Claude Vignon

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre français (Tours 1593 Paris 1670).

Des artistes français de la première moitié du xviie s., Vignon est l'un de ceux dont le style est le plus aisé à reconnaître et qui a le plus produit. Mais il est aussi l'un de ceux qui se sont montrés les plus ouverts aux influences les plus variées, des maniérisants parisiens et des caravagesques comme des maîtres de Rembrandt, des Fetti, Guerchin, Simon Vouet, etc.

Après un apprentissage à Paris, il est en Italie dès 1610, et à Rome en 1617, l'année de son Martyre de saint Matthieu (musée d'Arras), qui fait penser à Borgianni et à Serodine. L'année suivante, il grave, d'après son ami Simon Vouet, les Amants (l'original est sans doute auj. à Rome dans la coll. Pallavicini). De 1619 date son étonnante Adoration des mages (musée de Dayton [Ohio], gravée par l'artiste lui-même, dessin préparatoire au Louvre), qui avait pu passer, non sans raison, comme étant l'œuvre de Domenico Fetti. En 1622, sans doute, l'artiste remporte avec les Noces de Cana (Potsdam, tableau détruit en 1945) le concours organisé par le prince Ludovisi. Il semble, durant ces mêmes années, avoir entrepris un aventureux voyage en Espagne.

Le 21 janvier 1623, Vignon signe, à Paris, son contrat de mariage avec Charlotte de Leu. Les 2 tableaux datés que nous connaissons de cette année-là, le Saint Ambroise (Minneapolis, Inst. of Art) et Jésus parmi les docteurs (musée de Grenoble), marquent une évolution vers une peinture plus claire et plus décorative, que confirment les tableaux datés de 1624 (Esther devant Assuérus, Louvre ; la Transfiguration, église de Châtillon-Coligny [Loiret] ; l'Adoration des mages, Paris, église Saint-Gervais). Désormais, Vignon produira pour les églises de la France entière (les jésuites seront de fidèles clients) plusieurs dizaines de tableaux par an, se faisant aider, pour suffire à la commande, par ses nombreux enfants (les auteurs du xviie s. en mentionnaient 34, nés de ses deux mariages). Mais l'artiste ne se limite pas aux seuls tableaux religieux (Circoncision, Lyon, cathédrale Saint-Jean ; Adoration des mages, église de Fère-en-Tardenois [Aisne] ; série de tableaux d'Arc-et-Senans [Doubs] ; Lavement des pieds, 1653, musée de Nantes), il aborde aussi l'histoire médiévale ou récente (Godefroy de Bouillon, Paris, église Saint-Roch ; galerie de Thorigny-sur-Vire, 11 tableaux détruits pendant la dernière guerre), comme l'histoire ancienne (Antoine et Cléopâtre, Sarasota, Ringling Museum ; la Mort de Sénèque, Louvre ; Crésus, 1629, musée de Tours ; les Sept Sages de la Grèce, les Femmes fortes, séries connues par la gravure et le dessin), s'attaque à la mythologie (les Adieux, Dijon, musée Magnin), au portrait (François Langlois, coll. part., en prêt au Wellesley College, États-Unis), dessine et grave d'abondance. Cette activité le conduit à entrer à l'Académie, non pas parmi les fondateurs, mais cinq ans plus tard, en 1653, où il est reçu en qualité d'ancien et de professeur. Quand Vignon disparaît, ses amis de Rome ne sont plus, ses protecteurs parisiens, Louis XIII et Richelieu, sont morts depuis longtemps, et sa manière de peindre, avec une touche grasse et d'épais empâtements, sans que jamais les couleurs ne soient mélangées, où l'or rutile sur les fonds sombres, devait paraître bien désuète. Il faudra attendre 1934 (exposition des Peintres de la réalité) pour que l'originalité de l'artiste soit de nouveau admise et que l'on se souvienne qu'il avait connu Rembrandt, dont il parle avec admiration dans une lettre à son ami le marchand Langlois (il fait figure de précurseur en la matière). Des tableaux comme le Jeune Chanteur du Louvre ou les Deux Buveurs d'une coll. part. anglaise auraient dû cependant suffire à lui assurer, parmi les caravagesques de l'époque, une bonne place.

Peu d'artistes de ce groupe ont eu, en effet, une telle imagination, une aussi grande facilité et une fougue comparable. Claude Vignon était apprécié aussi en tant que grand connaisseur. Les musées de Tours, Arras et Toulouse ont consacré à Vignon une importante exposition en 1993-94.