Ariane Mnouchkine

Metteur en scène de théâtre français (Boulogne-sur-Seine 1939).

Fille du producteur de cinéma Alexandre Mnouchkine (1908-1993), Ariane Mnouchkine choisit la voie du théâtre en fondant l’Association théâtrale des étudiants de Paris (1959). Ayant réalisé sa première mise en scène en 1961 à partir de Gengis Khan de Henry Bauchau, elle est l’un des membres du groupe d’acteurs et de metteurs en scène qui créent le Théâtre du Soleil en 1964. Constituée sous la forme d’une coopérative ouvrière, cette troupe favorise le principe des créations collectives mais deviendra peu à peu une équipe dont Ariane Mnouchkine est la directrice et, rapidement, l’unique metteur en scène. En 1967, celle-ci monte la Cuisine d'Arnold Wesker.

Une mise en perspective critique de l’Histoire

Pour son spectacle 1789 en 1970, la troupe du Soleil s’installe à la Cartoucherie de Vincennes, ancien bâtiment militaire situé à l’Est de Paris : cette pièce, ainsi que 1793 (1972) et l’Âge d’or (1975), inventent une utopie théâtrale qui revisite l’Histoire dans un esprit critique d’après mai 1968 et fait éclater les limites de la scène. Après le tournage du film Molière ou la Vie d'un honnête homme, interprété par la troupe et pour le rôle-titre par Philippe Caubère en 1978, Ariane Mnouchkine abandonne son style marqué par l’agit-prop et les références à commedia dell’arte pour un art du jeu et de l’action inspiré des différents théâtres asiatiques.

Dans une esthétique orientaliste, elle met en scène un cycle Shakespeare (Richard II en 1981, la Nuit des rois en 1982 et Henry IV, première partie, en 1984), puis, plus tard, l’ensemble des Atrides d’après Eschyle et Euripide (1990-1991). La rencontre avec l’écrivain Hélène Cixous permet à Ariane Mnouchkine d’entrer dans un nouveau chapitre où la théâtralité orientale est mise au service de grandes fresques historiques et politiques. Une série de pièces de Cixous, construites à la manière de chroniques shakespeariennes, va donner une vision du passé récent de plusieurs pays d’Asie : le Cambodge (l'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, 1985), la partition entre l’Inde et le Pakistan (l'Indiade ou l'Inde de leurs rêves , 1988), le Tibet (Et soudain des nuits d’éveil, création collective d’après une idée de Cixous, 1998), la Chine (Tambours sur la digue, 1999).

Un théâtre du contemporain

Certains spectacles récents du Soleil mordent dans une actualité plus proche dans le temps et dans l’espace : ils peuvent dénoncer le scandale du sang contaminé en France (la Ville parjure de Cixous, 1994), critiquer l’intégrisme à travers une transposition du Tartuffe de Molière dans le monde islamiste (1995), plaider pour les « boat-people » et les miséreux tentant de s’infiltrer dans les pays riches (le Dernier Carvansérail, 2003) et dépeindre la vie des anonymes dans la France de ces dernières décennies (les Ephémères, 2006).

Ariane Mnouchkine, dont l’œuvre est l’une des plus originales du théâtre français, donne une vision de l’Histoire et du monde où nous vivons dans une réinvention totale de l’interprétation et de l’image. La puissance du jeu s’inscrit dans une beauté picturale toujours renouvelée et un environnement musical permanent. Ses spectacles refusent délibérément le réalisme et le parler quotidien du cinéma. Elle est néanmoins, par ailleurs, une cinéaste. Outre son Molière, elle a réalisé trois films pour la télévision : la Nuit miraculeuse (1989) et, tirés de ses spectacles, Tambours sur la digue (2000) et le Dernier Caravansérail (2007).