eau-forte

Jacques Callot, l'Arbre aux pendus
Jacques Callot, l'Arbre aux pendus

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Procédé de gravure sur métal s'effectuant par l'intermédiaire d'un acide. Le mot s'applique à la fois à la technique, au mordant et à l'estampe elle-même. Une planche de métal (fer ou cuivre) est recouverte sur ses deux faces d'une fine couche de vernis destinée à la protéger de la morsure de l'acide. À l'aide d'une pointe dure, le graveur entaille le vernis selon le tracé du dessin qu'il veut obtenir. Il fait ainsi apparaître, par endroits, le métal débarrassé de sa couche protectrice. Ce sont ces parties du métal dénudé qui seront attaquées, lorsque le graveur plongera la plaque dans son bain d'eau-forte. L'action de celle-ci jugée suffisante, le graveur sort la plaque, la rince à l'eau claire, puis enlève le vernis protecteur, découvrant ainsi toute la surface de la planche, qui présente des creux aux endroits où l'acide a agi. Selon le temps d'immersion, la morsure par acide est plus ou moins profonde et permet d'obtenir un trait plus ou moins marqué lors du tirage. L'opération dans son ensemble peut être renouvelée autant de fois que le graveur le juge nécessaire. L'encrage et le tirage de la planche s'effectuent selon un procédé proche de celui de la gravure au burin. En fait, l'acide joue, dans cette technique, le rôle du burin en évitant au graveur le pénible travail qui consiste à entamer le métal à la force du poignet. Les traits obtenus par la gravure à l'eau-forte sont moins secs que ceux qui le sont par le burin ; ils se reconnaissent à leur plus grande souplesse et à leur aspect velouté.

L'eau-forte était connue des armuriers, qui l'utilisaient pour graver les lames et les armures. Aussi le fer servit-il d'abord de support. Il est bien plus facile à mordre que le cuivre, mais son oxydation rend la conservation des planches difficile. Le cuivre remplaça le fer et fut employé presque exclusivement jusqu'au xixe s. Le mordant fut longtemps à base de vinaigre ou de jus de citron, puis on se servit de mordants chimiques, surtout de l'acide chlorhydrique. Ce dernier dégage des bulles de gaz, ce qui donne au trait un aspect plus rugueux. Jusqu'au xviie s., on s'est servi d'un vernis dur, dans la composition duquel entrait une bonne part d'huile. Ce vernis, conservé liquide, était cuit sur la planche. Trop friable, il fut pratiquement abandonné pour le vernis mou, dont les recettes sont variées ; les principaux ingrédients sont la cire, le mastic et l'asphalte (vernis d'Abraham Bosse) et aussi l'ambre et la poix. Ce vernis, résistant mais qui ne s'écaille pas, est conservé en bâtons ou en boules. Depuis le xixe s., on pratique beaucoup l'eau-forte sur zinc. Ce métal doit être mordu à l'acide nitrique ; il est attaqué beaucoup plus facilement que le cuivre, et les bulles sont abondantes, ce qui rend le trait souvent râpeux. Plus l'acide est fort et la morsure rapide, plus ce caractère est accentué.

L'eau-forte est, avec la lithographie, la plus maniable des techniques graphiques. Elle peut aussi être d'une grande complexité et d'une infinie variété d'effets. La plus importante des innovations fut celle des morsures multiples, instaurée par Baroche et mise au point par Callot. Ce dernier chercha à donner à l'eau-forte l'aspect propre et ordonné de la gravure au burin. Mais on pouvait se servir des morsures multiples avec un but tout différent, comme le fit Rembrandt, qui usa sur une même planche de toutes les ressources de la taille-douce : pointe, grattage, burin très fin, accidents de vernis ou de morsure, parfois volontairement provoqués. Il faut citer également Claude Lorrain et certains aquafortistes du xviiie s. ayant pratiqué l'eau-forte libre, dite " eau-forte de peintre " (Gabriel de Saint-Aubin). Piranèse a laissé une importante suite d'eaux-fortes qui sont un chef-d'œuvre du genre (les Prisons).

Au xixe s., rares sont les peintres qui n'ont pas gravé à l'eau-forte. Certains laissaient appliquer l'acide par un tiers. Mais Corot, en particulier, sentait bien que l'eau-forte n'est pas un dessin multiplié et qu'il faut tenir compte de la spécificité du trait gravé et de la morsure, qui accentue chaque hésitation de la main, mais aussi tout ce que le trait a d'expressif.

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Talleyrand
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