Raoul Dufy

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre français (Le Havre 1877  –Forcalquier 1953).

Son enfance se passe au Havre, dans une famille très musicienne, ce qui expliquera le choix de nombreux thèmes de son œuvre. Dès quatorze ans, il doit travailler dans une maison d'importation, mais suit, à partir de 1892, les cours du soir du peintre Lhuillier à l'école municipale des beaux-arts du Havre, où il rencontre Othon Friesz. Ses premières admirations vont à Boudin, découvert au musée local, et à Delacroix, dont la Justice de Trajan (musée de Rouen) lui " fut une révélation et certainement une des impressions les plus violentes " de sa vie. En 1900, trois ans après Friesz, Dufy obtient une bourse municipale pour aller travailler à Paris. Inscrit à l'E. N. B. A. (atelier Bonnat), il s'intéresse surtout aux impressionnistes, en particulier à Manet, Monet, Pissarro, qui l'influencent, et aux postimpressionnistes, surtout à Lautrec, dont le trait incisif l'enthousiasme. Il commence à obtenir un certain succès, que son nouveau style, de 1904 à 1906 environ, va provisoirement éclipser. Pendant cette période, Dufy et son ami Marquet travaillent, côte à côte et dans des styles voisins, à Fécamp, à Trouville et au Havre. La Rue pavoisée et les Affiches à Trouville (1906, Paris, M. N. A. M.) sont, par la touche, la couleur et les thèmes, des toiles fauves, mais d'une sensibilité encore impressionniste. Dufy date lui-même de 1905, avec la découverte au Salon d'automne de Luxe, calme et volupté, de Matisse, sa propre évolution vers une peinture nouvelle : " Le réalisme impressionniste perdit pour moi son charme, à la contemplation du miracle de l'imagination traduite dans le dessin et la couleur. " Jeanne dans les fleurs (1907, musée du Havre) trahit une nette influence de Matisse ; puis la grande rétrospective Cézanne (1907), le voyage fait avec Braque à l'Estaque l'année suivante renforcent chez lui un besoin de structure qui ne l'entraîne pourtant pas jusqu'au Cubisme (Arbres à l'Estaque, 1908, Paris, M. N. A. M.). La grande vivacité de couleurs jointe à un graphisme net de la Dame en rose (1908, id.) fait également penser à Van Gogh et n'est pas sans évoquer l'Expressionnisme allemand, vraiment connu de l'artiste l'année suivante au cours du voyage fait avec Friesz à Munich.

Autour de 1909, l'art de Dufy s'allège, s'empreint de grâce et d'humour, avec déjà quelque agrément décoratif dans l'agencement des taches et des silhouettes (le Bois de Boulogne, 1909, musée de Nice ; le Jardin abandonné, 1913, Paris, M. N. A. M.).

Après avoir illustré de bois gravés plusieurs livres de ses amis poètes (Bestiaire d'Orphée d'Apollinaire, 1910), Dufy s'intéresse à l'art décoratif ; il fonde avec l'aide du couturier Paul Poiret (1911) une entreprise de décoration de textiles, dessine des tissus (de 1912 à 1930) pour la maison Bianchini-Ferrier. En 1920, il exécute avec Fauconnet les décors du Bœuf sur le toit (texte de J. Cocteau, musique de D. Milhaud) ; enfin, il s'affirme décorateur autant que peintre en exposant régulièrement, à partir de 1921, au Salon des artistes décorateurs, en exécutant des fontaines et des projets de piscines avec le céramiste Artigas ou en décorant (1925) les trois célèbres péniches de Poiret : Amours, Délices et Orgues.

Après la guerre, à partir des grandes compositions de Vence en 1919 (musées de Chicago et de Nice), la peinture de Dufy s'épanouit dans son style définitif. Il superpose désormais, selon une formule à laquelle il restera attaché, un dessin vif, baroquisant et comme " bouclé " d'arabesques, à des " plages " de couleurs pures délimitées avec un arbitraire apparent, le trait et la couleur étant parfaitement autonomes. D'où le choix des thèmes où il peut opposer un fourmillement mouvementé, traduit par le graphisme, à une unité ambiante assurée par ses aplats de couleurs vives : tout ce qui est mouvement ponctué sur un espace calme, pelouse, plan d'eau, canotiers sur la Marne (Fête nautique au Havre, 1925, M. A. M., Ville de Paris ; Nogent, pont rose et chemin de fer, v. 1933, musée du Havre), champ de courses (Courses à Epsom, v. 1935, M. A. M., Ville de Paris). Après la guerre, il abandonne la gravure sur bois pour la lithographie et pratique de plus en plus l'aquarelle ; en 1935, il adopte un nouveau médium : les couleurs mises au point par le chimiste Maroger, qui lui permettent d'obtenir la légèreté et la fraîcheur de l'aquarelle. L'aboutissement de ces années de recherches décoratives est, en 1937, la Fée Électricité, décoration gigantesque pour un pavillon de l'Exposition internationale, où la fantaisie dans le détail, imprévue dans un sujet sévère, se tempère de rigueur dans la composition générale (Paris, M. A. M. de la Ville).

À la fin de sa vie, Dufy tend vers un plus grand dépouillement, où son enjouement s'enrichit d'une intensité nouvelle : la série des Ateliers (1942), des toiles presque monochromes (la Console jaune, 1947 ; le Violon rouge, 1948). En 1952, un an avant sa mort, il reçoit le Grand Prix international de peinture à la XXVIe Biennale de Venise. On ne saurait omettre dans sa longue carrière ce qui, pour beaucoup, semble constituer le meilleur de son œuvre : ses dessins à la plume et au crayon gras, où se déploient sa fermeté, sa concision, sa vivacité et son humour (un grand nombre au M. N. A. M. de Paris). Dufy fut, entre les deux guerres, le " reporter " visuel amusé des spectacles offerts par un monde pacifié et jouisseur, tantôt naturel (champs de blé, moutonnement des vagues), tantôt mondain (plages, régates, ports, salle de concert).