les Hals

Frans Hals, la Bohémienne
Frans Hals, la Bohémienne

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintres néerlandais.

FRANS .

Frans (Anvers V. 1580/1585 – Haarlem 1666). On pourrait attendre davantage de données biographiques précises sur un artiste de la célébrité de Frans Hals. Bien des écrivains tentèrent de romancer sa vie, et les anecdotes foisonnent. Frans Hals fut exclusivement portraitiste, et toute sa longue carrière se déroule à Haarlem. Aujourd'hui encore, le musée de cette ville abrite ses œuvres maîtresses. En 1591, la famille Hals est déjà fixée à Haarlem, puisque le frère de Frans, Dirck, y est baptisé cette même année. Vers 1600-1603, Frans est l'élève du peintre Karel Van Mander, demeuré célèbre pour son Livre de peinture, publié en 1604. De haute culture italienne et de style maniériste, son influence sur son jeune élève ne fut probablement pas déterminante, puisque Frans n'ira jamais en Italie pour parfaire sa formation de peintre, comme l'exigeaient les tenants du Maniérisme à Haarlem. Les premières œuvres connues de Frans Hals sont voisines de 1610, date à laquelle il est membre de la gilde de Saint-Luc à Haarlem. L'artiste approche de la trentaine, mais aucune œuvre antérieurement ne lui est attribuée. Son premier fils, Harmen, qui sera peintre, est baptisé en 1611. Il aura huit autres enfants d'un second mariage. De 1616 date sa première grande commande : le Banquet du corps des archers de Saint-Georges. En 1633, il est choisi pour exécuter le tableau de confrérie de la Compagnie du capitaine Reynier Read, à livrer à Amsterdam. En 1641, nouvelle commande : les Régents de l'hôpital Sainte-Élisabeth à Haarlem. En 1644, Hals fait partie du conseil de la gilde de Haarlem.

À partir de 1654, la vie de Frans Hals s'assombrit, à la suite, semble-t-il, de la mauvaise gestion de ses affaires et non pas de la baisse de sa popularité : son mobilier est saisi cette année-là ; en 1662, il est obligé de demander un secours à la municipalité ; l'année suivante, une annuité de deux cents florins lui est accordée à vie. Âgé de plus de quatre-vingts ans, Hals peint en 1664, pour l'hospice des vieillards, les émouvants Régents et les Régentes. Le 1er septembre 1666, l'artiste est inhumé dans le chœur de l'église Saint-Bavon à Haarlem. Ainsi connut-il une vieillesse analogue à celle de Rembrandt, qui mourut ruiné.

Caractères de l'œuvre de Frans Hals

Hals, né vingt ans env. av. Rembrandt, entre dans l'atelier de Karel Van Mander et s'instruit dans le cercle du maniérisme harlémois au contact des gravures de H. Goltzius et surtout des premiers tableaux de corporation peints par C. Cornelisz. Ce dernier se situe à l'origine d'une tradition où les personnages représentés à mi-corps ne peuvent éviter souvent l'entassement ou une disposition trop systématique. Très tôt dégagé de tout le contexte italianisant de Haarlem, Hals fit de la réalité la plus objective possible face au modèle, son seul but esthétique : " Ce qui meurt alors, c'est l'image italienne de l'homme " (André Malraux). Frans Hals est le peintre de la bourgeoisie hollandaise du xviie s. au même titre que Van der Helst, Ravesteijn et beaucoup de ses contemporains. Dans ses vastes compositions patriotiques (les Dolen, les Régents), comme dans ses portraits individuels ou ses portraits de caractère, il ne vise pas au-delà du poids charnel et de la ressemblance du modèle. Son véritable génie ne se révèle que dans sa science nouvelle de la liberté en peinture, par sa palette si personnelle, sa conception audacieuse des valeurs, des teintes, de la lumière, ramenées au jeu des touches.

Premières œuvres

Son œuvre, uniquement composé de portraits, se suit de très près grâce aux nombreux tableaux signés et datés. Ses premières œuvres se situent v. 1610 : le Portrait de Jacobus Zaffius (1611, Haarlem, musée Frans Hals) et celui d'un homme tenant un crâne (Birmingham, Barber Inst. of Art), de la même époque, conservent encore une certaine raideur, propre aux artistes du xvie s. tels que Cornelis Ketel, Antonio Moro ou Dirck Barendsz ; pourtant, elles indiquent aussi que Hals a rompu avec le Maniérisme en trouvant l'essence de son style : savoir peindre la chair, en faire sentir, du vermillon au blanc pur et froid, le sang, la vie et la lumière. Le sujet comme la composition du Banquet des officiers du corps des archers de Saint-Georges en 1616 (Haarlem, musée Frans Hals) étaient traditionnels alors, proches d'un tableau de même sujet de Cornelis Van Haarlem. Si la composition reste encore peu liée, Hals, pourtant, renonce aux vieilles images figées de ses devanciers en créant une animation générale, une aération spatiale jamais vues — par l'obliquité des poses, les grandes diagonales de la construction — et, déjà, par endroits, des parties traitées audacieusement en puissantes touches. Alors devient possible cette spontanéité des poses et des expressions qui font qu'aucun portraitiste ne sut prendre ainsi sur le vif ses modèles. L'adorable Enfant et sa nourrice (v. 1620, musées de Berlin) n'a pas cet air d'enfant malade des Infantes de Velázquez. Les modèles ne posent pas devant Hals, qui surprend chacun d'eux dans l'attitude naturelle conforme à son tempérament. Aussi Hals ne répéta-t-il jamais une seule pose. Le Portrait d'un couple (v. 1622, Rijksmuseum), parfois considéré, mais à tort, comme autoportrait, est un des rares essais de Hals sur fond de paysage. La lumière y fait éclater en reflets le lisse un peu froid des carnations unies de ses prédécesseurs. Hals compose alors sa palette, où les noirs somptueux prennent des reflets colorés et laissent les tons clairs s'exprimer librement dans des chefs-d'œuvre éclatants comme le Cavalier souriant (1624, Londres, Wallace Coll.), le Portrait d'Isaac Massa (musée de Toronto) ou celui de Willem Van Heythuysen (Munich, Alte Pin.).

Portraits de caractère

C'est de 1620-1625 env. à 1630 que Hals peint sa grande série de portraits de caractère. Ce sont le Bouffon joueur de luth (Paris, Louvre), le Joyeux Buveur (Rijksmuseum), la Bohémienne (v. 1628-1630, Louvre), qui est une courtisane, l'inquiétante Malle-Babbe, vieille sorcière au hibou (Berlin), Monsieur Peeckelhaering (musée de Kassel), le Mulâtre (musée de Leipzig), les Deux Jeunes Musiciennes (musée de Kassel), les Deux Enfants (Rotterdam, B. V. B.). Ces thèmes — ce sont les seuls — sont empruntés aux caravagistes d'Utrecht et s'insèrent très clairement à l'intérieur de leur école. On peut rapprocher de ces œuvres l'admirable Jeune Homme tenant un crâne (v. 1626-1628, Londres, N. G.). Les tableaux de Hals ne sont pas sommairement brossés, la nouveauté de son style n'est pas faite d'inachevé ; l'exécution est très recherchée et l'audace du peintre tient dans les touches rapides, capables de rendre à la fois lumière, ton local, animation et matière. Celle-ci, sans épaisseur, est tour à tour légère, libre, empâtée ou glissante. Hals ne fut pas toujours habile à composer : sa volonté d'animation du tableau conduit parfois au désordre, comme dans le Banquet des officiers du corps des archers de Saint-Adrien (Haarlem, musée Frans Hals) ; aussi, dès 1630-1635, Hals recherche-t-il une simplification de ses compositions, tandis que les contours de ses formes se font moins accidentés. Les fonds s'assombrissent et la palette trouve alors son plus fort chromatisme. La Réunion des officiers du corps des archers de Saint-Adrien de 1633 (id.) a perdu son mouvement. Seules les flexions des têtes et des bustes animent la composition horizontale, longue et très statique. Là encore, Hals essaie un fond de paysage ; cependant, cet arrière-plan très sombre s'écarte de la notion de plein air telle que nous la concevons aujourd'hui. Le paysage, très conventionnel, est probablement d'un élève, ainsi que celui du Corps des archers de Saint-Georges de 1639 (id.).

Dernière période

Les Régents de l'hôpital Sainte-Élisabeth (1641, Haarlem, musée Frans Hals) préparent l'ultime mutation de l'artiste et annoncent ses dernières compositions. Probablement l'influence de Rembrandt se manifeste-t-elle alors par le jeu oblique de la lumière, mais surtout par l'atmosphère plus tendue, par l'expression plus intense et recueillie, nouvelle chez Frans Hals dont la palette ne s'éteint pas, et qui réduit seulement ses teintes à des blancs purs argentés, des noirs profonds jouant avec quelques accords subtils comme dans les Portraits d'homme de la N. G. de Londres et du Metropolitan Museum, le portrait de Joseph Coymans (Hartford, Wadsworth Atheneum) et de son épouse (Baltimore, Museum of Art), le portrait de Stephanus Geraerdts (musée d'Anvers) et de son épouse (Paris, coll. Rothschild). Hals, très âgé, joue de plus en plus sur les contrastes du blanc et du noir, et les contours des formes tendent à s'estomper comme dans le Portrait d'homme du musée Jacquemart-André de Paris, ceux du musée de Kassel et du Mauritshuis (1660), le Portrait de femme du Louvre ou le Portrait de W. Croes (Munich, Alte Pin.). De plus, l'objectivité, qui fut son grand caractère, fait place à une tendance expressionniste, à une tension intérieure qui rendent si saisissants le tableau des Régents et surtout celui des Régentes de l'hospice des vieillards (tous deux de 1664, Haarlem, musée Frans Hals), à propos desquels Claudel a pu écrire : " Ni dans Goya ni dans le Greco, il n'y a rien d'aussi magistral et d'aussi effrayant, car l'enfer même a moins de terreurs pour nous que la zone intermédiaire. " Quel que soit le bien-fondé des réserves de Fromentin (les Maîtres d'autrefois) sur ces derniers chefs-d'œuvre du vieux maître, qu'il y ait eu audace sans égale ou affaiblissement de sa main, Frans Hals, à plus de quatre-vingts ans, marchait dans le sens de l'histoire de la peinture et se montrait un précurseur : au xixe s., des peintres d'avant-garde, comme Édouard Manet surtout, se réclameront de lui et de sa technique audacieuse. Pieter Codde, Jan Miense Molenaer, Judith Leyster furent ses élèves. Seul Adriaen Brouwer, qui fréquenta son atelier en 1628, est à la hauteur du génie de Hals.

Une importante exposition Hals a été organisée en 1989-90 (Washington, Londres, Haarlem).

Dirck Hals (Haarlem 1591 – id. 1656). De 11 ans plus jeune que son frère Frans, il dut se former chez lui et il fut sans doute marqué aussi par H. Pot. Marié dès avant 1621, il passa la plus grande partie de sa vie à Haarlem (7 enfants issus de son ménage furent baptisés entre 1621 et 1635) et son plus ancien tableau daté connu remonte à 1621. En 1641-42 et 1648-49 (et peut-être aussi entre ces dates), il est localisé à Leyde.

Spécialisé dans les tableaux de conversations et de sociétés élégantes, il se rapproche au plus près de Buytewech et prolonge une veine féconde de la première peinture de genre nordique, à tendances précieuses, à format allongé, à polychromie vive et bariolée qui découle d'un certain maniérisme flamand de la fin du xvie s. (Hieronymus Francken, Joos Van Winghe) et se déploie en Hollande grâce à Esaias Van de Velde, Adriaen Van de Venne, Vinckboons. Dirck Hals, habile et fécond, tient ainsi une place de premier plan, juste un peu avant la pléiade fameuse des Duck, Duyster, Palamedes, Velsen (en Flandre il faudrait citer le nom de Van der Lamen — très voisin de style), qui assurent en Hollande le triomphe des " Conversationstücke " et des " Merry Company " dans les années 1630, qui ne seront supplantées qu'aux alentours des années 1650 par une peinture de société plus mondaine et plus subtile, celle de Ter Borch, de Pieter De Hooch, de Vermeer et de Netscher. Dirck Hals est très bien représenté dans les musées allemands et hollandais, tout particulièrement au Rijksmuseum (Joyeuse Compagnie en plein air).