rayonnisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Ce mouvement (en russe " Loutchisme "), fondé à Moscou par Michel Larionov, est l'une des premières manifestations de peinture abstraite. Une exposition de Turner que Larionov voit à Londres en 1906 le conduit à réfléchir sur le problème de la lumière en peinture et l'artiste se met à concevoir les formes comme des faisceaux de lignes à la manière de rayons lumineux — d'où le terme Rayonnisme. En 1909, à la Société de la libre esthétique à Moscou, Larionov expose sa première toile à tendance rayonniste, le Verre (New York, Guggenheim Museum), qu'il laisse accrochée un jour seulement, et qu'il présentera de nouveau trois ans plus tard, à l'exposition de la Queue d'âne, en compagnie d'autres œuvres rayonnistes. En 1910, Natalia Gontcharova et les frères David et Vladimir Burliuk se joignent à lui : ils fondent le groupe du Valet de carreau et exposent des œuvres de Gleizes, Le Fauconnier, Lhote, Kandinsky. En 1911, ils accueillent le groupe de Munich, mais Larionov quitte le Valet de carreau, qui se constitue en société à statuts, et rédige le Manifeste du Rayonnisme, signé par 11 artistes. Publié seulement en 1913, le Manifeste fait connaître les principes de Larionov : le but de la peinture est de suggérer une 4e dimension, la toile doit donc se situer d'elle-même hors du temps et de l'espace et, pour cela, être composée uniquement de rayons de couleur, non seulement parce que la couleur est la " loi gouvernante ", mais aussi parce que c'est sa tonalité et le degré de sa force qui donnent une signification aux formes nouvelles que crée le peintre. Larionov illustre ses théories en organisant à Moscou l'exposition la Cible (1913), première manifestation rayonniste importante. En juin 1914, il expose à Paris chez Paul Guillaume en compagnie de Gontcharova et trouve en Apollinaire, qui rédige le catalogue, un défenseur convaincu du Rayonnisme.

La déclaration de guerre le ramène en Russie. Démobilisé pour raison de santé, Larionov participe à l'exposition Année 1915, où l'on peut aussi voir les premiers contre-reliefs de Tatlin. Il rejoint alors Diaghilev en Suisse. La carrière du Rayonnisme s'acheva ainsi, mais son influence fut très grande. Si la publication du Manifeste est tardive, puisqu'elle est contemporaine du Carré noir sur fond blanc de Malévitch, l'utilisation des " rayons " de couleur pure reste une des premières manifestations de la peinture non figurative.

De plus, la place du Rayonnisme dans le mouvement des idées est de première importance, puisqu'elle se situe juste avant l'apparition du Suprématisme et du Constructivisme et que les conceptions de Larionov ont présidé à l'élaboration du Futurisme russe. Seuls les liens avec le Futurisme italien à ses débuts n'ont jamais été bien déterminés, Larionov s'étant toujours défendu de s'en être inspiré. Marinetti était venu faire une tournée de conférences en Russie en 1914, date à laquelle il se liera avec Larionov. Par la suite, les rapports seront plus étroits : le Manifeste est partiellement traduit en italien en 1917, à l'occasion de l'exposition Radiantismo à Rome. En France, les principes rayonnistes apparaîtront dans les décors de ballet, auxquels Larionov consacrera son activité à partir de 1915. On peut aussi en voir un prolongement dans les derniers " bouquets de lumière " qu'a peints Gontcharova.