cadre

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Élément mobilier destiné à assurer la présentation et la protection des œuvres d'art à deux dimensions — peinture, dessin, gravure, broderie — ou en bas relief.

Dérive de l'italien quadro, le terme s'applique d'abord à une bordure de bois de forme carrée ou rectangulaire, mais devient, dès le milieu du xviiie s. — par exemple dans les livres du marchand Lazare Duvaux, fournisseur de Mme de Pompadour, et surtout depuis le xixe s. — le terme général qui remplace définitivement celui de bordure aux applications plus nombreuses et s'emploie quels que soient la forme à la " vue " (rectangulaire, polygonale, ronde, ovale, chantournée) et le contour extérieur.

Le cadre est l'une des solutions matérielles apportées en réponse au besoin quasi universel de délimitation de l'espace figuré, besoin qui trouve aussi son expression dans la simple ligne fermée des peintures murales antiques et médiévales, dans les encadrements décorés des peintures de manuscrits ou dans les bordures gravées qui entourent les portraits gravés du xviie s. Les bordures tissées des tapisseries appartiennent à cette même catégorie et sont parfois de simples imitations en trompe-l'œil de cadres moulurés. Mais le cadre au sens strict n'existe que pour une œuvre d'art mobile, rigide (à l'exclusion des livres ou des rouleaux extrême-orientaux) et autonome par rapport à l'architecture où elle prend place.

Moyen Âge et Renaissance

Au xiiie s., le cadre fait encore partie du panneau peint, se caractérisant par une simple bordure en relief. Des exemples nombreux de cette technique se trouvent dans l'art byzantin et dans l'art russe, où les icônes sont peintes sur un panneau de bois recreusé dans la partie centrale. Mais, pour des œuvres de grandes dimensions, des solutions qui allient la solidité à l'esthétique sont rapidement nécessaires : pour la Madone Rucellai de Duccio (Offices), si le cadre, finement mouluré et orné de médaillons, ne fait plus partie du panneau et sert à en maintenir les éléments assemblés, il est encore couvert d'un enduit et de feuilles d'or, comme le fond du tableau.

En joignant plusieurs panneaux ainsi encadrés, il devient possible de composer de vastes retables ; dressés sur l'autel en avant du mur, ils sont de véritables unités architecturales, figurant la section transversale d'une église avec colonnes, arcatures, en rapport avec l'architecture du moment. Les arcs florentins, les pinacles triangulaires avec médaillons peints, d'un style encore traditionnel, du cadre de l'Adoration des mages de Gentile da Fabriano (1423, Offices) contrastent avec la conception nouvelle de l'espace, le retable représentant pour la première fois une scène unique.

Puis, au milieu du xve s., les retables florentins s'insèrent dans un cadre rectangulaire composé d'une corniche supportée par des pilastres et reposant sur un socle lourd, au décor Renaissance. À la fin du xve s. se développe en Toscane le tondo, tableau rond dont le cadre imite la couronne de fleurs des médaillons de terre cuite de Luca della Robbia. Un riche exemple de ce type de cadre fut sculpté, sans doute, dans l'atelier florentin de la famille del Tasso pour la Sainte Famille de Michel-Ange (Offices) et est orné de feuillage classique avec masques et oiseaux et de 5 médaillons contenant des bustes. On peut citer également à une époque un peu plus tardive le cadre de la Sainte Famille (1533-1535) de Beccafumi (Florence, musée Horne) dont la réalisation est peut-être due au sculpteur Lorenzo di Girolamo Donati.

Chez Mantegna, le Polyptyque de saint Luc (1453-1454, Milan, Brera) répond encore à un schéma gothique alors que l'espace se trouve unifié dans le Retable de S. Zeno (1457-1459, Vérone, église San Zeno) qui comporte une vaste prédelle et dont le cadre, d'esprit renaissant, fut réalisé selon un dessin de Mantegna. On se gardera d'oublier le démembrement, voire le dépeçage de retables au cours du temps, et de nombreuses œuvres, que nous voyons aujourd'hui isolées et dispersées, furent conçues pour s'intégrer dans un retable (Léonard de Vinci, Vierge au rocher, Paris, Louvre ; Londres, N.G.).

À Venise, persiste encore la tradition gothique, et 3 retables de l'église des Frari permettent de situer avec précision le passage au style nouveau : l'Autel de saint Marc de B. Vivarini (1474) a un encadrement rappelant le décor gothique de la Porta della Carta au palais des Doges ; en 1482, le retable de la Madone et des saints du même peintre comporte encore la division traditionnelle, mais avec un décor Renaissance, tandis que Giovanni Bellini, en 1488, pour la Madone et les saints (Triptyque des Frari), utilise de façon originale l'encadrement de Jacopo da Faenza en peignant, en trompe-l'œil, une architecture continuant celle du cadre.

En Espagne, dans les pays germaniques, dans les Flandres, le style gothique est plus vivave encore : plusieurs exemples de l'art flamboyant tardif, extrêmement riche, se trouvent toujours en place dans l'église de Levoča (nord de la Slovaquie), particulièrement le grand retable sculpté, exécuté par Maître Paul entre 1508 et 1517.

Dans les Flandres, les artistes restent fidèles au triptyque, parfois de petites dimensions, généralement chantourné à la partie supérieure ; l'on y trouve aussi de petits diptyques, comme celui du Chanoine Carondelet par Gossaert (1517, Louvre), où le donateur prie face à une image de la Vierge.

Le cadre peut aussi jouer un rôle dans la représentation de la profondeur : ainsi, dans la Justice de l'empereur Othon (Bruxelles, M. R. B. A.), Dirk Bouts n'hésite pas à placer dans la partie supérieure de son tableau deux fines arcatures flamboyantes en bois doré découpé, qui représentent en relief l'entrée de la pièce où se situe la scène de l'Épreuve du feu et qui sont semblables aux deux arcatures peintes au fond, soulignant d'une façon plus frappante l'effet de perspective.

Ce procédé est utilisé, avec naïveté, dans le petit portrait d'Englebert de Nassau (1487, Rijksmuseum), qui semble à sa fenêtre ; sa main et la queue de son faucon sont peintes sur le chanfrein du cadre. L'intérêt des artistes pour les cadres est, dès cette époque, attesté par un dessin de Dürer (Chantilly, musée Condé) ; il s'agit d'une étude pour l'Adoration de la Trinité (auj. à Vienne, K. M.) et pour le cadre que devait exécuter, en 1511, Veit Stoss et qui est conservé au musée de Nuremberg.

En Italie se généralise au xvie s. un nouveau type de cadre de tableau, qui n'est plus une imitation des motifs architecturaux : il se définit par son profil composé de 3 parties : entre 2 moulures, généralement dorées, existe une large bande plate décorée d'un motif peint, gravé, parfois moulé en faible relief. Une plus grande fantaisie est possible pour les cadres de miroirs, dont l'industrie est alors une des richesses de Venise. On utilise non seulement des formes plus exubérantes, des volutes inspirées du répertoire de l'architecte Sansovino, mais aussi de riches matériaux, métaux, marbres, pierres précieuses ou nacres incrustées.

xviie et xviiie siècle

Au xviie s., la division du cadre en 3 zones persiste, mais avec moins de rigueur : les motifs d'angles et de centre deviennent plus importants et sont souvent en relief.

L'Espagne et l'Allemagne suivent les modes italiennes ; l'Espagne montre surtout de l'intérêt pour les bois gravés et sculptés et introduit de volumineux ornements sculptés, tandis que l'Allemagne multiplie les ouvrages minutieux, avec de fines gravures et des incrustations précieuses.

En France aussi, les styles de la Renaissance italienne pénètrent, au temps de François Ier, mais progressivement. Un exemple prestigieux en est la série des cadres de la confrérie du Puy Notre-Dame à Amiens (musée d'Amiens) : celui qui est daté de 1519 est du plus pur Gothique flamboyant : celui de 1518 montre un amalgame d'éléments locaux et italianisants.

L'originalité du cadre français devient plus nette au xviie s. Les riches cadres du règne de Louis XIII ressemblent tout d'abord aux prototypes italiens : ils restent assez plats et sont décorés d'un motif continu de rubans, de rinceaux et surtout de feuilles. Peu à peu, le profil devient plus arrondi, tandis que des fleurs sculptées décorent angles et centres. Avec le règne de Louis XIV se confirme l'importance de l'art décoratif français, qui prend la première place en Europe. Les modèles sont donnés par des ornemanistes comme Jean Lepautre, Robert de Cotte (projet au musée des Arts décoratifs à Paris), Jean Bérain, Daniel Marot, et par Le Brun lui-même : à côté des manufactures royales, les corporations parisiennes de fabricants de meubles ont un grand développement ; et, par suite de contrôles nombreux, on aboutit même à une certaine uniformité de la production. Les éléments floraux sont plus stylisés, les centres et les angles ont un décor plus développé, qui rompt la ligne droite du contour extérieur. Un artiste provincial, César Bagard (mort en 1702), sculpteur ordinaire de Charles IV de Lorraine en 1669, sculpte de très riches cadres en bois de cerisier teinté, mais non doré ; cet art, élégant et délicat, relève encore du style Louis XIII, ainsi que l'atteste le cadre à bouts de feuilles du Portrait de Léopold de Lorraine (musée de Nancy) ; Bagard est le créateur d'une école nancéienne, qui se perpétue jusqu'au début du xive s.

Aux Pays-Bas, les styles français sont surtout imités pour l'encadrement des tableaux destinés à l'exportation en France ou en Angleterre, et la production locale est d'une grande originalité. Le cadre mouluré italien est interprété de différentes façons : on utilise bois exotiques et fruitiers, et la plupart des cadres de tableaux sont sombres, peints en noir, avec un décor guilloché. Les cadres les plus volumineux, à profil inversé, semblent avoir été surtout destinés aux miroirs, et les tableaux de Pieter De Hooch, de Metsu ou de Vermeer montrent que de minces cadres noirs étaient le plus souvent utilisés et s'associaient bien au caractère austère des intérieurs hollandais. Cependant, pour des portraits ou pour des emplacements privilégiés comme les dessus de cheminée, on trouve des cadres dorés richement sculptés dans le style mis à la mode par Johann Lutma, d'Amsterdam. Ces cadres sont très plats, parfois sans moulure à la " vue ", et sont décorés d'amoncellements de fleurs, de feuilles, de fruits naturalistes (par exemple le cadre de la Saint-Nicolas de Jan Steen, au Rijksmuseum) ou de motifs, dits " auriculaires ", dérivés plutôt de modèles vénitiens. Pour les portraits, armoiries et attributs sont mêlés au décor ; c'est ainsi que l'Autoportrait de Ferdinand Bol (Rijksmuseum) a un cadre attribué à J. Lutma et décoré de tournesols, symbolisant l'art de peindre.

Comme les Néerlandais, les Flamands ont une prédilection pour les cadres noirs rehaussés de filets dorés : la série des 15 Mystères du rosaire, dans un des bas-côtés de l'église Saint-Paul d'Anvers (1617), en est un exemple monumental. Les listes des francs maîtres des ligues d'Anvers au xviie s. signalent des fabricants de cadres spécialisés dans une seule technique : cadres en bois blanc, en étain, en bois d'ébène, et des enlumineurs de cadres.

De même, l'Espagne adopta les modèles des Pays-Bas et il y eut un véritable engouement pour les cadres noirs guillochés et ornés de filets dorés. Quant à l'Angleterre, elle fut attirée alternativement par les créations hollandaises et françaises, selon les aléas politiques ; l'essentiel de la production consiste en cadres de miroirs, qu'il est parfois difficile de distinguer de ceux des tableaux, comme l'étonnant cadre en bois sculpté doré, surchargé de fleurs, de feuilles et d'épis (Londres, V. A. M.), par Grinling Gibbons.

Au xviiie s., en France, le style Régence accentue les caractéristiques du style Louis XIV : la sculpture est réservée aux angles et aux centres, ornés souvent de lourdes coquilles, de plus en plus développées et séparées par des espaces sans décor. Une plus grande minutie d'exécution est obtenue grâce au travail des répareurs ; on ne se contente plus de la sculpture directe dans le bois, on sculpte à nouveau les apprêts en plâtre posés sur les premiers motifs taillés : c'est le début de l'évolution vers le cadre en pâte ou en plâtre, fragile, mais qui permet toutes les audaces à moindres frais. La virtuosité est de plus en plus grande au fur et à mesure que s'affirme le style Louis XV : le cadre comporte des évidements, des crosses qui figurent les tiges de fleurs, totalement détachées du profil. Les fantaisies asymétriques du Rococo sont plus fréquentes en Allemagne, en Autriche ou en Angleterre, mais on trouve aussi des motifs désaxés en France, par exemple dans les projets (Paris, musée des Arts décoratifs) de Nicolas Pineau.

Trop liés au décor général des demeures, ces cadres bientôt nuisent à la bonne contemplation des peintures, et, dès le milieu du xviiie s., un retour à la simplicité est souhaité. En réaction à l'exubérance du style rocaille, le mouvement néo-classique amorcé par Winckelmann s'accompagne d'austères décors de perles, de rais-de-cœur, de canaux, de bouts de feuilles. Une certaine fantaisie se déploie pour les motifs de couronnement, avec des cartouches, des nœuds, des guirlandes tombant sur les côtés du cadre, et la mode est aux ovales pour les natures mortes et les portraits.

En Angleterre, le goût classique des architectes Robert et James Adam impose un style dépouillé, proche de celui des Français, pour remplacer les riches bordures à fronton sculpté comme on peut en voir dans les appartements où se passent les scènes du Mariage à la mode de William Hogarth (Londres, N. G.).

En France, l'idée de présenter au public les collections royales prend forme dans la seconde moitié du xviiie s. et l'on cherche à donner aux œuvres des encadrements uniformes. Joseph Vernet, pour sa série des Ports de France, exige des cadres aux lignes simples, et, dès 1756, la rigueur des bordures sculptées par Cayeux, puis par Guibert, beau-frère du peintre (Louvre et Paris, musée de la Marine), annonce le style Louis XVI.

Après M. de Marigny, le marquis d'Angiviller continue cette politique et charge François-Charles Buteux, sculpteur des Bâtiments du roi, de créer un type de bordures dorées larges et plates, agrémentées de perles, de rais-de-cœur et de feuilles enroulées, timbrées par un grand cartouche à la partie supérieure, et de créer, pour les tableaux cintrés, un motif de feuilles pour les écoinçons ; l'artiste reçut ainsi commande, en 1777, des 3 cadres pour les Muses de Le Sueur provenant de l'hôtel Lambert, cadres toujours utilisés au Louvre. Le 21 juin 1782, dans un rapport à d'Angiviller, Pierre établit même un tarif pour les ouvrages de Buteux : les bordures des portraits, selon le format, seront payées 1 200, 1 000 ou 800 livres.

Le souci d'une présentation harmonieuse, à une époque où l'on ne craint pas d'accrocher les tableaux cadre à cadre, détermine d'autres solutions du même genre : c'est ainsi qu'une simple bordure plate est utilisée dans la galerie de l'archiduc Léopold Guillaume, telle que l'a représentée D. Téniers (Bruxelles, M. R. B. A.), et que les collections de l'Académie, à Paris — tant pour les prix de Rome (Paris, E. N. B. A.) que pour les portraits d'artistes (Louvre) —, sont encadrées d'une simple gorge en bois doré, sur laquelle sont inscrits sujet, date et nom de l'auteur en grandes lettres noires. La même formule avait été utilisée dès 1745 au Zwinger de Dresde et devait être suivie, au début du xixe s., tant à Paris, au musée Napoléon, avec des cadres à palmettes, qu'à Berlin, où l'architecte Schinkel dessine le bâtiment du musée et le matériel de présentation, y compris les cadres qui sont de deux modèles, pseudo-gothique ou néo-classique.

xixe siècle

On sait que le xixe s. s'est souvent contenté d'adopter les modèles du passé. L'emploi de techniques semi-industrielles permet d'abondants décors à bon marché et provoque ainsi la profusion, jusque chez les plus modestes amateurs, de cadres d'une richesse parfois tapageuse, imitant les plus prestigieux ouvrages destinés à l'aristocratie ou à la Cour au xviie et au xviiie s. Cette surenchère a permis à Nadar, dans sa publication Nadar-Jury au Salon de 1853, la remarque ironique : " N° 688. Ah ! le beau cadre ! Ah ! le beau cadre ! Monsieur Lamothe, pour un beau cadre, voilà un beau cadre. "

Cependant, la plupart des artistes attachent une grande importance à une juste adaptation du cadre au tableau. Amaury-Duval rapporte, dans l'Atelier d'Ingres, que " Ingres ne voulait pas qu'on s'empressât d'encadrer un tableau avant de l'avoir terminé " et qu'il résumait ainsi sa pensée : " Le cadre, c'est la récompense du peintre. "

Ainsi, le cadre " troubadour " de Paolo et Francesca (musée d'Angers) est accordé au style et aux couleurs du tableau et ajoute un élément de plus à la recherche de couleur locale chère à Ingres ; celui de la Vierge à l'hostie (Louvre) imite les modèles de la Renaissance italienne, et l'on sait par une inscription au verso du cadre de Jeanne d'Arc (Louvre), décoré de feuillages, que celui-ci a été fait " au modèle " selon le désir de M. Ingres.

Le même esprit anime les préraphaélites anglais et William Morris, qui imitent les cadres architecturaux de la Renaissance italienne avec pilastres à rinceaux et entablement (par exemple cadre de la Fille du roi, de Burne-Jones, Paris, Orsay). Certains cadres, dessinés par Rossetti lui-même, ont été conservés, comme celui de Beata Beatrix (1872, Chicago, Art Inst.), où s'enchâssent une réplique du portrait de son épouse Élisabeth Siddel et une prédelle sur le thème de Dante rencontrant Béatrice au Paradis.

Quant aux impressionnistes, ils cherchent des solutions nouvelles, en accord avec la gamme lumineuse de leurs coloris. Monet, Pissarro, Van Gogh souhaitent des cadres blancs ou en bois naturel, Whister utilise pour la plus grande partie de ses œuvres (la Mère de l'artiste, Orsay : nombreux tableaux à Washington, Freer Gal.) une large moulure à la dorure éteinte, au profil arrondi, décorée d'une simple juxtaposition de fines baguettes. Degas, pour sa part, préfère les baguettes plates à fines cannelures, parfois teintées de gris ou de vert clair, assorties à l'œuvre encadrée. Pour éliminer l'ombre du cadre, Seurat prend soin de peintre sur la toile une bordure " théoriquement bleue ", selon l'expression de Fénéon (le Cirque, Orsay), ou d'ajouter un petit cadre intérieur bleu (les Poseuses, id.).

Autour de 1900, les décorateurs de l'Art nouveau, parmi lesquels il faut citer De Feure, Guimard (cadre de New York, Cooper Union Museum), Carabin, Van de Velde ou F.L. Wright proposent des modèles de cadres, car ils désirent rénover l'ensemble du mobilier, et des créations d'artistes plus obscurs sont reproduites dans les revues spécialisées : The Studio ou Art et décoration. À côté de ces ouvrages raffinés, un artisanat plus modeste tente certains des Nabis, comme Maurice Denis, qui charge son épouse, Marthe Meurier, de décorer et de peindre des cadres simples en harmonie avec ses propres compositions.

Époque contemporaine

Au xxe s., on expérimente des matières nouvelles, toile, cuir, métal, ou de colorations inédites — cadres argentés, décorés parfois de miroirs, des années 1925 —, tandis que les artistes montrent une désaffection de plus en plus générale pour le cadre, ou en font une partie de leur œuvre : Autoportrait de Cuno Amiet (musée de Soleure) avec la perspective de l'atelier peinte sur le cadre, Fenêtres simultanées de Robert Delaunay, peintes sur la toile et le cadre, animaux grossièrement découpés et taillés dans une planche peinte de Brauner contenant, dans le rectangle central évidé, un tableau fantastique, d'une facture minutieuse.

Alors que transparaît, au cours des siècles, l'intérêt que l'artiste a toujours attaché à l'assortiment de l'œuvre et de son cadre, les générations successives — et cela dès le xve s. — se sont généralement employées à les dissocier, soit que l'on ait cherché à mettre le tableau au goût du jour grâce à un cadre nouveau, soit qu'il ait changé d'affectation, le cadre n'étant que le lien entre l'œuvre d'art et son emplacement ; il en est ainsi, dans les musées, pour les cadres du xixe s., au goût du temps où l'œuvre est entrée dans les collections. Ce n'est qu'à une époque récente que, par souci d'authenticité, on a cherché à restituer aux tableaux des cadres de l'époque et du pays où ils ont été peints. Au Louvre, une telle politique de réencadrement a été amorcée à partir de 1935, avec le don par Jules Strauss de 53 cadres anciens destinés aux chefs-d'œuvre, comme la Vierge aux rochers de Léonard de Vinci.

Complément souvent négligé de l'œuvre d'art, le cadre a finalement le rôle esthétique primordial de limiter l'espace et de préserver l'unité de l'œuvre, ainsi que l'écrivait Poussin à son ami Chantelou le 28 avril 1639 (Lettres de Poussin, Paris, 1929) : " Quand vous aurez reçu la vôtre (la Manne), je vous supplie, si vous le trouvez bon, de l'orner d'un peu de corniche, car il en a besoin, afin que, en le considérant en toutes ses parties, les rayons de l'œil soient retenus et non point épars au-dehors, en recevant les espèces des autres objets voisins qui, venant pêle-mêle avec les choses dépeintes, confondent le jour. Il serait fort à propos que ladite corniche fût dorée d'or mat tout simplement, car il s'unit très doucement avec les couleurs sans les offenser. "