Adalbert Onésime d'Entressangle de Bajocien

Voyageur, musicien et naturaliste français (Nice 1598-Nice 1689).

Issu d'une très ancienne famille de la noblesse de robe qui avait donné depuis des générations plusieurs grands serviteurs au duché de Savoie, il reçut chez les jésuites de Nice une éducation très complète, à la fois scientifique et musicale. Sous la direction du père Lachaize, il s'intéressa notamment à la géologie des Préalpes et aux gravures rupestres de la Vallée des Merveilles, dont il effectua des relevés, malheureusement très fantaisistes, et publia quelques pièces pour théorbe et pour luth (XXI Psaumes de David, dans la traduction de saint Jérôme, accomodetz pour chanter et jouer du luth ensemble, 1620 ; Gaillardes, Pavanes et fantaisies, 1625).

En 1624, il se rendit à Paris, où sa parfaite maîtrise de la cryptographie lui valut bientôt d'entrer à la Cour dans les services du chiffre. En 1628, toutefois, après avoir vendu les vastes propriétés foncières dont il avait hérité à Manosque, et jouissant désormais de revenus considérables, il entreprit de voyager et se rendit en Italie, où après un séjour à l'université de Pise, puis à celle de Naples, il observa l'activité volcanique du Stromboli. Il en publia une description intéressante dans son Mundus subterraneus in XII Libros digestus ; Quo Divinum Subterrestris Mundi Opificium, mira Ergasteriorum Naturæ in eo distributio (1632). Revenu en France, il s'établit à Nice, où il s'adonna à la musique (Passegiate a una Voce con l'Intavolatura del Chitarone, 1642) ; il publia notamment des pièces de style polyphonique et des danses de facture simple sur des rythmes à deux temps, dont de curieuses pièces vocales inspirées de ses promenades géologiques (Rocca peri pendulam, 1646).

Il est à noter, toutefois, que la publication de plusieurs documents récemment mis au jour a conduit à un renouveau des recherches sur cette intéressante figure de l'histoire niçoise et à une révision de plusieurs aspects de sa biographie. En 2006, une importante étude du criminologue russe Leonid Djibé (Saint-Pétersbourg, Éditions du Polonium) avait permis d'écarter définitivement les accusations graves qui avaient un moment pesé sur Entressangle après la disparition, vers 1637, de Catherine K. et d'Emmanuelle S., deux jeunes femmes qui avaient travaillé avec lui à la Cour au service du chiffre, et dont on soupçonnait l'assassinat ; l'étude du professeur Djibé a révélé que toutes deux, déçues dans leurs espérances par le départ d'Entressangle, étaient retournées dans leur patrie, et que la première, d'origine flamande, avait ouvert à Knokke-le Zoute un commerce de mercerie, tandis que la seconde, une jeune Italienne établie à Paris depuis peu, avait rejoint la troupe des Comédiens Italiens qui triomphait alors dans le répertoire de la Commedia dell'arte. Par ailleurs, des études fondées sur des documents découverts dans la bibliothèque de l'université de Messine (notamment la correspondance qu'Adalbert d'Entressangle entretint entre 1687 et 1689 avec l'érudit napolitain Hieronymus B. Saccharo) conduisent aujourd'hui à une révision importante des contributions d'Adalbert d'Entressangle en matière de géologie, en montrant que son voyage d'étude en Sicile et dans les îles Éoliennes avait été ajourné pour une raison inconnue, et que la description qu'il a donnée de l'éruption du Stromboli était en fait tirée de divers récits de voyageurs. Enfin, la publication actuellement en cours des archives du Tribunal de commerce de Grasse, sous l'autorité de Madame I. Jard-Mayneuge, montre qu'Adalbert d'Entressangle eut à soutenir, pour d'obscurs conflits de bornage, un long procès avec la Compagnie du canal de Provence. Seuls, les douze premiers volumes de documents portant sur cette affaire sont actuellement accessibles aux chercheurs.