John James Audubon

Ornithologue et peintre américain d'origine française (Les Cayes, île de Saint-Domingue [aujourd'hui Haïti], 1785-New York 1851), auteur de très belles et nombreuses planches d'oiseaux et de quadrupèdes.

L'éveil d'une vocation

Il naît d'une liaison que son père, un Breton capitaine au long cours et planteur, entretient avec une créole. Sa mère meurt peu de temps après sa naissance. La plus grande partie de son enfance s'écoule dans la campagne nantaise. Il commence très jeune à dessiner les petits animaux des champs et les oiseaux, mais s'irrite de son peu d'habileté à reproduire ce qu'il voit : « Plus mes oiseaux étaient mal peints, plus les originaux me semblaient admirables. » Son père lui fait étudier le dessin à Paris dans l'atelier du peintre David, puis l'envoie en 1803 en Amérique, en Pennsylvanie où il possède une propriété.

Le jeune homme découvre des horizons beaucoup plus vastes que ceux auxquels il est habitué, et une nature presque encore vierge. Équipé d'une longue-vue, d'un fusil de chasse et d'une grande gibecière, il se lance dans l'inventaire des espèces à poils et à plumes qui l'entourent. Il naturalise les animaux et collectionne des spécimens. Il dessine les oiseaux tout de suite après les avoir tués et après avoir donné à leur dépouille une attitude « vivante » (mais parfois peu naturelle) en la maintenant par une armature en fil de fer. Ses connaissances théoriques en ornithologie sont peu étendues, mais son insatiable curiosité le pousse à l'ingéniosité. Ainsi, pour savoir si les oiseaux reviennent nicher au même endroit, il a l'idée de fixer un léger fil d'argent aux pattes de certains d'entre eux, devançant de près d'un demi-siècle le baguage.

Piètre agriculteur, Audubon se lance dans le commerce, où il échoue piteusement. Ruiné, il décide en 1820 de compléter sa collection de dessins pour les publier. Utilisant pour vivre ses talents de portraitiste, il visite des territoires qu'il ne connaît pas, cherchant toujours de nouvelles espèces.

Premières publications

En 1826, Audubon est en quête d'un éditeur, d'abord en Amérique, puis en Angleterre et à Paris. En Europe, la qualité du travail de celui que l'on surnomme « l'homme des bois » est tout de suite reconnue. Malgré toute l'admiration que suscitent ses dessins, les souscripteurs sont pourtant difficiles à trouver, chacun d'eux devant payer 1 000 dollars, somme énorme pour l'époque. Aussi faut-il près de dix ans pour que l'ouvrage paraisse intégralement. Tandis que l'éditeur londonien effectue la gravure des planches, Audubon prépare, avec la collaboration d'un jeune naturaliste, Mac Gillivray, ses Biographies ornithologiques. Elles constituent un commentaire de ces planches, et l'on y trouve aussi bien des descriptions minutieuses des oiseaux, de leur habitat, de leurs mœurs que des récits d'expéditions et des scènes de chasse.

La célébrité

Jean-Jacques Audubon acquiert la célébrité avec ses Oiseaux d'Amérique. Publié à Londres entre 1827 et 1838, cet ouvrage prestigieux, « le plus magnifique monument que l'art ait jamais élevé à l'ornithologie » selon Georges Cuvier, comporte 435 planches d'un format de 1 mètre sur 75 centimètres, gravées sur cuivre et coloriées à la main, représentant 1 065 oiseaux qui appartiennent à près de 500 espèces distinctes.

En ces temps où la photographie n'existe pas, les oiseaux sont généralement dessinés en cabinet, d'après des sujets empaillés. Ils sont ternes et leurs attitudes n'ont rien d'authentique. Les oiseaux d'Audubon, en revanche, sont pleins de dynamisme et de couleurs. Le cadre familier dans lequel ils évoluent est suggéré par une branche d'arbre, des plantes ou un paysage évocateur. Sur beaucoup de planches figurent le nid, les œufs ou les petits. Un oiseau de proie est illustré avec une proie entre les serres. Les yeux grands ouverts d'une chouette, alors que tout sommeille sur la rive d'un cours d'eau, symbolisent les mœurs nocturnes de cet animal.

Un autre ouvrage d'Audubon, les Quadrupèdes vivipares de l'Amérique du Nord, constitue également un document précieux sur la faune américaine de son époque. C'est en 1839 qu'Audubon décide d'entreprendre les Quadrupèdes. Il est encouragé dans cette tâche par le pasteur John Bachman, un chercheur patient et méthodique dont les connaissances sur les mammifères américains étaient au moins égales aux siennes sur les oiseaux. Le pasteur l'aide à rédiger les textes de l'ouvrage, tandis que deux des fils d'Audubon, Victor et John Woodhouse, tous deux peintres, collaborent aux dessins. John Woodhouse, le plus doué des deux, terminera les planches de son père quand celui-ci ne pourra plus travailler, et il est malaisé, la plupart du temps, de savoir lequel des deux a réalisé telle ou telle gravure.

Pour réunir la documentation nécessaire à son travail, Audubon écrit à des correspondants susceptibles de lui fournir des spécimens des mammifères. Ses instructions concernant la conservation paraissent curieuses, mais elles sont révélatrices des méthodes utilisées à l'époque. Ainsi, des lièvres « doivent être placés dans un tonnelet de rhum yankee ordinaire, aussi vite que possible après leur mort, une incision doit être pratiquée dans leur abdomen […], du rhum doit être introduit par cette ouverture dans le ventre de l'animal jusqu'à ce qu'il soit bien rempli. »

Comme ses oiseaux, les mammifères d'Audubon dégagent une extraordinaire impression de vie et de mouvement. Les animaux sont représentés dans leur environnement habituel, près de leur nid ou de leur terrier, en compagnie de leurs petits, de leurs congénères et, parfois, de leur ennemi mortel. Quelques-unes des planches sont de véritables tableaux chargés d'intensité dramatique. Le cerf-mulet est représenté épuisé, blessé, tandis que le chasseur approche au milieu des hautes herbes ; la loutre du Canada vient d'être prise dans un piège, toute son attitude respire la douleur et la terreur ; en revanche, le renard gris argenté paraît dans une joyeuse expectative car il flaire l'odeur d'un oiseau de basse-cour (on voit une plume voltiger au-dessus de son museau) ; attentif, l'ours scrute l'eau glacée à la recherche d'une quelconque nourriture ; plus favorisé, l'opossum, « dont toute la morphologie est admirablement adaptée aux besoins d'un animal paresseux », récolte sans se fatiguer des kakis mûrs, son mets favori. Audubon travaillait comme l'écologiste et l'éthologiste modernes. Il observait attentivement les animaux, notait leurs mœurs et ne les concevait que replacés dans leur habitat.

Les dernières années

En 1843, Audubon effectue un voyage dans l'Ouest américain, qui, à l'époque, s'ouvrait tout juste aux conquérants. En compagnie de trappeurs et de chasseurs de bisons, il s'embarque sur un vapeur à destination de Fort Union, comptoir de l'American Fur Company situé sur le Missouri, non loin du confluent avec la Yellowstone. Là, il passe deux mois à essayer de collecter des spécimens de mammifères. Il est le témoin indigné des massacres de bisons auxquels on se livre alors. « Les prairies sont parfois couvertes de leurs dépouilles. Ceci ne pourra pas durer… D'ici quelques années, le bison aura disparu des grandes plaines de l'Ouest américain. » Il voit, de loin, des mouflons des Badlands – espèce aujourd'hui éteinte –, mais il capture vivants un blaireau, un daim et même un renard nain.

À son retour dans l'Est, Audubon se réinstalle dans sa maison des bords de l'Hudson, dans l'île de Manhattan, aujourd'hui dans la ville de New York. Dans ces lieux alors encore presque déserts, il continue à observer la vie sauvage. En 1846, sa santé décline et sa vue baisse. Il vit pourtant assez longtemps pour voir paraître – entre 1845 et 1848 – les 150 planches des Quadrupèdes, mais, quand le dernier volume des textes correspondant à ces planches fut publié, en 1854, il était mort depuis déjà trois ans.

Audubon et les quadrupèdes vivipares d'Amérique

Audubon et les quadrupèdes vivipares d'Amérique



Grand chasseur et pourtant défenseur de l'environnement, Audubon a beaucoup chassé dans sa vie. Il tuait pour se nourrir, pour satisfaire son inlassable curiosité – mesurer la longueur d'un bec, vérifier l'aspect d'une patte, examiner le contenu d'un estomac – et, bien sûr, pour se procurer des modèles. Il ne travaillait, que sur des spécimens fraîchement collectés afin de mieux restituer l'apparence de la vie. Poussé par le désir incessant de découvrir de nouvelles espèces, il se livrait parfois à de véritables massacres. À propos de la sarcelle à ailes bleues, il écrit ingénument : « Pendant leur première apparition, en automne, quand on a affaire à une bande entièrement composée de jeunes oiseaux, on peut, en s'y prenant bien, en tuer un nombre considérable d'un seul coup. » À son époque, la nature américaine était presque intacte et le capital faune paraissait inépuisable. Mais certaines espèces étaient en fait déjà menacées par l'homme et, le premier, Audubon en prit conscience : « Avant qu'il soit longtemps, le bison d'Amérique aura disparu, tel le grand pingouin ; cela ne devrait pas être permis. » Comme le pigeon migrateur, espèce typiquement nord-américaine, nombre d'espèces dessinées par lui sont aujourd'hui éteintes.