étude des poissons. Il a l'occasion d'inventorier de grandes collections, notamment celles rassemblées par le commandant Jean-Baptiste Charcot dans l'Antarctique et par le prince Albert de Monaco. C'est parmi ces dernières qu'il découvre une espèce qu'il baptise Grimaldichthys profundissimus, poisson abyssal qui a été remonté, lors d'une des croisières du prince, d'une profondeur de 6 035 mètres, près des îles du Cap-Vert. L'unique exemplaire recueilli mesure 220 mm de long. Il appartient à la famille des brotulidés, dont les représentants vivent dans les fonds des zones côtières tropicales ainsi que dans les flaques de quelques cavernes en Amérique centrale. Il se caractérise, nous dit Roule, par un corps gracile, des téguments délicats et à peine colorés, des écailles petites et juxtaposées plutôt qu'imbriquées, des yeux de faible dimension, mais bien présents.

Louis Roule, qui a également beaucoup travaillé sur les poissons migrateurs, s'est toujours préoccupé de faire appliquer les méthodes scientifiques au développement de la pisciculture et à l'amélioration de la pêche. « Le milieu aquatique, dit-il, ayant sur les êtres qui l'habitent une emprise plus forte que celle du milieu terrestre sur les siens, l'élevage des poissons doit, à tout instant, se conformer aux règles spéciales de la vie dans l'eau. » Afin de répandre ces connaissances, il publie une série de petits livres illustrés (Manuel de pisciculture, Structure et Biologie des poissons, etc.). Son grand ouvrage, les Poissons et le Monde vivant des eaux (1925), met à la portée de tous l'ichtyologie et les méthodes fondamentales de la pisciculture. Ardent admirateur des naturalistes français du xviiie siècle et du début du xixe, il a aussi laissé des écrits sur Buffon, Louis Daubenton, George Cuvier, Jean-Baptiste Lamarck.

Pourquoi migrent-ils ?

Pourquoi migrent-ils ?



Les investigations de Louis Roule sur les poissons migrateurs portent sur le saumon, les aloses, l'esturgeon, espèces partageant leur existence entre les eaux marines et les eaux douces ; sur les muges et les daurades, qui, comme les anguilles, habitent les étangs salés et saumâtres du littoral ; enfin, sur le thon de la Méditerranée, espèce entièrement marine.

Il en vient à la conclusion que ces poissons ne sont pas, comme on le croyait alors, guidés dans leurs déplacements par quelque impulsion intérieure, une faculté spéciale de mémoire et d'orientation leur permettant de se repérer sur leur route, mais que leurs migrations sont déterminées, en fait, par l'action sur l'organisme des conditions physiques et chimiques du milieu extérieur (salinité, température de l'eau, quantité d'oxygène présente dans l'eau, etc.). Il établit, par exemple, que les saumons se dirigent vers les eaux les plus riches en oxygène dissous à l'époque de la saison froide, où cette proportion atteint son maximum ; et il observe que les aloses et l'esturgeon montrent une sensibilité complémentaire à la température, car ils pondent seulement dans des eaux à 17 ou 18 °C alors que le thon a besoin, pour frayer, d'une température minimale de 20 °C.