Jean-Pierre Gibrat

Dessinateur et scénariste français de bandes dessinées (Paris 1954).

Premiers travaux

Il connaît une enfance paisible à Rueil-Malmaison, dans une famille marquée par son engagement syndical. Quoique intéressé par l'Histoire, il passe en 1972 un baccalauréat de philosophie, à l'issue duquel il entame des études de graphisme publicitaire (1973) puis d'arts plastiques (1975).

En 1977, il met un terme à sa vie d'étudiant et publie ses premiers travaux dans les pages du magazine Pilote, des récits complets qui seront compilés en 1980 sous le titre Visions futées (Éditions Dargaud). À partir de 1978, il crée, avec Jackie Berroyer, Goudard, un adolescent malmené par mille et une péripéties. Ses aventures paraissent dans l'Hebdo de la BD, puis dans Charlie Mensuel (1978) et Fluide Glacial (1980). En 1982, les deux auteurs collaborent à la création de la Parisienne, femme libérée. La créature, après quelques histoires parues dans Pilote, rejoindra Goudard dans ses albums (1983, 1984 et 1985 chez Dargaud).

En parallèle, Jean-Pierre Gibrat réalise de nombreuses illustrations pour la presse (l'Èvénement du Jeudi, le Nouvel Observateur, l'Ordinateur de poche, Sciences et Avenir, Je bouquine). En 1989, il illustrera également, pour les Éditions Dargaud (collection L'Archer vert), les Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur.

Des collaborations surprenantes

Aimant surprendre son entourage et son lectorat, il entame en 1985 une collaboration inattendue avec Dany Saval, la compagne de Michel Drucker. Ils signent ensemble l'Empire sous la mer (Éditions n° 1), aventure mettant en scène Zaza, la célèbre chienne du couple télévisuel. Le personnage est repris ensuite par Lebreton (Éditions Michel Lafon).

Jean-Pierre Gibrat enchaîne alors des travaux variés : Sébastien fait ce qu'il peut, pour le magazine Bonheur (1985) ; Médecins sans frontières, pour le magazine Okapi (Mission en Afrique, avec Guy Vidal, 1988 ; Mission en Thaïlande, 1991 ; Mission au Guatemala, avec Dominique Leguillier, 1994) ; Pinocchia (sur un scénario de Francis Leroi, pour les Éditions Albin Michel, 1995), adaptation très légèrement vêtue du classique italien de Collodi ; Marée basse (avec Daniel Pecqueur, pour la collection Long Courrier des Éditions Dargaud, 1996), conte intemporel mêlant onirisme et fantastique. Il collabore également à plusieurs ouvrages collectifs à caractère érotique des Humanoïdes Associés : Noëls fripons (1990), Été fripon (1991).

Rendez-vous avec l'Histoire

Ces multiples travaux semblent trouver leur aboutissement dans le Sursis, dont le premier tome paraît en 1997 aux Éditions Dupuis (collection Aire Libre). Son héroïne, Cécile, porte en elle les forces et faiblesses des nombreux personnages féminins qu'il a mis en scène, et est nimbée d'une sensualité nouvelle. Le trait du dessinateur évolue vers une douceur inédite, merveilleusement rendue par la couleur, laquelle, patiemment travaillée à l'aquarelle, confère aux ambiances et aux lumières une place de premier ordre. Le scénario, enfin, permet à Gibrat de renouer avec son goût pour l'Histoire, qu'il observe du point du vue des plus humbles : celui de villageois aveyronnais durant l'Occupation. Le Sursis connaît un formidable succès critique et public. Le second tome, qui paraît en 1999, clôt le diptyque avec la même virtuosité.

Quelques années plus tard, Gibrat connaît un nouveau succès en utilisant des éléments similaires, qu'il marie avec subtilité, douceur, réalisme et humour : le Vol du Corbeau (2002 et 2005, Éditions Dupuis, collection Aire Libre), qui prend place dans le Paris de l'Occupation, met en scène une autre héroïne inoubliable, Jeanne. Sous les pinceaux de l’artiste, la capitale occupée connaît une nouvelle vie, vie portée par des personnages attachants, profondément humains, auxquels Gibrat donne une forte densité, qu'ils occupent les premiers ou seconds rôles.

Au plus près des êtres

On retrouve, dans les œuvres suivantes, les préoccupations chères à l’auteur : les relations humaines, dans les Gens honnêtes (2008), chronique sociale narrant la descente aux enfers d'un quinquagénaire licencié (dont il signe le scénario pour le dessinateur Christian Durieux, aux Éditions Dupuis, collection Aire Libre), et l'Histoire, toujours, en suivant les pas de Mattéo, fils d'anarchiste espagnol qui traverse l'Europe d’une Guerre mondiale l’autre (Mattéo, Éditions Futuropolis, 2008).

Grand Prix du Festival de Solliès-Ville (1998), Grand Prix du Festival Quai des Bulles à Saint-Malo (2004), Prix du Dessin du Festival d'Angoulême en 2006 pour le Vol du Corbeau, Jean-Pierre Gibrat allie finesse du trait, de la couleur, des dialogues et de la narration. Artiste minutieux qui reconnaît sa lenteur à composer, il ne cesse de remettre son dessin et sa palette en question pour servir au mieux ses personnages, ses décors, ses ambiances. Admirable observateur des comportements humains, il entremêle petites et grande histoires au sein d'albums captivants tant par la richesse de leurs détails que par l'attachante humanité de leurs protagonistes.